Sandra : De retour à l’émission Vivre avec le VIH. Vous êtes avec Mohamed, Damien Comandon et moi-même Sandra. Maintenant, nous allons parler de thanatopraxie. Mohamed, as-tu bien compris de quoi il s’agit ?
Mohamed : Non, pas vraiment. Je ne connais déjà pas le mot. J’attends d’avoir des explications pour mieux comprendre.
Sandra : Damien Comandon, vous êtes thanatopracteur, qu’est-ce que vous faites ?
Damien Comandon : Je ne suis pas thanatopracteur, je dirige une entreprise qui a 190 thanatopracteurs. Quel est l’objet de la thanatopraxie ? Ce que certains appellent dans les pays anglo saxons l’embaumement en fait, c’est la capacité à rendre le corps d’un défunt compatible avec la présentation en public. Evidemment, en particulier aux familles. Ca veut dire qu’il y a 3 phases importantes qu’il faut gérer. La première, être capable de rendre le corps aseptique, c’est-à-dire qu’il faut enlever tout ce qui est bactérie, virus du corps. Il faut pouvoir conserver ce corps, un certain temps, puisque comme vous le savez, dès que le coeur s’arrête de battre, il y a des phénomènes de thanatomorphose qui se mettent en place, c’est-à-dire la dégradation naturelle du corps. Et puis, il y a un aspect très important qui est la présentation du corps, le rendre paisible, plus conforme à ce qu’attendent les familles, en particulier dans le cas de mort violente ou de maladies. Donc la première phase, qui est dite phase d’asepsie, on va simplement nettoyer le corps avec des solutions aseptisantes. C’est ce qu’on appelle la toilette mortuaire quand elle se passe dans les hôpitaux ou funéraire quand elle a lieu dans les pompes funèbres. C’est un acte classique. On déshabille le corps et puis on commence à le nettoyer. Ensuite il y a une phase importante, qui est la phase importante dite de conservation. La conservation des corps existe et a même été inventée en France dans les années 1837. Le premier brevet, c’est un pharmacien français, le docteur Gannal qui l’a inventée pour conserver des pièces anatomiques et des corps. C’est une technique qui a été reprise très fortement aux Etats-Unis durant la guerre de sécession, qui avait pour objet de rapatrier, alors vous verrez, on est dans une autre type de discrimination, de rapatrier les officiers morts au combat et uniquement les officiers pour les ramener aux familles, pour qu’elles puissent leur rendre un dernier hommage. C’est une technique qui a été très fortement développée avec des produits chimiques qui sont excessivement dangereux comme le chlorure d’aluminium. Ensuite sont apparus les produits formolés. Donc du formol comme on dit aujourd’hui, vulgairement, qui est utilisé pour la conservation. C’est une technique qui a été fortement développée aux Etats-Unis durant la guerre de sécession, importée en Angleterre puis importée en France. Ces trois pays sont des pays dans lesquels le taux de thanatopraxie sont les plus importants au monde puisqu’il dépasse les 50%. Sur 100 personnes décédées en France, il y en a à peu près dans les estimations entre 55 et 60 qui vont faire l’objet d’un soin de conservation.
Mohamed : Pour quelle raison ?
Damien Comandon : Pour des raisons culturelles.
Mohamed : Ah oui ? Ca fait beaucoup 50%. La famille ne réclame pas le corps ?
Damien Comandon : Ah si, justement. La loi est excessivement stricte sur la destination du corps. De toute façon en France on encadre très fortement ces éléments-là, y compris les cendres d’ailleurs. Il y a une information aux familles, d’ailleurs un nouveau texte qui est obligatoire depuis janvier 2018 sur l’information aux familles, sur ce qu’est un acte de thanatopraxie, quelles sont les alternatives. La conservation du corps se fait aujourd’hui principalement dans 3 pays dans le monde, avec ces méthodes-là, qui sont les Etats-Unis, l’Angleterre et la France, un très fort taux. Après, tous les autres pays sont touchés puisqu’on a toujours besoin de conserver des corps, avec ces techniques très particulières de thanatopraxie, en particulier pour les rapatriements aérien. Il y a des lois très strictes sur le rapatriement aérien. Aujourd’hui, il y a quelques religions qui interdisent la thanatopraxie, comme la religion musulmane par exemple. Exception faite de cette réglementation sur le transport de corps aérien.
