Sandra : Préservatif féminin, c’est parti ! Avec Kamal Yahiaoui. D’abord, une première question et puis bien sûr Mohamed et Christian, n’hésitez pas à intervenir. Pourquoi ce préservatif féminin ? Il y a déjà le préservatif masculin. Pourquoi avoir créé ce préservatif féminin ? Est-ce que c’était vraiment utile ? Quand on voit à quel point ce préservatif n’est pas utilisé, à quel point il est cher, on se demande au final pourquoi l’avoir créé ? Est-ce parce qu’il y avait vraiment un besoin ou est-ce que c’était, je ne sais pas, se faire du fric sur ce marché.
Kamal Yahiaoui : Ce n’est pas forcément un marché sur lequel on se fait du fric, pour répondre tout de suite. Les prix de ces produits, les préservatifs féminins sont chers. Il faut savoir que, pour prendre un exemple, un étui de 3 préservatifs féminins, en prix public sur le marché, c’est entre 6 et 9 euros. C’est cher. Nous, aujourd’hui sur notre site internet, on essaye de le démocratiser. On vend un préservatif, selon que les clients sur Internet l’achète par 10 ou par 20, le préservatif coûte autour d’1,25 euros, 1,30 euros. Le préservatif. Ils l’achètent par 10 ou par 20. Donc on a essayé nous de le démocratiser. Il faut savoir que la société américaine qui a acquis les droits de fabriquer ce produit a investi plus de 120 millions de dollars de recherche et de brevet et que ça, ça doit s’amortir dans le temps. Cette société les fabrique. Elle les distribue un peu partout dans le monde, en particulier en Afrique, là où la pandémie de VIH est extrêmement importante et c’est le moyen à l’heure actuelle pour les femmes là-bas de se protéger parce que nous savons par expérience que les rapports sont multiples et les femmes ne se protègent pas forcément et les hommes ne portent pas forcément un préservatif masculin. Donc c’est vraiment le moyen de se protéger. C’est diffusé très largement en Afrique via des fondations qui les achètent et qui les donnent.
Mohamed : Pour répondre à ce que tu dis Kamal, je pense qu’en Afrique les femmes sont plus à l’écoute au niveau de la prévention, je parle de l’Afrique du Nord, le reste je connais moins bien…
Kamal Yahiaoui : Moi, je parle de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’ouest où les épidémies de VIH sont extrêmement importantes. Je parle plutôt de ces zones-là moi.
Mohamed : Mais elles ont plus une écoute, c’est-à-dire, plus relationnelle que les pays du Maghreb où l’homme déjà ne fait pas acte de prévention et où ils sont plus ou moins réticents…
Kamal Yahiaoui : Culturellement.
Mohamed : Et la femme est plus à l’écoute du fait que les femmes se parlent entre elles et elles ont plus la notion de vouloir se protéger ou se préserver selon…
Kamal Yahiaoui : C’est une volonté. C’est parti du constat suivant. Le préservatif masculin existe depuis l’antiquité. Ca a commencé vraiment à l’antiquité, avec des boyaux de moutons, c’était fait comme ça au départ. Ensuite, il y a un monsieur qui a découvert le caoutchouc qui s’appelle Goodyear. A partir du caoutchouc, on a commencé à faire des préservatifs en caoutchouc. Ensuite, on est passé au latex. Ensuite, on est passé à la génération de préservatifs qu’on connait maintenant. Mais ça, ce sont des technologies qui existent depuis, le caoutchouc ça existe depuis la 2ème guerre mondiale. Donc, le préservatif masculin a, on va dire des années d’avance, des équipements extrêmement pointus, une relative simplicité pour le fabriquer, à partir du latex et puis des volumes qui font que, quand vous avez des volumes d’un point de vue industriel, le prix unitaire diminue. C’est clair. Et puis des habitudes. Des habitudes d’utilisation, ce qui n’est pas le cas du préservatif féminin. Nous, ce qui nous a plu nous, société Terpan, ce qui nous allait bien dans le préservatif féminin, c’était le message qu’on diffusait auprès des femmes, à savoir mesdames, prenez en main votre prévention. N’attendez pas que ce soit l’homme qui prenne en main la prévention contre les IST, contre la grossesse, etc.
