Alexandre : Notre première information nous vient d’Inde. Elle a été rapportée par Médecins Sans Frontière et concerne l’hépatite C. Si vous nous suivez sur notre page Facebook vous savez sans doute de quoi je veux parler, il s’agit du brevetage du Sofosbuvir par le laboratoire Gilead.
Je vous redonne le contexte. Qu’est-ce que le Sofosbuvir ? Vous le connaissez peut-être mieux sous le nom de Sovaldi, il est au coeur du traitement le plus efficace connu à ce jour contre l’hépatite C, on parle de 50 à 80 % de chances de guérison pour un traitement de 12 semaines. Si vous étiez déjà au courant de ces détails-là, vous saurez dès lors que la principale controverse autour de ce médicament réside dans son prix, démentiel. Le traitement coûte, en fonction des pays, plusieurs dizaines de milliers d’euros. Plus de 40 000 en France, presque deux fois plus aux Etats-Unis.
Pour illustrer cela, je vais vous citer un article du Monde
qui date d’il y a plus d’un an déjà, et qui est toujours d’actualité, je cite : « En septembre 2014, plusieurs associations, dont SOS Hépatites, MDM et Aides, se sont élevées contre le prix jugé « exorbitant » du Sofosbuvir. Elles ont demandé – sans effet – au ministère français de la santé de prendre une licence d’office sur le médicament afin d’autoriser des fabricants de génériques à le produire à coût très réduit. Gilead, de son côté, a justifié ce montant élevé par les coûts de développement (notamment les essais cliniques qu’il a financés) et les nombreux cancers du foie évités. « C’est comme si on calculait le prix d’un airbag sur la base du coût des vies humaines qu’il sauve », ironise Céline Grillon, responsable du plaidoyer pour la réduction des risques à MDM. »
En Inde, le traitement est disponible à plus de 700 euros. Selon le laboratoire pharmaceutique, le prix est plus cher dans les pays aisés pour favoriser la distribution dans les pays pauvres. Le problème reste pourtant le même, le traitement n’est pas disponible pour tout le monde. Selon Médecins Sans Frontières, en janvier 2015, le bureau indien des brevets avait rejeté une demande de brevet formulée par Gilead sur le Sofosbuvir. Les associations de patients indiennes avaient salué cette décision, ainsi que MSF. Seulement, le recours de Gilead contre cette décision a été accepté ce mois-ci.
Pourquoi est-ce une mauvaise nouvelle ? Je cite le site Internet de Médecins Sans Frontière, msf.fr : « « C’est une très mauvaise nouvelle pour les patients atteints d’hépatite C dans de nombreux pays en développement, explique Leena Menghaney, responsable de la Campagne d’Accès aux Médicament Essentiels (CAME) de MSF en Asie du Sud. Cette décision va empêcher les producteurs indiens de médicaments génériques de faire leur entrée sur le marché, avec des conséquences pour des millions de personnes, non seulement en Inde, mais aussi dans de nombreux pays dits ‘à revenus intermédiaires’. Ces pays sont aujourd’hui exclus des accords entre Gilead et des producteurs tiers, et n’ont pas accès au Sofosbuvir ».
Gilead a signé des accords autorisant des fabricants de génériques indiens à produire le Sofosbuvir et à l’exporter dans les pays pauvres, mais pas dans les pays dits ‘à revenus intermédiaires, où vivent environ 50 millions de personnes atteintes d’hépatite C. Dans ces pays, le prix du Sofosbuvir dépend alors d’une négociation avec Gilead. »
Vous le savez, en France, tout le monde n’a pas accès à ce traitement. Son coût est tel qu’il est nécessaire d’avoir un stade avancé de la maladie pour en bénéficier.
Le prix du traitement contre l’hépatite C n’aura décidément pas fini de faire parler de lui. En attendant, le coût de production du médicament est de quelques centaines de dollars par traitement, et Gilead en a vendu pour plus de 15 milliards de dollars dans le monde depuis 2014.
Alexandre : Je pense Yann que tu peux confirmer par rapport à la difficulté de se procurer un traitement contre l’hépatite C ?
Yann : Oui, j’en ai profité sur l’antenne pour parler de mon cursus qui n’a pas été facile pour obtenir justement les nouvelles molécules par rapport à l’hépatite C. Notamment après une confiance absolue avec l’infectiologue qui malgré mes dires en lui expliquant que je suis dans un refus de prendre l’ancien médicament qui était l’Interféron et qui amenait vraiment des effets indésirables très lourds. Je le sais parce que fréquentant le milieu associatif par le biais du Comité des familles. On avait des membres qui étaient passés par là. On en a perdu, réellement perdu, physiquement, qui sont morts à la suite de ce traitement, avec des envies suicidaires…
Alexandre : L’Interféron ça a des causes dépressives très fortes.
