Sandra : De retour à l’émission Vivre avec le VIH. Je vous propose d’écouter la première partie de l’interview que j’ai réalisée avec Marie Poupard, qui est infectiologue à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis. Elle nous présente le CEGGID. Qu’est-ce que c’est le CEGGID ? On découvre ça tout de suite et on en discute un peu après.
Début de l’enregistrement.
Marie Poupard : Je suis médecin, je travaille à l’hôpital de Saint-Denis en région parisienne, dans le 93. Je suis infectiologue donc je travaille essentiellement sur les maladies infectieuses et une grande partie de mon travail est une partie simple de dépistage et de prise en charge des patients séropositifs et puis je me diversifie un petit peu parce que l’infectiologie comprend aussi les activités d’aide à la prise en charge des infections bactériennes et donc en particulier de l’antibiothérapie. Donc ça, c’est une autre partie de mon travail qui n’a rien à voir avec le VIH mais je travaille beaucoup sur la bonne prise en charge des infections bactériennes et donc la bonne prise en charge avec de l’antibiothérapie bien ciblé. J’ai 3 activités sur l’hôpital. Je travaille que dans le public et j’ai fait un parcours uniquement français public. J’ai un peu travaillé à l’étranger, au Sénégal, au Niger, au Mali, dans le cadre beaucoup du VIH.
Les missions du CEGGID, c’est la transformation de CDAG qui s’occupaient surtout du dépistage du VIH et des hépatites plus CIDDIST qui s’occupaient des dépistages de traitement d’information sur les infections sexuellement transmises, donc qui ne sont pas les hépatites et le VIH mais qui sont par exemple les infections à chlamydiae, gonocoque, syphilis. Donc la contraction de ces deux centres est devenu CEGGID depuis janvier 2015 avec des missions qui sont assez différentes, en tout cas, qui se sont élargies. Au départ, les cdag s’occupaient juste de faire des sérologies, de test de VIH et des hépatites. Mais ça s’est beaucoup plus élargit donc là maintenant, les CEGGID ont pour mission effectivement de faire du dépistage, donc de proposer des tests qui sont des tests sanguins. De proposer aussi du dépistage des IST, donc ça reprend les missions de la CIDDIST et puis de faire de la santé sexuelle. Donc c’est beaucoup plus large. On est censé accompagner les gens, s’ils ont des problèmes psychologiques, s’il y a des violences sexuelles, s’ils ont besoin d’informations, de voir un sexologue, des troubles du comportement, de la contraception d’urgence. Donc on est vraiment censé s’occuper de santé sexuelle au sens beaucoup plus large et d’accompagner les gens, y compris par exemple dans nos missions, de proposer la PrEP, ces médicaments qui permettent de prévenir l’infection VIH quand on n’est pas séropositif mais qu’on prend suffisamment de risques en tout cas dans les critères de mise sous traitement. Donc les missions sont beaucoup plus larges maintenant et on n’est pas seulement des médecins. Il doit avoir des accueillants. Il y a évidemment des infirmières qui font des prélèvements. Les médecins qui prennent en charge la première consultation médicale mais il doit avoir aussi l’assistante sociale, une psychologue, des sages-femmes, des gynécologues, des sexologues, etc.
Sur Saint-Denis, c’est un petit peu particulier parce qu’on est dans une zone de précarité sociale. Par exemple, on a des populations qu’on ne verrait peut-être pas dans d’autres centres qui sont des migrants primo-arrivants et qui passent par Médecins du monde. Ca, par exemple, c’est une population un peu à part. Effectivement, il peut avoir dans ces populations-là des problèmes en particulier d’hépatites et donc c’est vrai que c’est pas mal qu’ils passent par notre centre pour faire un premier test en arrivant en France et puis justement, dans ce cadre-là, c’est des gens qui ne parlent pas bien français. Nous on va pouvoir être le premier relais santé après Médecins du monde pour les orienter par exemple vers la PASS pour une prise en charge d’une autre pathologie. Et donc là, le CEGGID prend un caractère qui n’était pas du tout prévu au départ, bon. Ca, c’est une première partie de notre public.
Sandra : Et vous faites comment pour parler avec eux ?