Sandra : Le préservatif féminin, il existe depuis quand ?
Kamal Yahiaoui : On a commencé à en parler dans un journal, on va dire, pour femmes, en 1908. On a commencé à parler d’un préservatif pour les femmes. Et en tant que produit, il existe depuis le milieu des années 1990.
Sandra : Donc vous, vous êtes le fabricant…
Kamal Yahiaoui : Pas le fabricant, le distributeur. Le fabricant est une société américaine qui les fabriquait à un moment dans la zone européenne qui maintenant les fabrique comme tous les fabricants de préservatifs en Asie. En Malaisie pour être clair. Il existe différents types de préservatifs féminins. Il y a de tout. On trouve des préservatifs féminins avec une éponge au bout, pour absorber. On trouve des préservatifs féminins en latex. Ca commence à bouger.
Sandra : Et vous êtes le seul en France à le distribuer, c’est ça ?
Kamal Yahiaoui : On est le seul en France, Belgique et Luxembourg à distribuer ce qu’on appelle le So sexy, le FC2, c’est-à-dire le préservatif en nitrile.
Sandra : D’accord. Mais il y a d’autres marques de préservatifs ?
Kamal Yahiaoui : Il existe des marques partout. Il y en a qui sont fabriqués en Inde, il y en qui sont fabriqués en Chine, mais la plupart du temps, c’est fabriqué dans des pays à bas coup de main d’oeuvre et dans lesquels la partie main d’oeuvre et la matière première représentent pas grand-chose par rapport à un prix de revient de produit.
Christian : De ma mémoire de journaliste, j’ai quand même mené beaucoup d’investigation concernant cette histoire de préservatif. Voyez-vous, quand vous allez chez les prostituées, au Cameroun par exemple, moi je suis de l’Afrique centrale, je suis du Cameroun. Au Cameroun, très peu, sinon presque pas de femmes utilisent ce préservatif. Avant, il s’appelait Fémidon. Il a changé de nom. Donc aucune femme n’utilisait ça et puis ça s’est fait au niveau des prix. Si tu donnes de l’argent, tu n’utilises pas le préservatif. Les prostituées, si tu donnes la somme qu’il faut, c’est sans préservatif. Elle est malade ou pas, ça passe. Le monsieur est malade ou pas, ça passe. Tu donnes une somme réduite, tu mets ton préservatif. En fait, elles ont des préservatifs homme. Et je me suis rapproché de ces différents experts de sexe et tout. Je leur ai demandé mais pourquoi vous n’utilisez pas le Fémidon. D’abord, elles disent que ça coûte cher. Au Cameroun, ça coûtait, la pièce de 3 préservatifs pour homme, qui coûtait 100 francs CFA, on trouvait 1 seul à 100 francs CFA pour les femmes. Et puis le problème, c’est que ces préservatifs, il a deux anneaux. Les femmes disaient que lorsque tu le mets dans le vagin, une autre partie reste au-dessus du vagin. C’est tellement embêtant au niveau des rapports, ça dérange, ça fait mal. Et même ici, j’ai rencontré très peu de personnes qui utilisent ces préservatifs. Maintenant, moi je voulais poser une question. Par rapport, si vous allez chez le “Roi de la capote”, vous allez trouver les différents pointures au niveau des préservatifs. Vous avez différentes tailles. Vous avez les tailles 54, 57, 60, selon le volume du pénis. Mais est-ce qu’au niveau du préservatif féminin, est-ce qu’il y a cette variation-là ?
Kamal Yahiaoui : Il y a une taille unique. Le préservatif féminin est conçu de façon telle, qu’il a un diamètre plutôt accueillant et confortable qui correspond à peu près à tous les diamètres et toutes les tailles de sexe, contrairement à ce qu’on trouve au niveau des préservatifs masculins où effectivement, de plus en plus, on voit apparaître des longueurs différentes, des diamètres différents, etc. Le Fémidom, vous l’avez appelé Fémidom et vous avez raison. Maintenant c’est Fémidom 2. Nous, c’est So sexy. Mais ce préservatif est à taille unique. Il y a de la place. Il est relativement long et il est relativement large. Et pour revenir sur ce dont vous avez parlé, la bague en polyuréthane qu’il y a à l’extrémité, c’est plutôt une protection qu’autre chose. C’est-à-dire que ça vient s’appuyer sur les lèvres et sur les parois externes du vagin et ça les protège beaucoup plus que ne pourrait protéger un préservatif masculin.
