Sandra : Maintenant nous allons parler de « Vers un Paris sans SIDA ». Désolée pour ce qui nous écoute en province, du coup ça va être hyper parisien, mais c’est intéressant je vous l’assure, ne fermez pas la radio ! Cristina je te laisse la place.
Cristina : Oui c’est vrai qu’on pourrait dire c’est Paris Paris, ça c’est vrai. On va essayer de faire mieux la prochaine fois. Mettons fin à épidermique de SIDA, une rencontre nationale qu’il a eu lieu samedi à Paris, il n’y avait pas que des parisiens. Pour simplifier : le matin c’était plutôt dédié à la prévention et l’après-midi le débat s’était orienté surtout sur la PrEP (Prophylaxie pré-exposition). On revient plutôt sur le cours de la matinée que j’ai suivi directement. Pour nous mettre dans le bain de la chose je vous propose d’écouter tout de suite Eve Plenel directrice de l’association Vers Paris sans SIDA, elle a modéré le débat du matin et va refaire un point sur qu’est-ce que c’est l’association, qu’est-ce qu’ils ont fait jusque-là parce que c’est aussi quelque chose d’assez récent.
Début de l’enregistrement
Eve Plenel : Depuis le lancement de l’initiative Paris sans SIDA et son adoption par le conseil de Paris en mai 2016, on a à la fois mis en place tous les outils pour réussir, on a levé des financements, créé une structure pour financer ses actions, mis en place un comité stratégique qui associe tous les partenaires de la lutte contre le VIH à Paris, et qui pour plus de la moitié de ces membres est composé de personnes vivant avec le VIH et de représentants de populations clefs, associations gays, associations de travailleuses du sexe, associations de migrants africains et afro-caribéens. Donc tous ces outils ont été mis en place et en 2017 on a vraiment lancé les premières actions, principalement dans deux directions. Des actions de communication, d’information : la campagne “Faisons de Paris la ville de l’amour sans SIDA” et qui a eu ces déclinaisons successives. Et une action plus invisible, de mobilisation et d’organisation de l’offre de santé : d’augmentation du dépistage, de financement d’autotest, de renforcement des plages horaires pour les centres de dépistage de la population gay, de doublement des actions de dépistage pour les associations qui interviennent auprès des migrants, hors les murs, d’innovation avec des consultations de PrEP dans tous les CeGIDD (Centre Gratuit d’information, dépistage et diagnostic des infections par le VIH, hépatites et IST) à Paris et puis, dans un second temps des consultations de PrEP hors les murs pour les populations trans notamment. Donc il y a la partie visible de Paris sans SIDA qui sont les campagnes de communication, on dévoilera prochainement notre nouvelle campagne à l’occasion de la marche des fiertés, et la partie invisible qui est tout ce travail d’organisation de l’offre de santé sur le territoire.
Cristina : Comment on peut toucher les populations plus démunies, celles qui arrivent après un parcours migratoire difficile ?
Eve Plenel : Effectivement pendant longtemps quand on parlait de migrants en matière de VIH, on parlait de populations africaines qui arrivaient par avion avec un visa dans le cas du regroupement familial, des parcours migratoires qui étaient difficiles mais qui n’étaient pas aussi difficiles qui ce qu’on observe depuis maintenant 2015 en France avec beaucoup de gens qui arrivent par voie terrestre, des violences au long du parcours migratoire, des violences dans le pays d’origine, de la traite des êtres humains, des viols, des grossesses non désirées, etc. On voit une recrudescence potentielle de l’exposition au VIH pour cette population-là et un système de prise en charge de l’urgence à Paris qui n’est pas organisé pour tout ce qui est… il n’y a pas assez d’offre de place d’hébergement d’urgence par exemple, mais même dans ce cadre-là de l’accueil d’urgence des migrants, la santé n’est pas mise en avant, l’accès aux préservatifs n’est pas proposé immédiatement aux personnes, l’information sur le dépistage n’est pas donnée. Donc notre défi dans les mois qui viennent c’est d’arriver à réarticuler cette offre d’accueil d’urgence qui est proposée par beaucoup d’associations avec le soutien notamment de la ville de Paris avec une information dès l’arrivée sur l’importance du dépistage, l’opportunité de la PrEP, les endroits où on peut trouver des préservatifs gratuits etc.