Yann : Tout à fait, avec une libido a zéro… si le traitement dure 1 an on met sa vie vraiment à l’écart pendant 1 an ce qui veut dire que quand on a une vie familiale, eh bah oui c’est qui cet homme qu’on ne connait pas ou cette femme qu’on ne connait pas, qui d’un seul coup n’est plus du tout la même. Bon, ça c’est l’ancien temps même si faut savoir que dans les hôpitaux, si vous n’êtes pas bien informé, on va quand même essayé de vous donner un traitement à base d’Interféron pour simplement éviter de creuser un peu plus le trou de la sécu. Il s’avère que moi j’explique que je suis dans le refus de prendre ce médicament donc on m’explique entre 4 yeux que bah oui mais vous vous rendez compte, avec le génotype que vous avez, ça veut dire qu’on sera obligé de multiplier par 2 la durée du traitement. Mais qu’en ai-je à foutre ?! Vous êtes médecin, vous n’avez pas à me parler d’argent. Grosso modo vous retrouvez un peu tout l’historique sur le site comitedesfamilles.net quand vous tapez hépatite C. Donc j’ai obtenu, parce que j’étais au courant et que je suis un peu dans la partie, j’ai obtenu enfin le traitement qui effectivement se passe comme une lettre à la poste, même si j’ai pris 6 mois de médicaments. Je le redis, adressez-vous au Comité des familles, aux associations de l’hépatite mais n’allez pas comme ça quand vous êtes dans une démarche, comme vous ne connaissez pas forcément l’avancée de la maladie par rapport à la fibrose de votre foie ou quoi que ce soit. En tout cas, adressez-vous aux spécialistes associatifs avant d’avoir une réponse des médecins. C’est ce que je dois donner comme conseils.
Sandra : Merci Yann d’avoir à nouveau partagé ton expérience. C’est toujours bon de le réentendre ou de le découvrir, peut-être qu’il y a des nouveaux auditeurs qui découvrent donc merci pour eux. Je ne sais pas s’il y a d’autres réactions à propos de l’info d’Alexandre. Sylvie ou Jean-Marc ?
Jean-Marc : Oui, moi ce qui m’étonne c’est qu’on soit dans une société dans laquelle on vit, on soit toujours obligé de lutter pour simplement essayer de vivre normalement, pour la santé, c’est ça qui est complètement hallucinant.
Yann : Pour la santé, le loyer, pour bouffer…
Jean-Marc : Oui, pour tout. En tout cas pour l’exemple que tu donnes là…
Sylvie : Moi, je voudrai rajouter qu’on est… je suis commerçante donc je vais parler en tant que commerçante. Tout le monde participe au bien commun par son argent en achetant un produit et que du coup c’est ce qui fabrique l’Etat. L’Etat est là normalement pour au moins 3 choses, la culture, l’éducation et surtout aussi la santé entre autres et qu’à moment donné on puisse nous faire croire que ça ne devrait pas être… qu’on parle toujours de gratuité, ce n’est pas gratuit. On le fabrique tous cette gratuité. Elle nous appartient donc. Les laboratoires ça ne devrait pas être privé, ça devrait être une chose d’Etat qui soit fabriqué par l’Etat. Les chercheurs devraient être d’Etat. Parce qu’à un moment c’est insupportable d’entendre ce genre de choses pour des histoires d’argent effectivement. Qu’on puisse se faire du fric là-dessus c’est insupportable.
Sandra : Vos commentaires sur le site comitedesfamilles.net. Alexandre, deuxième information.
Alexandre : Le combat est voué à l’échec sans une action d’envergure en Afrique occidentale et centrale. La maîtrise de l’épidémie du VIH/SIDA est impossible d’ici à 2020, telle que le préconisait le 3×90 de l’ONUSIDA, si l’accent n’est pas mis dans cette région du monde. C’est ce que dit le rapport de MSF, il s’intitule Le prix de l’oubli : des millions de personnes en Afrique occidentale et australe restent en marge de la lutte mondiale contre le VIH. Je vous en avais parlé il y a quelques semaines, et le site Internet Seronet a décrit en quelques lignes les différents points et arguments de ce rapport.
Pour vous résumer l’idée, dans les vingt pays au coeur du sujet, le pourcentage de la population vivant avec le VIH est de 2,3 %, un taux trois fois supérieur au taux mondial de 0,8 % de personnes infectées. Dans certains pays, on dépasse les 5 % de la population atteints. Selon le rapport, la plupart de ces pays peinent à fournir le traitement antirétroviral aux nécessiteux. Comme je vous l’avais dit, plus de 5 millions n’ont pas accès aux médicaments ARV, soit les trois-quarts de la population vivant avec le VIH dans la région. Je cite Seronet : « Beaucoup de ces pays doivent composer avec des systèmes de santé faibles et de multiples priorités sanitaires. De nombreux pays de l’AOC n’ont pas réussi à mettre en place certaines des méthodes novatrices utilisées ailleurs pour le déploiement du traitement antirétroviral. Les 6,6 millions de personnes vivant avec le VIH dans la région représentent 17,9 % de toutes les personnes vivant avec le VIH du monde entier, 21 % des nouvelles infections globales et 45 % des nouvelles infections chez les enfants. Plus d’un décès sur quatre dans le monde lié au sida survient en Afrique occidentale et centrale ; quatre enfants sur dix qui succombent à la maladie meurent dans cette région. »
Pourquoi l’accès aux traitements est-il si difficile dans ses régions ? En premier lieu, il y a la stigmatisation. Selon le rapport, je cite : « En raison de l’indisponibilité du traitement en Afrique occidentale et centrale, le VIH, pourtant une maladie chronique qui permet une longue vie sous ARV, se transforme en condamnation à mort pour la majorité des personnes vivant avec le virus. Le maintien de cette perception dans la société engendre un haut niveau de peur et de stigmatisation. La stigmatisation entrave le développement d’un activisme plus dynamique au sein de la société civile, un facteur essentiel pour accroître la demande des patients pour accéder aux soins. Les établissements médicaux ne sont pas exempts de problèmes de stigmatisation et de discrimination. Comme la confidentialité dans les établissements de santé n’est pas fiable, les patients sont souvent réticents à demander un traitement pour le VIH près de chez eux. A Conakry, en Guinée, 20 % des patients recevant un traitement antirétroviral (TAR) à la clinique Matam, soutenue par MSF, viennent de zones rurales en dehors de la capitale ; ils disent ne pas avoir accès à des services dignes de confiance plus près de chez eux ».