Christian : Moi, je souhaite qu’on soit assez sérieux. Je ne suis pas une femme, je n’ai pas de vagin. Mais les femmes qui m’écoutent savent qu’il y a des femmes qui ont des vagins un peu plus larges, un peu plus profond, un peu plus long, ainsi de suite. Tous les vagins, Sandra, ne sont pas les mêmes. Comme les pénis. Quand vous me dites que le préservatif féminin est standard…
Kamal Yahiaoui : Mais il s’adapte…
Sandra : Le vagin s’adapte en fait. Parce que tu imagines, tous les pénis n’ont pas la même taille tu vois. Donc il faut que le vagin soit en capacité, en gros, de recevoir n’importe quel pénis. Nous, les femmes, la paroi se.. comment dire… s’adapte…
Kamal Yahiaoui : Mais déjà le préservatif en lui-même a une relative souplesse et donc quand la personne l’installe, quand la femme l’installe dans son vagin, il y a une façon de faire. Nous, il faut savoir que, on commercialise ces préservatifs mais on commercialise aussi des kits de démonstration. On les commercialise dans les lycées, auprès des infirmières. On passe beaucoup de temps à expliquer. On a des kits complets avec des vues, avec des représentations en 3D de ce qu’est le vagin et on explique aux femmes comment…
Christian : Ouais, il faut le plier en forme de 8…
Sandra : C’est un peu compliqué à mettre non ? Il faut s’entrainer avant.
Kamal Yahiaoui : Il faut s’entrainer.
Sandra : Ce n’est pas comme la capote masculine.
Kamal Yahiaoui : La capote masculine, c’est extrêmement simple. Bon. Et encore ! Je peux vous dire, je ne vais pas citer ni d’expérience ni de noms, on a eu des… on va dire des professionnels qu’on a vu poser une capote, un préservatif masculin, c’était une catastrophe. Ils ne savaient pas faire. Des professionnels je parle. Pour revenir sur le point que vous soulevez, concernant les prostituées. Il est vrai qu’une prostituée, si vous me permettez de parler comme ça, on est dans un monde à côté. On n’est pas dans un monde… c’est quelqu’un qui utilise des moyens, des préservatifs qu’ils soient masculins ou féminins, dans le cadre de sa profession. Sa profession c’est quoi ? C’est faire un maximum de passe dans la journée pour gagner un maximum d’argent. Je suis désolée de parler comme ça, mais c’est la réalité. Donc, pour une prostituée, indépendamment du fait que c’est cher et que je suis d’accord avec vous, mettre en place un préservatif féminin, ce n’est pas une sinécure. Elle va passer du temps, c’est à usage unique, ça compte cher. Donc voilà, alors que le préservatif masculin. Le client vient, on l’enfile, on a le rapport et ce que disait Christian tout à l’heure est tout à fait exact, c’est-à-dire qu’aujourd’hui il y a des gens qui payent et qui sont prêts à payer cher pour ne pas mettre de préservatifs.
Mohamed : Il y a encore des pays où il n’y a pas la notion de prévention.
Kamal Yahiaoui : Tout à fait. Il y a ça aussi.
Sandra : Mais pourquoi il est aussi cher ce préservatif féminin ? Donc vous, vous faites…
Kamal Yahiaoui : A cause de ce que j’ai expliqué. Il y a eu des frais de développement tels que ces frais de développement aujourd’hui, il faut qu’ils soient amortis…
Sandra : Oui mais ce n’est pas logique.
Kamal Yahiaoui : Et il y a le volume, enfin la quantité. Il se vend dans le monde en préservatif masculin, 27 milliards de préservatifs masculins. Il se vend dans le monde, en préservatif féminin… je ne sais même pas !
Sandra : Ah bon !?