Cristina : Et comment concrètement ?
Eve Plenel : Concrètement, l’une des nos idées serait que dans le kit d’hygiène qui sont délivrés aux migrants sans domicile fixe dans lesquels on donne une brosse à dents, un peu de mousse à raser, des protections périodiques pour les femmes, que d’emblée dans tous ces kits, on fournisse des préservatifs en nombre suffisant et un petit document en français facile à lire et à comprendre qui permet d’orienter vers un centre de dépistage, d’obtenir un autotest gratuitement, voir de donner un autotest gratuitement et d’aller vers une consultation de PrEP avec un coup de fil sans rendez-vous. L’idée c’est comme ça, le travailleur social qui remet ce kit il n’a pas besoin de parler de sexualité, mais comme il y a des préservatifs dans le petit paquet, la personne, si elle a envie de parler de sexualité se sentira autorisé, parce qu’elle considérera que sa sexualité est reconnue au même titre que son besoin de se laver, de se raser, de gérer ses règles, ou de manger ou d’avoir un toit sur la tête parce que nous on considère que la sexualité c’est une des composante de la vie et de la dignité au même titre qu’avoir un toit et se nourrir.
Fin de l’enregistrement
Sandra : Je rappelle juste la PreP, parce qu’il y en a peut-être qui ne savent pas qu’est-ce que c’est, c’est la prophylaxie pré-exposition, c’est destinée aux personnes séronégatives. C’est prendre un comprimé avant et après un rapport sexuel pour se protéger du VIH, et pas des autres infections sexuellement transmissibles. Pour faire court. On a déjà fait une émission là-dessus, je vous invite à réécouter nos émissions. (par exemple : http://www.comitedesfamilles.net/vih-hepatites-ist/depistage-et-prevention/article/comment-proposer-la-prep-vih-aux)
Cristina : Merci Sandra pour cette précision. C’était Eve Plenel directrice de l’association Vers Paris sans SIDA, elle nous a exposé un peu ce que fait l’association, ce qu’ils veulent faire, est-ce qu’il y a déjà des réactions à cet enregistrement ?
Romain : Saint Thomas, je crois ce que je vois, c’est un bon résumé. Voilà, moi j’attends de voir concrètement ce qui est fait, et un peu la pertinence de ces effets d’annonce.
Cristina : Je pense que Christian aussi tu veux réagir.
Christian : Oui, si seulement toutes les résolutions qui ont été prises là seront mises en application je crois que Paris sans SIDA c’est une bonne oeuvre, c’est quelque chose de vraiment louable, qu’on accepte et qu’on salue avec joie. Franchement elle a presque tout dit, il y a plein des choses qui seront mises en oeuvre pour lutter contre le SIDA, sauf qu’après les autres dans des régions de province les gens se disent pourquoi c’est limité à Paris, il faut que soit un peu décongestionné, que ça s’étende, pour que ce ne soit pas seulement Paris qui lutte contre le SIDA mais que ça soit un peu partout.
Cristina : Merci Christian tu m’as enlevé les mots de la bouche, c’était la chose que j’ai pensé pendant tout le long du colloque. Oui super Paris sans SIDA mais ailleurs, qu’est-ce qui va se passer ? Dans ce cas, je vous propose d’écouter madame la Maire de Paris, Anne Hidalgo, elle est venue et a ouvert ce débat. J’ai essayé de lui poser des questions plus directement, au début avant son intervention, à la fin après son intervention, elle n’avait jamais le temps. Moi je pense qu’un jour elle aura le temps de répondre à l’émission Vivre avec le VIH, qu’est-ce que vous en pensez ?
