Santé publique France a publié un large panorama de l’état de santé des Guyanais. Il conclut que l’on se rapproche des standards de l’Hexagone mais qu’un effort important doit être fait sur la prévention. La faiblesse du nombre de professionnels de santé reste un sujet de préoccupation.
Le mouvement social de mars-avril 2017 vient de déboucher sur la publication d’une large étude sur l’état de santé des Guyanais. Elle a été dévoilée mardi par Santé publique France, l’établissement public chargé de la surveillance de l’état de santé de la population, sous l’autorité du ministère de la Santé. La plupart des auteurs travaillent à l’hôpital de Cayenne.
« Régulièrement, la presse, les élus et de nombreux professionnels de santé relatent les conditions préoccupantes du système de santé guyanais. Ils en attribuent la responsabilité à la négligence hexagonale et au déclin accéléré de la santé en Guyane. » Pourtant, « les publications disponibles sur les soins hospitaliers montrent généralement des résultats peu différents de ceux observés en France métropolitaine […] À l’avenir, le vieillissement de la population et la poursuite de la transition épidémiologique verra sans doute l’augmentation du poids des cancers dans les causes de la mortalité prématurée. »
Les auteurs de l’étude ont donc étudié les données chiffrées de l’espérance de vie, de la mortalité prématurée (avant 65 ans), des naissances prématurées et de la mortalité infantile. Ils ont étudié leur évolution dans le temps et les ont comparés aux chiffres de l’Hexagone et du reste de l’Amérique latine. Selon ces chiffres, « l’état de santé en Guyane est en constante amélioration mais, bien sûr, des progrès restent à faire. Il faut continuer à améliorer les soins, mais si l’on veut vraiment améliorer la santé de la population, il est indispensable de recourir à la prévention. »
C’est particulièrement vrai pour la mortalité prématurée. La majorité des décès avant 65 ans (52 % ) sont jugés évitables. Les accidents (route, pirogue, chute d’arbre) sont une des principales causes en Guyane. L’obésité et la sédentarité aussi. Les décès liés au diabète et à l’hypertension artérielle pourraient également baisser avec un diagnostic et une prise en charge plus précoces. Enfin, l’absence de radiologie interventionnelle, en raison du manque de spécialistes, contribue à l’important nombre de décès liés aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) et aux infarctus aigu du myocarde. Les auteurs de l’étude notent que « la moitié des infarctus n’avait pas appelé le 15 pour atteindre l’hôpital ».
Les auteurs de l’étude concluent que « la perception persistante d’une négligence de l’État vis-à-vis de la Guyane est basée sur un retard structurel réel et sur la croyance que la Guyane reçoit moins de financements que les autres territoires. »
Maladie à déclaration obligatoire, la tuberculose est assez facile à suivre. La Guyane a enregistré une hausse de ses cas en 2016 et 2017. Et la crise migratoire haïtienne de ces années-là en est vraisemblablement la cause. « Cette augmentation concerne majoritairement des hommes jeunes, âgées de 25 à 44 ans, principalement nés en Haïti et arrivés récemment : le nombre de cas originaires d’Haïti a été multiplié par trois en 2016-2017 par rapport à 2008-2015 », souligne les auteurs de l’étude du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).
Entre 2005 et 2015, la Guyane a connu en moyenne 54 cas déclarés par an. Ce nombre a dépassé les 80 en 2016 et 2017, les deux dernières années étudiées. Un chiffre jugé « faible » par les auteurs de l’étude. Cela représente 32,5 cas pour 100 000 habitants, près de cinq fois plus que dans l’Hexagone. Mais le nombre de malades est jugés comme faible. Cette hausse a principalement touché les adultes de 25 à 44 ans, tandis que la part des 45-64 ans a baissé. Parmi les malades, 10 % sont sans domicile fixe, 9 % vivent en collectivité et 3 % sont des professionnels du secteur sanitaire et social. Les cas sont très majoritairement localisés dans l’Île de Cayenne.
Le nombre de personnes vivant avec le VIH en Guyane est désormais estimé à 3 800 (4 900 au Suriname) : 3 400 ont été diagnostiquées et 400 seraient séropositives mais n’auraient pas été diagnostiquées. « Le VIH/Sida reste l’une des principales causes de mortalité prématurée (avant 65 ans) en Guyane. » Et le département reste en situation d’épidémie. Celle-ci aurait commencé dès la fin des années 1970 avant de connaître un boum dans les années 1990. D’abord localisée sur le littoral, elle se serait étendue au fleuve une dizaine d’années plus tard.
« Les principaux moteurs de l’épidémie seraient (la prostitution), le multipartenariat simultané et, semble-t-il, la consommation de crack, car elle est liée à d’importantes prises de risques sexuels et est souvent associée à la prostitution », écrivent les auteurs de l’étude du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Si la majorité des patients sont d’origine étrangère, la majorité aurait contracté le virus en Guyane. « Cette population doit faire l’objet des efforts de prévention et de dépistage spécifique », insistent les auteurs.
Après avoir enregistré autour de 200 cas par an entre 2009 et 2016, la Guyane aurait connu une baisse en 2017 (157 cas) et en 2018 (55 sur les six premiers mois). Ces deux derniers chiffres sont toutefois à prendre avec des pincettes. « Même si le nombre de personnes infectées ne cesse d’augmenter, il se dégage une impression de ralentissement de l’épidémie en Guyane », note le BEH.
Parmi les relatives bonnes nouvelles, depuis l’an dernier, les habitants d’Oiapoque peuvent être suivis et soignés dans leur ville, alors qu’ils devaient se rendre à Macapa jusque-là. Et le dernier cas de transmission du VIH entre une mère et son bébé remonte à 2015 en Guyane.
En matière de santé, la Guyane touche moins d’argent par habitant que l’Hexagone. Mais selon les auteurs de l’étude, il faut aussi mettre ce chiffre en perspective avec l’âge médian de la population (23 ans en Guyane, 41 ans dans l’Hexagone) puisque plus un habitant est âgé, plus les dépenses de santé qui lui sont liées sont importantes. D’où leur conclusion que la Guyane est aussi bien traitée. Mais il reste à rattraper le retard structurel, soulignent-ils.
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