Kamal Yahiaoui : Mais je dirai, il y a 0,5% des utilisateurs qui utilisent un préservatif féminin.
Sandra : Mais, je me dis que s’il était moins cher, il y aurait plus de vente non ?
Kamal Yahiaoui : Non, c’est plutôt, plus on va en vendre, plus les outils vont être plus industrialisés, plus les brevets vont être amortis, plus le prix va baisser. C’est plutôt comme ça que ça fonctionne. C’est-à-dire qu’il faut monter les séries, faut monter les quantités vendues. Par exemple, la société qui fabrique a donné une licence d’exploitation en Inde et en Inde, il ne s’en vend pas beaucoup.
Sandra : Oui, mais c’est cher aussi !
Kamal Yahiaoui : Non, non, en Inde je parle.
Sandra : En Inde, ce n’est pas cher ?
Kamal Yahiaoui : Voilà. Et il ne s’en vend pas beaucoup. Il y a un problème de prix mais il y a aussi un problème de prise en main, d’acceptation, d’intégration dans la façon de faire, etc.
Christian : Il faut peut-être même une grosse campagne ! Il faut évangéliser les gens, c’est-à-dire qu’il faut parler de ce préservatif.
Kamal Yahiaoui : C’est pour ça que je suis là et puis…
Mohamed : Quel est le public demandeur ?
Kamal Yahiaoui : A l’heure actuelle, nous on travaille beaucoup avec l’INPES par exemple qui l’un de nos principaux clients. On fait des grosses campagnes sur des préservatifs féminins. On en met dans des pochettes personnalisées que l’INPES distribue et qu’on vend à l’INPES en essayant d’écraser les prix. Nous, si vous voulez, chaque année, nous Terpan, en France, on vend entre, selon les années, 1,2 – 1,3 million et 1,6 – 1,7 million préservatifs féminins. D’accord ? Ca, c’est un chiffre à comparer à 27 milliards de préservatifs vendus dans le monde en préservatifs masculins. Ca vous donne un peu les idées.
Mohamed : Quels sont les pays les plus…
Kamal Yahiaoui : Les pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’ouest, où il y a des pandémies du sida, se voient affectés des quantités de préservatifs féminins directement distribués aux femmes par les fondations et sinon la plupart des pays, on va dire développés, achètent leur préservatifs féminins auprès du fabricant et distribuent dans leur pays. Le fabricant, la société female health company a identifié à travers le monde des sociétés sérieuses, certifiées, qui sont capables d’assurer la matériovigilance de leur produit, qui sont capables de suivre les lots, etc. et à confier la distribution de façon exclusive à différents, par exemple j’ai un confrère en Angleterre, en Allemagne, en Australie, au Brésil, ils ont leurs zones et ils travaillent leurs zones. C’est systématique, on a des points réguliers avec eux sur des points d’amélioration, etc. C’est comme ça que ça se passe.
Sandra : Votre préservatif, vous, il s’appelle So sexy. Mais pourtant, sexy, ce n’est pas le mot qui revient le plus souvent quand on parle de préservatif féminin, en tout cas, quand on m’en parle. On s’en souvient, Patrick Papazian, qui est sexologue nous a dit qu’une de ses patientes avait dit autant se mettre un sac Franprix. Bon. Il y en a qui me disent que ça ressemble à un sac poubelle. Et d’autres m’ont dit aussi que pendant l’acte sexuel, c’est bruyant, que ça ressemblait à des bruits de pets. Alors forcément, ça ce n’est pas très sexy. Donc, est-ce que vous avez déjà entendu ce genre de propos et si oui, est-ce que vous avez remédié à ce problème.
