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Les Elus locaux contre le sida ont adressé une pétition à la ministre de la Santé Marisol Touraine et au Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour lever l’interdiction de soins funéraires pour les personnes séropositives. L’arrêté du 20 juin 1998 mentionne en effet que l’infection du VIH fait partie de la liste des maladies faisant obstacle à la pratique de soins de conservation sur les corps. « Une discrimination jusque dans la mort » qui révolte les associations de défense des malades du sida.
Pourtant, le Conseil national du sida en 2009, puis le Haut conseil de la santé publique en 2013 se sont prononcés en faveur de la levée de cette interdiction. Mais rien n’a changé dans les faits. Le président de l’ELCS Jean-Luc Romero, figure de la lutte contre le VIH, se livre à L’Express sur ses revendications et les difficultés auxquelles il est confronté.
Vous avez lancé la pétition le 16 décembre dernier et elle compte maintenant 80 000 signatures. Combien comptez-vous en récolter pour être entendu par le ministère de la Santé?
Nous n’avons pas de chiffres précis, on veut juste se faire entendre. C’est déjà une énorme surprise. Comme je l’ai déjà dit, je pensais récolter tout au plus 10 000 signatures, au vu de la place minime accordée à ce débat. Ce chiffre est déjà inespéré. Mais grâce à quelques people qui se sont mobilisés, on a pu avoir plus de visibilité. Car c’est une maladie devenue invisible, on n’ose pas dire qu’on est séropositif. C’est un drame pour les familles qui subissent des discriminations de la vie jusqu’à la mort. Et cette interdiction est très symptomatique des discrimnations à l’égard des séropositifs. Quand on voit qu’il y a encore 42 pays dans le monde qui interdisent la liberté de circulation et d’installation des séropositifs … J’ai parfois l’impression qu’on combat plus les séropositifs que le sida. J’en fait un combat personnel, individuel, et collectif que je livre depuis 7 ans. J’ai vu trois ministres de la Santé à ce sujet, et rien ne bouge.
Justement, le Conseil national du sida en 2009, puis le Haut conseil de la santé publique il y a un an sont allés dans votre sens. Pourquoi rien n’a été fait?
Parce que beaucoup de questions de santé publique sont davantage mises en avant. Et que celle-ci n’a pas l’air prioritaire. Ca n’agite pas grand monde: les medias n’en parlaient pas avant cette pétition. J’ai l’impression qu’il y a un désintérêt des pouvoirs publics pour le sida. Vous savez, les trois ministres que j’ai rencontrés (Roselyne Bachelot, Xavier Bertrand et Marisol Touraine) étaient d’accord avec moi. Seulement, ils n’ont rien fait. Maintenant je veux que les actes s’accordent aux paroles. Au pouvoir politique de prendre ses responsabilités. Je comprends que cela puisse prendre du temps, il faut informer les thanatopracteurs, peut-être les former. Mais je veux une date précise, même si c’est dans deux mois. Je ne veux plus qu’on me demande du temps, je veux des décisions. Du temps, on leur en a laissé depuis sept ans.
Quelle est la position des thanatopracteurs?
J’ai pu avoir des contacts pour la première fois avec les thanatopracteurs depuis le lancement de la pétition. Parmi les signataires, on trouve des médecins, et des thanatopracteurs. Ce qui est logique puisqu’il n’y a aucun argument scientifique qui justifie cette interdiction. Comme vous l’avez souligné, même le Haut conseil de la santé publique a donné son aval. Tout corps est dangereux, il suffit de prendre des précautions universelles. Certains thanatopracteurs qui sont réticents, ou méfiants, ce que je peux comprendre. Mais il faut leur expliquer, les rassurer, faire tomber les fantasmes, c’est le travail du ministère. Ces craintes sont dues à une méconnaissance du problème, il faut faire un travail d’information. J’ai entendu des thanatopracteurs dire que le sida est une maladie contagieuse. C’est complètement faux! C’est une maladie transmissible. Le sida, ce n’est pas le SRAS. Il faut faire attention au vocabulaire que l’on emploie.
Dans Le Parisien, certains évoquent la possibilité de faire valoir un droit de retrait. Y êtes-vous opposé?
Bien sûr que je ne suis pas d’accord. La loi est la même pour tous! Ce serait accorder le droit à certains de continuer la discrimination.
Si l’interdiction des soins funéraires sur personnes séropositives était levée, la profession des thanatopracteurs serait obligée de revoir sa réglementation. « La réglementation de cette profession n’est pas assez stricte. Des soins sont encore pratiqués sans gants parfois » explique Christophe Michel des Elus locaux contre le sida. Des formations seraient donc imposées aux professionnels. De quoi en décourger certains. Le discours de l’association de Jean-Luc Romero est formel: tout corps est potentiellement dangereux, pas seulement le corps d’un séropositif. Il suffit de prendre de strictes précautions, avec tous les corps.
Propos recueillis par Kévin Charnay
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