Concrètement, pour comprendre ce qu’est un soin de conservation sur la partie conservation c’est très simple. On dit toujours qu’il s’agit d’un acte invasif, c’est-à-dire qu’on va ouvrir le corps. La réalité, pour avoir assisté à un très grand nombre de soins, ce qu’on fait une injection, donc on va dans le système artériel, on va injecter un produit de conservation, un produit à base de formol, souvent par la carotide, c’est la technique la plus utilisée en France. On va venir faire une ponction, donc on injecte et on ponctionne pour que l’ensemble du réseau artériel et sanguin remplace le sang par du formol. Donc on fait une ponction au niveau du coeur. On va faire deux incisions. Une pour chercher la carotide, une pour aller ponctionner au niveau du coeur. La première phase des soins de conservation c’est remplacer le sang par un produit formolé.
La deuxième phase qui est importante, c’est traiter les cavités. L’estomac, les poumons, vessie, intestin, etc, qu’on va vider en fait, à la fois des gaz et à la fois des différents liquides qui pourraient avoir, et les remplacer là aussi par un produit un peu plus concentré en formol pour fixer un petit peu plus les tissus mous. Donc ça, c’est la phase de conservation.
Et ensuite, ce qui est évidemment pour les familles le plus important, c’est la phase de présentation, c’est-à-dire qu’on va tenter de redonner un aspect paisible à l’être cher, au défunt, le plus paisible possible. Et en particulier il y a un travail assez important et techniquement difficile à faire en cas de reconstruction facial par exemple. J’ai assisté à un soin en fin de semaine dernière avec un thanatopracteur qui me parlait d’une expérience qu’il avait eu récemment avec un accidenté de la route, en moto. Le corps avait été récupéré avec une mâchoire explosée. Il avait fallu faire un travail de reconstruction, tellement bien fait que ce thanatopracteur avait reçu un courrier de la veuve pour le remercier du travail qui avait été réalisé. On sous-estime parfois l’importance finalement d’un soin de conservation et au-delà de la conservation, surtout de l’aspect présentation du défunt qui aide dans nos cultures, le travail de deuil. Je dis dans nos cultures parce qu’effectivement, quand on regarde les rituels funéraires dans le monde, ils sont très variés et évidemment d’une religion à une autre, les choses peuvent changer. Mais on a peut-être plus tendance, nous on le voit, parce qu’on est un groupe international, on vend des produits dans plus de 100 pays dans le monde, donc on s’intéresse évidemment aux techniques et rites funéraires dans le monde, ce qu’on voit c’est que la tendance est de plus en plus quand même à une présentation du défunt même dans les pays où historiquement il n’y en a pas, même dans les cultures ou les religions où historiquement il n’y en a pas. C’est un besoin de l’être humain de voir le défunt une dernière fois. D’autant plus qu’on a la possibilité aujourd’hui de rendre un aspect, comme je vous le disais serein. Au-delà de l’aspect serein, il y a une espèce de notion dont on entend beaucoup parler, qui est cette notion de dignité finalement. Et c’est vrai qu’on voit beaucoup et de plus en plus de corps malade parce que simplement aujourd’hui, on accompagne beaucoup dans la maladie. Donc on voit arriver dans les hôpitaux, dans les pompes funéraires des corps excessivement malades qui ont parfois des marques de souffrance. On leur rend une certaine dignité. C’est vrai que quand on voit des vieilles personnes qui arrivent, toutes nues, avec une couche, des cathéters, des pansements, des sparadraps, des bleus, etc. et qu’on voit après le soin la présentation avec les habits qu’on donné la famille, avec peut-être la touche de maquillage, peut-être une touche de coiffure qu’avait voulu la famille, on se rend compte qu’on a donné une notion de dignité finalement. D’ailleurs, on ne parle jamais de cadavre dans les pompes funèbres. On parle de défunt.
Mohamed : On peut dire une belle mort.
Damien Comandon : Je ne sais pas si on peut dire une belle mort, en tout cas on prend soin du mort et c’est assez important dans une société où finalement, on est né en France, on est la deuxième génération à ne pas avoir connu de guerre, faut se rappeler finalement que nos civilisations ont toute connu des phases où il y avait beaucoup de morts.
Sandra : Jean-Luc Romero, président de l’association Elus locaux contre le sida a milité pendant des années pour obtenir la levée de l’interdiction des soins funéraires pour les personnes vivant avec le VIH. Oui car avant, si le médecin écrivait qu’une personne était décédée du VIH, du Sida, les thanatopracteurs pouvaient refuser d’appliquer des soins de conversations. Parfois ça allait même très vite, la personne était mise directement dans le cercueil, fermé. Les proches n’avaient même pas le temps de se recueillir. Une discrimination jusque dans la mort.