Sandra : Oui, il faut persévérer !
Cristina : On peut l’écouter déjà, c’est un extrait de son discours de présentation du colloque.
Début enregistrement
Anne Hidalgo : Une ville sans SIDA c’est possible, ce n’est pas un objectif qu’on s’est fixé qui serait totalement utopiste. Lorsqu’on s’est lancé là-dedans, on sait qu’en accroissant la prévention on donne des clefs à des jeunes, des moins jeunes dans leurs pratiques sexuelles de ne pas s’exposer. Et donc la prévention est la clef. Mais la prévention ce n’est pas parce qu’on a fait de l’information dans les lycées, dans le centre de formation pour apprentis que c’est fait. Si on a touché juste 1% d’une classe d’âge on n’a pas fait de la prévention. Il faut aller vers 100% d’une classe d’âge pour être vraiment dans quelque chose qui relève d’une prévention. Et puis ça ne s’arrête pas au moment où on fait la première information, la première sensibilisation. C’est quelque chose qui doit être dans la durée et donc intégrée comme une obligation du service public pour celles et ceux qui travaillent dans le champ éducatif et avec les jeunes. Après la prévention doit se faire aussi avec tous les professionnels de santé et à tous les âges de la vie. Si on regarde la question des tests, nous sommes en train de travailler à un dépistage très très large, très ouvert, partout on pourra, dans une pharmacie, ailleurs où on pourra utiliser et obtenir ce test pour faire ce dépistage, on aura marqué des points, mais là aussi, ça s’accompagne, et souvent dans des politiques publiques et celle de la lutte contre le SIDA en est vraiment la preuve, ça ne suffit pas de faire des expériences qui réussissent, il faut généraliser ces expériences qui réussissent.
Fin de l’enregistrement
Cristina : Et voilà vous l’avez entendu la Maire de Paris madame Hidalgo. Elle dit qu’on peut donner des clefs aux jeunes pour les aider à développer une sexualité saine etc. C’était un peu aussi le but des ActupienNEs Adeline, non ?
Adeline : Oui. Paroles paroles comme disait une grande chanteuse. Ca fait joli, c’est sympa, mais est-ce qu’il y a les moyens? Déjà à la base c’est de pouvoir assurer les fameuses trois séances d’éducation à la sexualité qui doivent exister lors du parcours scolaire au collège, ce qui n’existe pas. On parle de dépistage, j’imagine quand même mal des jeunes se rendre facilement dans des CeGIDD sachant que les CeGIDD ne sont pas forcément ouverts tout le temps, il y a des consultations une fois par semaine, à des horaires complètement fous.
Sandra : Ce n’est pas pour les mineurs en plus ?
Adeline : Pour les mineurs il y a l’autorisation qui va être levée, c’est porté pareil par le plan de santé sexuelle du gouvernement mais c’est du papier, on va voir en vrai ce qui va se passer parce que c’est vrai que ça peut être un frein majeur…
Sandra : Oui, parce que s’il faut venir accompagné par ses parents pour faire un test…
Romain : Moi je vais donner un conseil aux mineurs, dites que vous avez 18 ans et faites un test anonyme gratuit.
Sandra : Tu dis de mentir ? Oh là là…
Romain : Grave. Mentez.
Adeline : Après quand on parle d’autotest c’est pareil, qu’on soit jeunes ou vieux ce n’est quand même pas simple de faire la démarche d’aller en pharmacie, d’acheter un autotest, de faire le test chez soi et alors, on parle d’accompagnement, mais un accompagnement à la maison quand on fait le test et qu’on apprend la nouvelle ce n’est quand même pas simple. L’idée c’est toujours : est-ce qu’il y a des moyens derrière ? Parler tout le monde sait le faire, tout le monde sait défendre des grands principes, on est tous d’accord, mais en vrai, concrètement ? On ne parle pas campagne dépistage, ça c’est important aussi. On parle des parcours de soins dès la petite enfance à la personne âgée, ça c’est à la mode en ce moment, les campagnes des dépistages du VIH pourraient faire partie justement de ces parcours. Il y a bien la campagne du cancer colorectal qu’on connaît par coeur, on nous envoie tout à la maison, pourquoi il n’y aurait pas de campagne de dépistage du VIH ? Une campagne de dépistage généralisée ?