Marie Poupard : On utilise inter service migrants. Il y a un accord entre l’hôpital, le CEGGID et cet interprétariat par téléphone. Donc on appelle par téléphone, on demande un interprète dans la langue avec un haut parleur et on peut comme ça expliquer aux gens, déjà ce que c’est ce centre, parce que souvent, ils viennent, ils pensent qu’ils vont avoir un bilan de santé mais ce n’est pas du tout le cas. Donc on leur explique ce qu’on fait nous, on leur propose les tests et puis quand il y a des risques évidemment, on leur explique. On leur propose aussi des prises en charge et éventuellement d’aller vers la PASS de l’hôpital ou des PASS de santé de ville pour d’autres pathologies, qui ne sont pas sexuels, qui ne concerne pas le CEGGID par exemple. Donc ces populations-là sont particulières, c’est vrai que c’est quand même une partie des gens qui viennent en CEGGID. On a aussi évidemment toute une population du bassin de population d’ici. On fait à peu près 2000 passages par an. 2000 tests en tout cas, avec des gens qui reviennent pour des résultats. Donc il y a un grand nombre de passage. En terme de population, on a des chiffres qui sont les plus élevés en terme de positivité VIH et chlamydiae, sur le département d’Ile-de-France et en France métropolitaine. Donc on a beaucoup d’annonces de séropositivité qui sont liées probablement au fait que notre centre est connu pour une bonne prise en charge des patients séropositifs. Il y a une grosse file active, ça se sait. Les gens dans les différentes communautés vont en entendre parler par des associations, par le biais d’amis d’amis et ils vont venir ici parce qu’ils savent qu’il y a une prise en charge tout de suite après la CEGGID. Donc ça, je pense que c’est une des raisons pour laquelle les gens viennent se faire dépister quand ils se savent séropositifs ou quand ils ont un gros doute parce qu’ils ont eu un partenaire et qu’ils savent bien qu’il faut le test. Ils savent qu’ils vont avoir besoin d’une prise en charge derrière et donc ils viennent ici.
Par ailleurs, on a pas mal de jeunes, en particulier de jeunes femmes avec un fort taux d’infection à chlamydiae puisqu’on est au-dessus de 12% ce qui est énorme, d’infection chlamydiae asymptomatique, des femmes qui ne sentent rien de particulier et qui ont cette infection sexuellement transmissible qui, comme vous le savez, n’est pas très grave, se traite facilement avec des antibiotiques mais peu provoquer à la longue des stérilités parce que ça bouche les trompes utérines. Après, en population générale, pour parler de choses un peu plus précises, on fait assez peu de PrEP pour l’instant parce qu’on n’a pas de population très ciblées, en particulier d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, il y a quand même des homosexuels qui viennent sur le centre mais là depuis l’ouverture de la PrEP, on a eu que deux personnes qu’on a mises sous traitement, ce qui est assez peu, par rapport à d’autres centres parisiens par exemple.
Sandra : A l’hôpital Avicennes ils sont en train de développer la PrEP pour les migrants et je ne sais pas si vous du coup, c’est quelque chose qui…
Marie Poupard : C’est quelque chose qui est en discussion. En fait pour nous, c’est un petit peu compliqué parce que je trouve qu’on a des populations très précaires et que ce n’est vraiment pas leur préoccupation au moment où ils viennent test. Ils viennent en test juste pour se rassurer qu’ils n’ont rien et puis après, prendre un médicament pour éviter… je pense que c’est un peu compliqué. Il faudrait qu’il y ait une demande précise ou qu’on la propose une première fois, qu’on explique un petit peu et de voir si les gens reviennent pour un second test, se repose cette question-là. C’est vrai que la question se pose parce qu’il y a plusieurs études qui montrent que dans les populations qui migrent d’Afrique subsaharienne en particulier, un certain nombre de personnes vont se contaminer en France au moment de l’arrivée dans les premiers mois où ils arrivent. Et c’est vrai que ça, ça pose question parce qu’ils ont accès au dépistage, à l’information mais il va avoir un moment où la prise de risque va être présente et peut-être qu’effectivement dès l’arrivée, et nous on les voit à l’arrivée puisque dans les quelques semaines ils viennent faire le test envoyé par Médecins du monde, par des associations. Et, à ce moment-là peut-être qu’on pourrait leur proposer ce traitement-là, au moins sur les quelques mois d’arrivée en se disant que c’est à ce moment-là qu’il va avoir plus de prise de risque, parce que beaucoup de précarité.
Sandra : Et ils ne peuvent pas avoir de préservatif ?
Marie Poupard : Ils peuvent bien sûr avoir des préservatifs. Ce que je pense, c’est qu’il y a une partie du problème qui est lié à des relations sexuelles qui ne sont pas franchement désirées, qui sont des relations sexuelles un peu dans le cadre de je suis hébergé, j’ai accepté, je suis un peu dans la galère, je suis avec quelqu’un qui me propose ça et du coup les femmes ne sont pas en mesure d’exiger le préservatif. Je n’ai pas d’idée sur la proportion de femmes qui subissent ça, il y en a sûrement un certain nombre et c’est probablement ce genre de population qu’il faudrait cibler. En tout cas nous, pour l’hôpital, puisqu’on a beaucoup de femmes migrantes séropositives suivies dans le service.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Marie Poupard au micro de l’émission radio Vivre avec le VIH. Il nous reste peu de temps donc je vous propose de réagir la semaine prochaine, gardez bien cette interview en tête et puis de toute façon, la semaine prochaine, on écoutera la deuxième partie de l’interview avec Marie Poupard où là, elle m’explique comment ça se passe quand on rentre dans le CEGGID, le parcours, comment on est accueilli, tout ça. Là c’était la théorie et la semaine prochaine, on aura la pratique.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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