Depuis le 1er janvier 2018, terminées les discriminations. Les personnes séropositives en France peuvent bénéficier du même traitement pour les soins de conversation avant l’enterrement ou l’incinération. C’est en 2008 que le mouvement a pris de l’ampleur. Jean-Luc Roméro a du interpeller plusieurs ministres. Et c’est finalement avec Agnès Buzyn que tout se termine bien. Je vous invite à vous rendre sur le site elcs.fr pour avoir tous les détails de cette lutte.
Damien Comandon, comment avez-vous accueilli cette levée d’interdiction des soins funéraires pour les personnes vivant avec le VIH ? Comment les thanatopracteurs avec qui vous travaillez ont accueilli cette nouvelle ?
Damien Comandon : On va dire que ça va dépendre du niveau d’information concernant le virus de la part des salariés ou thanatopracteurs qui sont en exercice. Jusqu’au 1er janvier 2018 il était interdit de faire des soins sur des corps de séropositif. Heureusement, entre autres, grâce au combat de Jean-Luc Romero, cette interdiction a été levée. Je dis heureusement parce qu’elle est profondément injuste. Elle est injuste quand on connait un peu le virus et sa survie en dehors du corps et sa survie au moment de la mort du défunt avec toutes les problématiques de thanatomorphoses, etc. on sait que ce n’est pas juste de priver les familles d’avoir un soin de conservation. Après, c’est sûr qu’il y a eu des réactions qui sont très bizarres. Il y a même eu une association, un syndicat de professionnel de thanatopraxie qui a, à mon sens, de manière complètement folle fait une pétition contre cette loi qui venait de sortir, dont les décrets venaient d’entrer en application. Moi, je n’ai pas compris ça, et c’est aussi pour ça que j’ai par plusieurs fois exprimé fortement le point de vue inverse. C’est normal, il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas faire des soins de conservation. L’argument de ces thanatopracteurs qui ne veulent pas, ce sont des arguments qui ne tiennent pas d’un point de vue biologique. Il faut savoir qu’il y a des études qui ont démontré qu’il n’y a jamais eu de transmission à un thanatopracteur. Jamais dans l’histoire de la thanatopraxie. Quand vous savez le nombre de décès qu’il y a et les taux que je vous ai donné, vous vous rendez bien compte que c’est un non-sujet en fait.
Le vrai sujet qui est derrière cette levée, c’est surtout les soins à domicile. C’est ça le sujet. Effectivement aujourd’hui, il y a une loi bizarroïde sur les soins à domicile qui les autorisent tout en mettant tellement de contraintes que ça devient impossible à faire. Je pense que, ceux qui sont contres, sont simplement mal informés.
Mohamed : Tu as entendu des cas où après le décès, le virus était encore actif ?
Damien Comandon : Non. Tous les spécialistes, virologues, le disent. Il n’y a pas de risque zéro. Mais vous savez aujourd’hui, les thanatopracteurs sont protégés. Ils ont des équipements de protection individuel, ils ont des masques, ils ont des gants, des blouses, des manchons. On est pratiquement comme dans un bloc on va dire quand on fait un acte de thanatopraxie. Il n’y a pas de transmission possible.
Sandra : Nous avions reçus deux thanatopracteurs en 2014. Je ne sais pas si aujourd’hui ils ont changé d’avis mais à l’époque, ils étaient contre la la levée de l’interdiction des soins funéraires pour les personnes séropositives. Encore une fois, je les remercie pour leur venue et leur franc-parlé, ce n’était pas simple tout de même. Je vous propose d’écouter Claire Sarazin et Sébastien Boukhalo.
Début de l’enregistrement.
Maintenant, concernant les soins de conservation, il ne s’agit pas du tout d’une toilette et on ne peut absolument pas se protéger simplement avec des gants puisqu’il s’agit d’un embaumement. Donc ce sont des gestes invasifs qui sont pratiqués sur des défunts.
Sandra : Si vous mettez des gants, ça ne suffit pas ? Vous manipulez des objets tranchants ?
Sébastien Boukhalo : On met un liquide biologique qui peut éventuellement nous être projeté…
Claire Sarazin : Oui et on utilise aussi des bistouris, des aiguilles, etc.