Kamal Yahiaoui : On a déjà eu ce genre de propos. Première chose qu’il faut absolument prendre en considération, que ce soit un préservatif masculin ou un préservatif féminin, quand on utilise un préservatif, nous, société Terpan, dont c’est notre métier nous recommandons d’ajouter systématiquement du lubrifiant. Les gens oublient le gel. Que ce soit du gel lubrifiant à l’eau ou que ce soit du gel lubrifiant au silicone. Pourquoi ? Parce qu’en fait on s’aperçoit que selon les configurations des femmes et selon le pouvoir lubrifiant des femmes, le pouvoir lubrifiant est très variable. D’accord ? Il faut savoir qu’il y a un pourcentage non négligeable de femmes qui souffrent, manquent de lubrification, voir de sécheresse vaginale alors qu’elles sont en âge d’avoir des rapports normaux. Donc les risques c’est quoi ? C’est que le préservatif casse, en latex et que la lubrification ne s’effectue pas bien avec un préservatif féminin. Donc déjà, quand on rajoute du lubrifiant, ça change déjà beaucoup de choses. La quantité de lubrifiant dans un préservatif, je vais parler du préservatif masculin mais c’est vrai du préservatif féminin, la quantité de lubrifiant qui est mise au moment de la fabrication du préservatif, elle sert à deux choses, elle sert effectivement à lubrifier leur du rapport mais elle sert surtout d’un point de vue industriel à travailler le préservatif pour le conditionner. Le préservatif c’est quelque chose qui est déroulé, d’accord. Et quand vous ouvrez un préservatif masculin, il est roulé, il est à plat. Pour le rouler et le mettre à plat, faut mettre du lubrifiant, ça se passe comme ça. C’est-à-dire qu’on part du préservatif totalement déroulé, je parle du masculin, on le lubrifie et on le roule. Le fait de le lubrifier permet de mieux le rouler. Et donc de le mettre à plat avant de le mettre dans son sachet. Le préservatif féminin, idem. Il y a plus de lubrifiant dans le préservatif féminin qu’il y en a dans le masculin parce qu’il est plus long, il est plus gros. Il y a une quantité en valeur absolue, une quantité de lubrifiant plus importante.
Sandra : J’ai recherché un petit peu sur Internet combien dans le monde se vendaient de préservatifs féminins, donc en fait vous avez dit que le préservatif masculin c’était 27 milliards. Bah en fait, préservatifs féminins, faut juste enlever milliards, faut remplacer par millions. Voilà. Il y a une grosse différence effectivement.
Kamal Yahiaoui : Nous quand on dit qu’on en vend 1 million, 1 million et demi, 2 millions, on fait moins de 10%.
Sandra : Donc le lubrifiant ça évite les problèmes de bruit du préservatif ?
Kamal Yahiaoui : Tout à fait, ça arrange les choses doublement. Ca permet effectivement de minimiser ce bruit et puis ça permet surtout d’avoir on va dire un rapport plus lubrifié parce que l’un des points clefs c’est effectivement la lubrification.
Sandra : Avez-vous des questions, des remarques ?
Christian : Oui. Il y en a qui aime bien faire des fellations. Pour ce qui est du préservatif féminin, est-ce que c’est possible ?
Kamal Yahiaoui : Bah c’est compliqué de faire une fellation avec un préservatif féminin, puisque l’objectif même du préservatif féminin c’est d’être posé dans le vagin. Donc c’est compliqué de faire une fellation en posant le préservatif féminin sur le sexe de l’homme de faire une fellation. Ca ne le fait pas.
Sandra : Autant utiliser le préservatif masculin.
Kamal Yahiaoui : Voilà. Ceci étant dit, puisqu’on parle du préservatif masculin allons-y, l’un des reproches qui est fait et on entend beaucoup parler de ça à l’heure actuelle, au niveau du préservatif masculin, c’est la perte de sensibilité et de sensation. Donc qu’est-ce qu’on recherche ? On recherche des préservatifs de plus en plus fins, de façon à pouvoir faire ce que tu dis, c’est-à-dire, pouvoir avoir une fellation avec un préservatif. On recherche des préservatifs avec des effets, des effets chauds, des effets froids, etc. L’éducation sexuelle des jeunes d’une façon générale, se fait beaucoup aujourd’hui par les films pornos donc qu’est-ce qu’on fait ? On recherche la performance. Nous, on entend que ça. Performance, faut tenir, faut être bon…
Sandra : Les enfants sont exposés dès l’âge de 11-12 ans aux films pornographiques, c’est catastrophique.
