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25.01.2014

Sida : les tests rapides en pharmacie

Depuis la publication de l’étude américaine en janvier 2011 (HPTN 052) c’est un fait scientifiquement prouvé: une personne séropositive qui a une « charge virale » indétectable depuis au moins 6 mois grâce au traitement antirétroviral (ARV), qui n’a pas d’autre infection sexuellement transmissible, n’est pas contaminante sexuellement. Autrement dit, « le traitement est aussi un outil de prévention qui nous permet d’envisager l’éradication du sida à moyen terme », comme le soulignait alors le Pr. Willy Rozenbaum, ancien président du Conseil National du Sida.

Cette étude portait sur 1763 couples majeurs et majoritairement hétérosexuels (97%), recrutés dans 13 sites différents à travers 9 pays. Les conclusions sont spectaculaires : 96% de réduction de risque de transmission du virus. La surprise ne tient pas tellement aux résultats eux-mêmes – assez attendus – mais au fait que l’étude, qui devait se terminer en 2015, a été stoppée 4 ans plus tôt puisque les résultats étaient déjà amplement concluants.
Saluée le 12 mai 2011 par l’OMS et l’Onusida, cette étude a été désignée par la revue américaine Science comme « la découverte fondamentale de l’année 2011 ».

Comment la plus grande découverte sur le sida depuis celle des trithérapies en 1995 est-elle restée aussi confidentielle et pourquoi n’est-elle pas prise en compte dans les politiques publiques de prévention ?

Pourtant, cette découverte ne date pas d’hier. En 2008, voici ce que déclarait à Séronet (site créé par l’association Aides) le Pr. Bernard Hirschel, chef de l’unité VIH-sida des hôpitaux universitaires de Genève, expert auprès de l’office fédéral suisse de santé publique « Ce sont les études réalisées en Ouganda dans les années 90 qui montrent que, si la virémie est basse, il n’y a pas de transmission. Il y a aussi un des grands succès du traitement : la baisse de la transmission de la mère à l’enfant. Si la virémie est indétectable, à la naissance la contamination est quasiment exclue ».

Dans cette interview, le Pr. Hirschel s’expliquait sur les raisons qui lui avaient fait devancer, le 1er décembre 2007, la publication de la position officielle de la Commission fédérale suisse sur le sida qui titrait : Les malades traités avec virémie indétectable ne sont pas infectieux par voie sexuelle (Hirschel précise « indétectable depuis au moins six mois et sans Infection Sexuellemnent Transmissible associée »). « A ceux qui ont eu l’impression que cette annonce était prématurée, je rappelle que ces données existent depuis environ huit ans. J’estimais que cela suffisait, que nous avions assez attendu, et que si l’on voulait en dire quelque chose, le 1er décembre était le moment idéal, quand l’attention de tout le monde est fixée sur le VIH ».

En mai 2011, dans un article intitulé « Les ARV ont bien un impact significatif sur la transmission du VIH », l’association française de santé Warning propose de passer à la vitesse supérieure :

« Les études menées sur l’usage du préservatif dans les couples sérodifférents hétérosexuels observent une réduction moyenne des transmissions de l’ordre de 80%. L’étude HPTN 52 a constaté de son côté une diminution des séroconversions de 96% quand on traitait la personne séropositive. En termes de prévention, les traitements ARV ont donc une efficacité supérieure à l’usage systématique du préservatif. Si le traitement protège le partenaire de l’infection, il convient de permettre à chaque séropositif de pouvoir en bénéficier, ce qui implique en conséquence un accès facilité au dépistage ».

« Les messages de prévention adressés au public, qu’ils proviennent de l’État ou des associations, doivent cesser d’être timorés et prendre en compte cette nouvelle donne – l’impact du traitement en prévention – pour le bien-être des personnes et l’efficience de la lutte contre le VIH. De même, il est essentiel de changer les mentalités à propos de la séropositivité. En effet, la sérophobie renforce la stigmatisation qui freine le recours au dépistage, l’accès aux soins et le dévoilement » (publié sur son site le 15/05/2011).