Sébastien Boukhalo : Mais le problème de cette loi, c’est qu’on ne sera pas au courant que la personne sera atteinte du VIH ou de l’hépatite C. Donc on ne sera pas au courant de ce qu’on traite. Les médecins qui opèrent, les médecins qui s’occupent des malades sont au courant de la pathologie. Nous, on ne sera pas au courant. Donc c’est nous laisser un grand risque de transmission éventuelle. On peut se couper, voilà.
Yann : Oui, mais alors là, vous tombez à 100% dans la problématique qu’on a avec les dentistes.
Claire Sarazin : Oui, presqu’à 100%, mais pas tout à fait.
Yann : Mais attendez, c’est-à-dire que normalement vous devez vous protéger de quelques manières que ce soit, n’importe quel corps que ce soit. Donc là on est encore dans une paranoïa, ce que j’entends, « le problème de cette loi si elle passe, c’est-à-dire qu’on ne sait plus si le corps est atteint d’hépatite ou de VIH. On n’est pas tellement d’accord, parce que nous, ça nous permet de quand on le sait, de se protéger beaucoup plus”. C’est ce que vous alliez dire.
Claire Sarazin : Non, je pense que…
Yann : C’est ce que vous avez compris l’équipe radio ?
Claire Sarazin : La problématique par rapport aux dentistes, aux médecins, aux infirmières, aux aides-soignantes, etc., c’est l’enjeu. C’est-à-dire que je conçois parfaitement qu’un médecin, un chirurgien, une infirmière, une aide-soignante prennent ce genre de risque parce qu’il s’agit de s’occuper d’une personne vivante qu’il faut soigner. L’enjeu est totalement différent pour les thanatopracteurs puisque là, on parle d’une personne qui est décédée. Et l’enjeu c’est quand même à risque de contamination d’une personne saine pour s’occuper d’une personne qui est déjà décédée. Sachant qu’il y a d’autres moyens de présenter et de préparer un corps sans prendre ces risques-là.
Yann : Donc vous pouvez certifier que vous ne prenez pas les mêmes protections quand c’est une personne séropositive…
Claire Sarazin : Mais bien sûr que si.
Sébastien Boukhalo : De toute façon, on n’a pas le droit de les faire pour l’instant.
Claire Sarazin : On n’a pas le droit, mais on en fait quand même sans le savoir puisque tout le monde n’a pas un bilan sérologique, et pas parfois on le fait en sachant. Moi, à titre personnel, c’est le cas de beaucoup de mes collègues, on m’a déjà glissé dans l’oreille, à la morgue qu’une personne était séropositive ou qu’elle avait une hépatite et après c’est moi avec mon libre arbitre qui ai pris la décision de le faire. Simplement cette loi elle va supprimer notre libre arbitre et elle va supprimer notre droit de retrait.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : C’était Claire Sarrazin et Sébastien Boukhalo au micro de l’émission Vivre avec le VIH. Vous avez peut-être reconnu la voix de Yann qui était aussi présent à cette émission. Alors, votre réaction Damien Comandon à ses propos ?
Damien Comandon : Je trouve que l’argument ne tient pas forcément. Mais je comprends la crainte, l’inquiétude. On a 190 salariés, on a eu beaucoup d’échanges sur le sujet. Tout le monde n’était pas forcément d’accord. Ce qui est important c’est de dire que, le premier point, c’était un point qui a été soulevé par Yann dans l’interview, qui est de dire mais finalement, est-ce que vous adaptez votre protection en fonction du malade, de sa sérologie ? La réponse est non. Normalement, on doit avoir les mêmes équipements de protection individuel pour oeuvrer dans un maximum de sécurité. Est-ce que c’est le cas de tout le monde ? Ca, c’est un vrai point d’interrogation. Après ils disent, on n’est pas au courant. C’est vrai mais de toute façon, on ne l’était pas avant. Pour la simple et bonne raison qu’il y a quand même un secret médical. Que de toute façon, est-ce que le médecin qui a déclaré le décès, est-ce que la pompe funèbre, est-ce que la famille étaient au courant de la sérologie du patient ? Ca, c’est un vrai point d’interrogation. On l’a vu d’ailleurs dans les témoignages que vous avez lus, il y a des gens qui ne le disent pas à la famille. Donc ils ne vont même pas le dire aux médecins qui vont déclarer le décès, qui ne sera pas le même qu’il le traite de toute façon, dans la plupart des cas. Oui, il y a des gens qui sont décédés en France, qui ont eu des soins de conservation et qui étaient atteints du VIH, bien sûr. Il y a ceux aussi qui ne savent pas qui sont atteints. Donc, en multipliant tout ça, je trouve que le débat n’est pas bon. Et puis on ne peut pas comparer parce qu’il faut quand même savoir que la liste d’interdiction dans laquelle a été le VIH jusqu’au 31/12/2017, dans cette liste il y avait la peste, le choléra, la rage. Est-ce qu’on va réellement comparer ces différentes maladies ? Je ne pense pas. Ce n’est pas juste biologiquement et ce n’est pas juste humainement.