Kamal Yahiaoui : C’est une vraie catastrophe. Et, faut aussi le dire, 1 tiers des jeunes ne se protègent pas. On a fait nous une enquête avec L’étudiant et Trendy, dont je pourrai vous communiquer les résultats, mais ils sont sur Internet, il n’y a pas de problème. Il y a des jeunes aujourd’hui lycéens, collégiens, voire plus, qu’ils pensent qu’on peut attraper le sida sur la cuvette des toilettes. On en est là.
Mohamed : Les jeunes d’aujourd’hui et ceux du début de l’épidémie, ce ne sont pas les mêmes.
Kamal Yahiaoui : Et 1 tiers des jeunes aujourd’hui ne se protègent pas. Vous discutez avec des jeunes, un étui de préservatifs masculins, ça vaut, acheter en grande distribution, 6 euros. Ils préfèrent acheter 2 bières.
Christian : Oui, peut-être le problème viendra au niveau… vous savez, moi j’ai causé avec des gens, des personnes, quand ils mettent le préservatif masculin, je vous assure, ils auront une érection de cheval et ils ne vont jamais jouir. Malheureusement, ils ne vont pas atteindre l’orgasme. Ils disent que le préservatif pour le mettre, c’est fini, c’est sur le plan psychologique, mais ils ne peuvent pas atteindre leur érection…
Mohamed : C’est vrai qu’il y a une complication, entre le moment de vouloir faire l’acte sexuel et la pose du préservatif, il y en a beaucoup qui ont une baisse de sensation. Maintenant, je crois que c’est selon le partenaire ou la partenaire. Ceux qui sont assez conscients, ils se préservent et d’autres qui sont plus adolescents et qu’ils se disent, la maladie on passe outre, c’est fini les années sida, et puis ils se retrouvent avec d’autres maladies qui ressortent aujourd’hui, comme la syphilis…
Kamal Yahiaoui : Les chlamydiae, les blenno… il y a beaucoup d’ist qui ressurgissent qu’on pensait avoir éradiqué et qui reviennent maintenant.
Sandra : On parlait de fellation mais pourquoi pas aussi parler du cunnilingus du coup. Est-ce qu’avec un préservatif féminin, c’est possible ou pas ? Il y a moins de sensation non ?
Kamal Yahiaoui : Nous, on a ce qu’on appelle une digue dam dom, qui est un carré en latex, qu’on a fabriqué spécialement pour tout ce qui est anulingus et cunnilingus. C’est un produit qui existe et qu’on vend sur notre site et qui permet d’avoir…
Sandra : De se protéger…
Kamal Yahiaoui : Oui.
Sandra : Et ça marche ça ? Les gens l’achètent ?
Kamal Yahiaoui : Oui. En fait, ça ne se vend pas en grande distribution.
Mohamed : En pharmacie ?
Kamal Yahiaoui : Pas encore. Ca se vend sur notre site internet et ça se vend sur les sites internet connus, la boutique le Roi de la capote dont vous avez parlé, qui est l’un de nos clients qu’on connait bien avec qui on est en contact permanent.
Sandra : On a parlé un peu des avantages du préservatif féminin dans le désordre. Est-ce qu’on peut revenir. Vous avez dit, que ça protège davantage les lèvres…
Kamal Yahiaoui : Ca protège les parties externes. Ca permet d’être mis en place bien avant un rapport.
Sandra : Combien de temps on peut le mettre avant ?
Kamal Yahiaoui : Jusqu’à 8 heures.
Mohamed : C’est déjà pas mal.
Kamal Yahiaoui : Bon, il ne faut pas le nier, il y a un tour de main. Une jeune fille qui a son premier rapport et qui dit je veux me protéger, bon, faut qu’elle apprenne à le faire. C’est diffusé plus ou moins bien dans les lycées, lors des cours d’éducation sexuelle. On a beaucoup d’infirmières qui nous contactent et qui nous demandent, qui nous achètent des kits de démonstration pour montrer comment ça se met en place. On est très sollicité là-dessus. On fait aussi des campagnes où on donne des préservatifs pour montrer aux gens comment ça s’utilise et pour le vulgariser et le diffuser, on est partenaire d’une école qui s’appelle ISC, c’est l’institut supérieur du commerce à Paris. A ma connaissance, c’est la seule école qui organise des démarches de prévention chaque année au niveau de toute la France. Ils affrètent un autobus, le décor avec les couleurs des partenaires et ils sillonnent toute la France, les villes universitaires, ils s’arrêtent un jour par ville et ils diffusent les messages de prévention. On leur donne nous des produits qu’ils distribuent. Ca permet d’éclairer un peu plus les démarches de prévention vis-à-vis des jeunes et puis nous sommes également partenaires du festival interceltique de Lorient où là il y a 700 000 personnes qui passent chaque année.