Encore faut-il, pour être traité, savoir qu’on est contaminé… !

Le bon sens serait donc de développer le dépistage afin de proposer rapidement un traitement (plus efficace au début de l’infection) aux personnes dépistées positives.

Aujourd’hui en France 30 000 personnes sont contaminées sans le savoir (Institut National de Veille Sanitaire 2008) et peuvent donc potentiellement en contaminer d’autres.

En 2011, une campagne de dépistage a bien été menée par le ministère de la santé. Son objectif était le dépistage général de la population (les 15/60 ans). Il s’agissait d’inciter les personnes à se faire dépister, soit, en pratique, en se rendant dans un CDAG (Centre de Dépistage Anonyme et Gratuit à l’hôpital) ou bien en se faisant prescrire un test par son médecin et en le réalisant dans un laboratoire d’analyses médicales. Cela a-t-il été efficace ? Nous l’ignorons. Cette même année les tests rapides ont fait leur apparition en France, mais sont réservés uniquement à quelques associations, avec des conditions d’accès limitées.

Pourquoi limiter ainsi l’accès au dépistage, alors qu’un autotest coûte beaucoup moins cher qu’un test classique, qu’il responsabilise le citoyen et représente une avancée spectaculaire dans le dépistage ?

N’est-il pas plus simple de retirer son autotest en pharmacie plutôt que suivre une procédure longue et décourageante ? Les tests de grossesse sont en vente libre, les seringues le sont également, alors quels sont les freins à la mise en vente libre de ces tests en pharmacie ?

L’argument toujours entendu est qu’ « on ne peut pas laisser une personne réaliser seule ce test ». Ah, les braves gens qui prennent soin de nous ! Autant cet argument avait un sens quand le sida était associé à la mort, autant depuis 1995, avec l’avènement des trithérapies, il n’en a plus. Depuis cette date les traitements ont encore évolué et les patients vivent leur pathologie comme une maladie chronique. Comme les diabétiques, par exemple, qui nécessitent un traitement pour rester en vie, mais qui mènent une vie normale par ailleurs.

Voici ce qu’en dit Christine Rouzioux, virologue à l’hôpital Necker et responsable d’une équipe de recherche sur le VIH à l’université Descartes : « Un autre progrès que je trouverais intéressant serait l’accès aux tests rapides, en « home test » […]. Ça enlèverait cette mystification autour du dépistage. » Car pour Christine Rouzioux, « il faut avancer, il faut faire attention aux discours qui empêchent d’avancer. » En effet, « il y a pas mal de travaux en sciences sociales qui s’intéressent à ces questions » et se demandent s’il faut « des circuits systématiquement médicalisés ou pas ? » Or, « on met tout dans le même panier alors qu’il y en a qui ont besoin d’une démarche accompagnée et d’autres pas. » Certes, « c’est important d’être informé, c’est important d’être soutenu, mais ça peut être dissocié. » Car, « beaucoup n’attendent pas et vont acheter des tests sur internet ; ça, ça me préoccupe beaucoup plus car les tests achetés sur internet n’ont pas été validés ». (in warning.info)

Alors allons-nous encore perdre du temps, comme on l’a fait avec la vente libre des seringues et avec la publicité commerciale pour les préservatifs à la télévision? Au début de l’année 2013, après l’avis favorable du CNS, la ministre de la santé, Marisol Touraine, s’est déclarée favorable à l’accès des tests en pharmacie.

Il est urgent que les autorités sanitaires traitent les citoyens comme des adultes, des personnes responsables qui doivent pouvoir accéder facilement à l’information et à tous les moyens de prévention. C’est-à-dire en faisant connaître les bénéfices du traitement –et donc du dépistage- et en mettant rapidement en place la vente libre des autotests en pharmacie.

Philippe DOUGUET, Président d’honneur de Réduire Les Risques (Montpellier)
Dr Vincent BAILLAT, CHU Montpellier

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