Mohamed : Mais ce n’est pas bien qu’ils ne les informent pas aussi, qu’ils ne leur disent pas la sérologie.
Damien Comandon : Mais qu’est-ce qu’ils feraient différemment ? En fait, la question c’est ça. Qu’est-ce qu’un praticien ferait différemment ? Plus attention de ne pas se couper ? J’espère qu’il ne fait pas autrement. Vous savez, un corps, c’est un bouillon de culture, biologique. Ils utilisent des produits chimiques qui sont hautement cancérigènes. Donc les risques existent toujours. On peut attraper d’autres maladies.
Mohamed : Bien sûr mais le fait de ne pas les informer, je pense que ça pose un malaise.
Damien Comandon : Mais dans ce cas-là, il faudrait qu’on les informe sur toutes les maladies, toutes les contagions qu’ont chaque personne qu’ils vont traiter. Ca ne peut pas être le cas.
Sandra : Ces deux thanatopracteurs avaient aussi parlé de leur condition de travail qui ne permettaient pas de travailler dans de bonnes conditions parfois. Est-ce toujours le cas ? Tout à l’heure, vous évoquiez les soins à domicile. Du coup, est-ce qu’il y a vraiment des thanatopracteurs qui se retrouvent dans des conditions où ils ne peuvent pas assurer leur sécurité ?
Damien Comandon : Ca, c’est le vrai sujet. Je pense que s’il y a un point où tous les thanatopracteurs sont d’accord, c’est qu’effectivement, il faut qu’ils puissent exercer leur métier dans les meilleurs conditions à la fois pour eux et à la fois pour leur environnement. Un soin qui se fait à domicile sur un matelas posé à terre, 6ème étage, sans ascenseur, il y a parfois des conditions de travail qui sont excessivement difficiles, qui sont forcément du coup risquées, à la fois pour le thanatopracteur et à la fois pour les gens qui vont être autour. Pour le coup, les risques à la fois biologiques et chimiques peuvent être importants. Donc ça, c’est le vrai sujet finalement. Si on avait des vrais laboratoires où on pouvait rassembler les corps, avant de les ramener à domicile, sans doute que ce serait mieux pour tout le monde.
Sandra : Ce n’est pas encore réglé cette histoire.
Damien Comandon : Non. Je pense que ça va se régler naturellement puisque comme je vous le disais, la nouvelle loi santé prévoit que les soins à domicile soient autorisés mais impose tellement de contraintes qu’il va en avoir de moins en moins. Il va avoir une présentation à domicile mais le soin, techniquement, ne se fera pas à domicile.
Sandra : Et quand les soins ne sont pas faits à domicile, les thanatopracteurs travaillent dans de bonnes conditions ?
Damien Comandon : Ils travaillent dans de bien meilleurs conditions, bien sûr. Ils sont sur des tables, des chariots qu’on peut élever donc on peut ajuster la taille, ils peuvent se faire aider. Il y a de l’espace autour d’eux, une aération. On ne peut pas comparer le travail dans un laboratoire.
Mohamed : Il y a la thanatopraxie dans les EHPAD ?
Damien Comandon : Nous, on considère que c’est un domicile. A partir d’un moment où on n’est pas dans un lieu dit normé, donc la norme aujourd’hui c’est un lit médicalisé, une fenêtre, sol lessivable, etc, si on n’est pas dans ces conditions exactes, ça devient du domicile au sens large. Les EHPAD rentrent dans la définition la plupart du temps de ce que nous on appelle un domicile. Ca représente à peu près 20% des soins. Je pense qu’on va avoir une chute.
Sandra : Pour bénéficier de ces soins de conservation, il y a un coût, j’imagine. Savez-vous comment ça se passe ? Si on n’a pas beaucoup de moyen, on ne pourra pas bénéficier des soins de conservation ?