Christian : Aussi j’ai noté qu’elle a dit que ça ne suffit pas de faire des expériences qui réussissent, il faut bien faire des expériences qui réussissent. Pourquoi depuis Mathusalem cette maladie ne fait que terrasser les uns et les autres ? On combat l’hépatite ici, on peut détruire le cancer à gauche et ce fameux VIH ne fait que perdurer, on n’a jamais trouvé l’antidote ultime. C’est bien Paris sans SIDA mais en réalité un monde sans SIDA ce serait encore mieux.
Romain : Oui, juste pour revenir sur les jeunes et sur ce que disait Adeline et sur ce qu’on appelle la santé sexuelle, maintenant madame Hidalgo c’est une politique, elle fait des beaux discours, n’empêche que pour les lycées, ce n’est pas sa compétence, rappelons-le. Est-ce que madame Pécresse tient le même discours ? C’est une question. Paris sans SIDA, la région par le CRIPS (Le Centre régional d’information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes) s’engage un petit peu, mais pouvons-nous aller plus loin ? Moi j’interpelle madame Pécresse.
Sandra : Madame Pécresse qui est la présidente de la région Ile-de-France.
Romain : Ca serait un plaisir de vous rencontrer madame Pécresse.
Cristina : Moi aussi, en l’occurrence.
Romain : On veut tous rencontrer madame Pécresse.
Sandra : Pour lui dire plein de choses ! On a tout un programme à lui dire.
Cristina : Je pense qu’on peut continuer avec des suggestions qui viennent de ce colloque. J’ai essayé de faire un résumé de la matinée. Une personne qui m’avait aussi touchée par son intervention, c’était Nathalie Lydié, responsable de l’unité Santé sexuelle de Santé publique France. Elle a présenté l’autotest à domicile et je lui ai demandé en quoi consiste et à qui s’adresse ce type de test.
Début de l’enregistrement
Nathalie Lydié : Nous dans les expérimentations qu’on a menées, on en a menées deux, on a fait une première expérimentation qui était à destination des jeunes, ça concernait l’infection à chlamydia et là, l’expérimentation qu’on est en train de mener concerne les hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes (HSH). Par auto-prélèvement on dépiste le VIH mais aussi la chlamydia, l’infection au gonocoque, l’hépatite B, l’hépatite C et la syphilis. Donc l’idée c’était en fait d’apporter un outil supplémentaire à ce qui existe actuellement, et c’est ce que je disais dans la présentation, on voit que ce sont des dispositifs qui sont très bien adaptés pour les HSH, pour les jeunes, en particulier pour les personnes trans aussi. Et puis il y a des populations comme les populations hétérosexuelles, les populations originaires d’Afrique subsaharienne qui peut-être ont un usage moins important d’internet, qui se saisissent moins de ce type de dispositif. Mais l’idée de l’auto-prélèvement ce n’est pas du tout de remplacer d’autres dispositifs mais d’apporter une option supplémentaire pour les populations que ça intéresse.
Cristina : Et qu’est-ce qu’on peut faire pour amplifier l’accès aux soins, et pas seulement au dépistage ?
Nathalie Lydié : Je pense que l’accès aux soins, du moment où le dépistage est réalisé et que la personne a un résultat positif on voit quand même que la prise en charge en France se fait relativement vite, voir très vite.
Cristina : Et pour les personnes plus démunies ?
