Tribune signé par Florence Thune, directrice générale de Sidaction
La lutte contre le sida est en danger. Ceci n’est pas un simple slogan de campagne pour collecter plus de dons. C’est une réalité. Une réalité qui se traduit, en France et dans le monde, par la suspension de projets de recherche et d’actions de prévention, par des retards de dépistage ou d’entrée dans les soins, par des interruptions de traitement dans certains cas et par une plus grande fragilité psychologique et socio-économique de personnes contaminées par le VIH ou très fortement exposées à ce risque.
Le 17 juin, le Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme a publié les résultats d’une enquête menée dans 106 pays dans le monde : 85% des programmes VIH y ont rapporté des perturbations dans la délivrance de leurs services, que ce soit en termes de prévention, d’accès au dépistage, ou d’accès aux traitements. Le mois précédent, l’OMS évoquait déjà un risque de 500 000 morts supplémentaires du sida en Afrique Subsaharienne, dues aux problèmes d’accès au dépistage de certaines pathologies, dont le VIH et la tuberculose, et aux traitements qui y sont liés.
Les acteurs de la lutte contre le sida, dans le monde entier, ont mobilisé leur énergie, leur savoir-faire et leur expérience, au plus près des populations, pour lutter contre le coronavirus. En France, les équipes des 70 associations soutenues par Sidaction se sont battues sans relâche pour que les personnes qu’elles suivent au quotidien survivent à cette crise. Je n’emploie pas ce terme de survie à la légère. Tous les acteurs et actrices de la solidarité et du social, qui auraient bien mérité eux et elles aussi quelques applaudissements, savent à quel point l’épidémie de Covid-19 et ses conséquences ont eu des impacts psychologiques et socio-économiques dévastateurs sur les publics les plus précaires, vivant avec le VIH ou non. Et nous n’avons pas fini d’en constater les effets.
De jour comme de nuit, les associations ont tenté de répondre aux multiples besoins émergents : prévention auprès des personnes séropositives les plus à risque, notamment celles qui souffrent d’autres pathologies chroniques comme le diabète, distribution de kits alimentaires ou de kits d’hygiène, soutien à des familles entières confinées dans des chambres d’hôtel, logement d’urgence pour des personnes séropositives à la rue, appui psychologique à celles replongeant dans la peur irrationnelle d’un nouveau virus, identification de solutions face à des situations désespérées…
Et des situations désespérées, il y en a eu… Comment ne pas mentionner celles vécues par les travailleuses du sexe, privées brutalement de tout revenu, pour lesquelles il a fallu se battre collectivement pour tenter d’obtenir des aides de l’Etat restées largement insuffisantes au regard des besoins… Combien se sont demandées, et se demandent encore, comment elles nourriront leur famille ou paieront leur loyer dans les mois à venir… Depuis le déconfinement, deux cas de suicide nous ont été rapportés. Je le répète, je n’emploie pas le mot de «survie» à la légère.
Et comme si l’impact sanitaire de la crise n’était pas suffisant pour mettre la lutte contre le sida en danger, le 16 mars, pour la première fois depuis 1994, nous avons dû prendre la difficile décision d’annuler le «Sidaction 2020», notre grand week-end médiatique de collecte qui nous permet de rassembler chaque année plus de 4 millions de promesses de dons.
Ces dons qui s’ajoutent à ceux collectés tout au long de l’année nous permettent de financer des projets de recherche scientifique sur le VIH ainsi que les actions de toutes ces associations qui se sont, elles aussi, jointes aux efforts contre cette épidémie de Covid-19.
Si nous ne parvenons pas à compenser cette perte dans les mois à venir, c’est toute cette diversité d’actions extrêmement efficaces en termes de prévention et d’accès au dépistage, de proximité et d’accompagnement de personnes vivant avec le VIH et en grande précarité qui sera menacée d’arrêt dès 2021. Ce sont des dizaines de projets de recherche qui devront s’interrompre ou qui ne démarreront pas.
La lutte contre le sida est en danger. Elle ne devrait pas l’être après toutes ces années de combat et de grandes victoires contre ce virus, qui continue pourtant de tuer plus de 700 000 personnes par an dans le monde. Ce jeudi, et au-delà, en soutenant Sidaction et tous les acteurs de la lutte contre le sida, vous nous permettrez de rester mobilisés et de continuer à lutter, ensemble, contre le sida.
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