Les autres raisons sont les ruptures de stocks fréquentes des tests et des médicaments, les services trop lents, difficiles d’accès ou de mauvaise qualité.
En outre, dans son rapport, qu’une nouvelle fois je vous invite à lire, chers auditeurs, MSF propose des recommandations, sans lesquelles le 3×90, 90 % de la population mondiale connaissant sa sérologie positive, 90 % de ces personnes se traitant correctement, et 90 % des personnes sous-traitement en charge virale indétectable, ce 3×90 sera impossible d’ici 2020. Je cite une dernière fois Seronet : Créer une pression politique pour une mobilisation autour des cibles 90-90-90 ; financer des stratégies qui sont efficaces au niveau des patients et qui donnent de meilleurs
résultats ; lutter contre la stigmatisation et la discrimination, éduquer les patients et promouvoir les droits humains ; supprimer les obstacles posés par les paiements et les frais imputés aux patients pour les services ; mettre en œuvre la délégation de tâches, y compris la formation clinique et le soutien, pour les infirmières, les sages-femmes et les conseillers non professionnels ; simplifier et améliorer les analyses de laboratoire ; mettre en place une gestion adéquate de la chaîne d’approvisionnement et assurer que les produits essentiels atteignent efficacement les patients ; accélérer la mise en place de services de dépistage du VIH au niveau de la communauté et pour des patients spécifiques dans les services de santé ; accroître l’accès aux mises sous TAR en appliquant le principe de traitement pour tous ; veiller à ce que les populations clés ne soient pas oubliées ; améliorer les services de prévention de la transmission mère-enfant (PTME) grâce à l’approche « dépistage et traitement » ; augmenter considérablement l’accès au diagnostic et aux formulations ARV pédiatriques.
Voilà pour les choses à faire d’ici 2020 pour arriver cet obliger des 3×90. Je tire ces informations du site Internet Seronet, AFRAVIH : MSF alerte sur le Prix de l’Oubli.
Sandra : Merci Alexandre. Des commentaires ?
Yann : Le 3×90, je ne sais plus exactement…
Sandra : Il l’a dit mais Alexandre va se faire un plaisir de te le répéter.
Alexandre : Les 3×90 c’est un objectif de l’ONUSIDA qui est d’arriver d’ici à 2020 à 90 % de la population mondiale connaissant sa sérologie positive, 90 % de ces personnes se traitant correctement, et 90 % des personnes sous-traitement en charge virale indétectable.
Yann : Dans cette région d’Afrique ?
Alexandre : Pas seulement. C’est mondial. Mais le problème c’est que comme cette région d’Afrique est particulièrement touchée, selon MSF, cet objectif des 3×90 ne peut être atteint s’il n’y a pas l’accent qui est mis sur cette région, l’Afrique occidentale et centrale.
Yann : Donc on inclut l’Inde, la Russie…
Alexandre : Tout est inclu. Simplement…
Yann : C’est juste impossible quoi. Ca veut dire dans 3 ans.
Sandra : C’est ça ! Ca a l’air complètement impossible c’est vrai.
Alexandre : Mais c’est l’objectif. Et dans tous les cas l’objectif doit être atteint d’ici 2030.
Sandra : Mais effectivement, souvent ils se fixent des objectifs et Françoise Barré-Sinoussi m’avait dit que c’est toujours bien de se fixer des objectifs, ça permet d’avancer. Je ne sais pas s’il y a d’autres commentaires ?
Sylvie : Moi je pense que ce serait possible mais après il faut choisir entre les armements ou les médicaments.
Yann : Eh oui !
Alexandre : C’est une très juste remarque.
Sylvie : Au Centrafrique il n’y a pas de souci pour les armes. C’est un des lieux les plus riches de planète en sous-sol donc que…
Yann : Oui, on peut faire autrement, c’est sûr.
Sandra : N’hésitez pas à réagir sur le site comitedesfamilles.net.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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