Sandra : Quelques minutes avant la fin de l’émission, Christian et Mohamed avez-vous des…
Christian : Oui, juste que si quelqu’un, vous avez une femme qui est diabétique et qui vous savez, ce sont des gens qui vont énormément aux toilettes, pas pour dire que tous ceux qui pissent beaucoup sont généralement diabétiques, mais si la personne enfilait son préservatif au bout de 3 heures et que cette personne a envie d’aller aux toilettes, est-ce que la personne serait obligée de remettre le même préservatif ou il faudra le changer ?
Kamal Yahiaoui : Pour moi, c’est un cas particulier, c’est à traiter comme telle. Je ne peux pas dire… après, c’est un problème d’hygiène. C’est un peu délicat. Heureusement ce n’est pas tout le monde.
Sandra : Mais on peut l’enlever et le remettre, si on ne l’a pas encore utilisé ?
Kamal Yahiaoui : C’est un produit à usage unique.
Sandra : Oui, mais s’il n’y pas eu de rapport.
Kamal Yahiaoui : Oui, on peut le remettre, en revanche comme c’est lubrifié, on va le remettre, est-ce qu’il y aura encore du lubrifiant ? C’est ça qu’il faut voir.
Moi, je voulais préciser une chose, parce que Christian et Mohamed m’ont demandé de le faire. En fait, nous, notre société, le coeur de métier de notre société, c’est fabriquer et commercialiser des accessoires et des kits pour la réduction des risques. Les préservatifs ce sont bien sûr des accessoires pour la réduction des risques, à savoir la protection contre les ist, etc. Mais nous ne faisons pas que cela. Nous avons entre autres mis au point un kit qui maintenant est très largement diffusé en France, pour ne pas dire en Europe, pour la réduction des risques chez les fumeurs de crack. On a mis au point un kit qui s’appelle le kit base et le kit base a permis par le biais d’une étude qui a été réalisée sur pratiquement 18 mois, de démontrer que l’utilisation de ce kit chez les fumeurs de crack permettait de diviser par 10 les risques de propagation du VIH et de l’hépatite C. Ce kit est très largement diffusé aujourd’hui, à peu près tout le monde l’utilise et on s’aperçoit par exemple qu’il y a quelques années la toxicomanie par injection était une toxicomanie très forte et qu’à l’heure actuelle, c’est la toxicomanie par inhalation qui est en train de grimper.
Mohamed : Je crois que la France a toujours été réticente par rapport aux normes de prévention. Je crois qu’il a fallu les années VIH pour qu’ils mettent le kit en place, avec le bruit que ça a fait, AIDES, Act-Up, pour qu’ils mettent le kit à 1 euro. Et même les préservatifs à 1 euro ne sont pas restés longtemps. Je crois que la France a des réticences par rapport à l’Europe, je pense, parce qu’en Europe, moi j’étais toxicomane et il fallait acheter ta seringue 20 francs à l’époque.
Kamal Yahiaoui : Maintenant c’est gratuit, en plus il y a les salles de shoot qui viennent d’ouvrir. Le problème, mais ça nous entraînerait loin mais, le problème c’est toujours prévention et répression. C’est toujours l’alternative entre prévention et répression. On ouvre des salles de shoot, mais je suis sûr que si on va interroger les usagers qui seraient susceptibles d’aller dans ces salles, ils auraient quelques inquiétudes en disant, peut-être qu’il y a des gens, des renseignements généraux, de la police qui sont devant, qui surveillent, qui vont ficher, etc.
Sandra : C’est une autre discussion. Je vous remercie Kamal Yahiaoui d’être venu à l’émission.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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