Damien Comandon : Il faut savoir qu’un soin de conservation, c’est un soin qui est proposé, vendu par la pompe funèbre, aux familles. Un soin de conservation en France va s’étaler entre 300 euros TTC et 550-600 euros TTC, c’est à peu près la gamme que vous allez avoir. Techniquement le soin ça va être plus ou moins le même. Après, ça dépend de la pompe funèbre, des services qui sont autour évidemment. Est-ce que c’est cher ou pas ? 500 euros, ça peut être cher. Est-ce que c’est cher pour veiller la grand-mère qu’on aime ? C’est toujours la question, c’est quoi la valeur de ce qu’on met dans une pompe funèbre.
Mohamed : C’est selon les familles.
Sandra : Selon les moyens.
Damien Comandon : En général, par rapport au prix du service pompe funèbre, ce n’est pas la grosse partie.
Sandra : Oui, il y a le cercueil.
Damien Comandon : C’est le cercueil qui coûte le plus cher.
Sandra : Sans doute il y a des aides ? Vous ne savez pas ?
Damien Comandon : Il y a des aides, des organismes, des enseignes, qui sont connus pour leur prix plus bas. On rentre dans une culture où on s’assure, on le voit, il y a des assurances obsèques qui se développent de plus en plus. Vous allez aux Pays-Bas, tout le monde est assuré depuis le jeune âge. Ce n’est pas une histoire de coût finalement puisqu’il y a une assurance qui va prendre en charge ça. Il y a beaucoup de personnes qui deviennent âgées et qui font des contrats obsèques en disant je ne veux pas être une charge financière le jour de mon décès et je veux préparer. C’est sans doute une bonne chose.
Sandra : Merci beaucoup, on arrive à la fin de l’émission. Mohamed, avais-tu un commentaire rapide à faire ou c’est bon pour toi ?
Mohamed : Je voulais savoir, au temps du VIH, de la grande épidémie, comment ils faisaient à cette époque-là avec les mourants ?
Damien Comandon : Je crois que l’interdiction date de 1998, des soins de conservation aux personnes porteurs du VIH. Donc la pandémie du VIH date de…
Sandra : Oui, dans les années 80-90.
Damien Comandon : Oui, une dizaine d’années avant.
Sandra : Ils ont mis du temps en tout cas, pour l’interdiction.
Damien Comandon : Oui, donc, comment ils faisaient ? Ils faisaient sans savoir.
Mohamed : Moi, je pense qu’ils leur faisaient une petite toilette. On ne parlait pas de thanatopraxie à l’époque.
Damien Comandon : Si bien sûr, la thanatopraxie est arrivée dans les années 60.
Mohamed : Pour les VIH, quand il y a eu l’épidémie…
Damien Comandon : Après, on peut toujours conserver un corps. Comme je vous disais, il y a 3 phases, asepsie, conservation et présentation. Dans la conservation, on peut toujours conserver un corps différemment. Donc ça va être avec la carboglace…
Mohamed : Non mais pour la toilette, est-ce qu’il y avait des gens pour faire la toilette des défunts ?
Damien Comandon : Oui, bien sûr. Mais d’ailleurs, les thanatopracteurs qui restent contres les soins aux séropositifs, ils ne sont pas contres pour leur faire une toilette. Attention, ils ne sont pas contres toucher le corps. Mais c’est une jeune génération, vous savez. Moi, je suis un peu plus âgé, j’ai connu l’épidémie, j’ai connu les grandes campagnes de communication qui étaient faites autour du sida, qu’on voit moins aujourd’hui. Et on s’aperçoit que, c’est une étude que je lisais récemment, que les jeunes générations, ils ne savent pas, ils disent tout et n’importe quoi, ils ne se protègent pas assez.
Mohamed : Moi, je crois que ceux d’avant, ils préféraient voir le cercueil fermé.
Damien Comandon : Ah non, non. Ca s’est toujours fait la présentation du corps.
Mohamed : Même en cas de déficience physique ? Parce qu’il y a eu des morts assez raides, au sens où ce n’était plus présentable, tu vois ce que je veux dire ?
Damien Comandon : Mais vous savez, un soin de conservation, je terminerai là-dessus, je vous donne un exemple qui est très personnel, qui est celui de ma mère qui est décédée il y a deux ans d’un cancer du pancréas. Un cancer assez violent avec des traits qui se creusent très vite. J’ai eu la chance de pouvoir assister à son dernier souffle et quand je l’ai vu après le soin de conservation, j’ai compris d’autant plus l’intérêt d’un soin de conservation. On avait réussi à lui donner du volume facial, de la couleur.
Sandra : Merci beaucoup pour votre venue. Merci pour votre écoute. Rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle émission. Bonne semaine.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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