Nathalie Lydié : Y compris pour les personnes plus démunies. Dans le cadre de l’enquête parcours nous on a fait une comparaison des personnes qui avaient un test positif au VIH et qui avaient une hépatite B, et on a vu que par exemple que la prise en charge des personnes dépistées positives au VIH était beaucoup plus rapide, beaucoup plus pluridisciplinaire avec l’ouverture des droits pour les personnes séropositives au VIH on voit bien que c’est ce qu’on appelle l’exceptionnalité du VIH avec des structures qui sont mobilisées et que c’était beaucoup moins le cas finalement pour les personnes qui étaient atteintes d’une hépatite B où la prise en charge était beaucoup plus problématique, plus longue, en particulier quand les personnes étaient dans une situation précaire, ils n’avaient pas des droits ouverts.
Fin de l’enregistrement
Cristina : C’était Nathalie Lydié de l’Unité santé sexuelle de Santé publique France. Comme vous l’avez entendu elle dit que le VIH représente une exception et que la prise en charge est vraiment rapide. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette affirmation ?
Adeline : Moi je dirais qu’il y a un retard au dépistage, et c’est pour ça qu’on n’est pas bon entre guillemets sur la stratégie trois fois 90 qui est portée par Paris sans SIDA…
Sandra : C’est quoi cette stratégie trois fois 90, il faut l’expliquer.
Romain : 90% de personnes dépistées, 90% sous antirétroviraux et 90% indétectables.
Sandra : Exactement, bravo !
Romain : Merci !
Adeline : Sauf que, si je me souviens bien des chiffres il y a des sacrés retards au niveau du dépistage qui font que la première prise de traitement se fait plus tard et après c’est la fameuse cascade qui fait que les conditions de vie des personnes séropositives sont plus compliquées que ce qu’elles auraient pu être auparavant.
Romain : L’enjeu est vraiment dans le dépistage de toute façon, le dépistage précoce de l’infection au VIH. Il y a quand même un bon nombre de personnes qui sont dépistées tardivement déjà quasiment en phase SIDA, donc l’enjeu premier est là. Je voudrais revenir sur ce qu’a dit Adeline tout à l’heure : pourquoi ne pas envoyer un bon de dépistage à chaque assurée sociale en France ? Et vous vous présentez dans n’importe quel laboratoire, vous avez un bon et vous pouvez rentrer dans ce système de dépistage et selon votre activité sexuelle, vos conditions de vie on vous propose un rendez-vous tous les trois mois par exemple. Impliquer aussi les gens dans leurs relations avec leur santé et le dépistage au VIH.
Sandra : Mais ce qu’ils préfèrent, si j’ai bien compris, c’est du dépistage ciblé. C’est-à-dire cibler les populations qui sont les plus concernées par le VIH, donc la population HSH, les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, les populations d’Afrique subsaharienne en France, les populations migrantes. C’est vrai qu’il y a des oubliés, mais envoyer un bon par courrier comme vous dites ça impliquerait tout le monde.
Romain : On envoie comme disait Adeline aux plus de 50 ans le bon pour le cancer colorectale à tous les assurés
Sandra : Alors pourquoi pas le VIH. C’est une idée, tout à fait.
Adeline : Je reviens sur l’étude parcours qui a été menée, il ne faut quand même pas oublier qu’il y a un certain nombre de personnes qui arrivent sur le territoire français qui se contaminent sur le territoire français, ça c’est important aussi de le préciser, d’où notre responsabilité nationale. Très honnêtement une personne qui arrive sur le territoire français c’est le dernier de ses soucis d’aller faire un dépistage. Elle pense qu’à une chose : pouvoir être à l’abri, pouvoir manger, les besoins primaires comme on le décrit, le dépistage vient après et effectivement il y aura un retard au dépistage. C’est pour ça que quand on parle de PrEP il y a certaines associations ou, en tout cas, des personnes qui pensent qu’on pourrait mettre en place la PrEP pour les personnes migrantes. Est-ce que ça marcherait vraiment ? Moi je me pose la question.
Sandra : C’est encore en discussion.
Romain : Les autotests aux personnes migrantes : vous venez d’arriver dans un autre pays on vous prend, on vous balance un test, débrouillez-vous avec… Je veux dire, on marche sur la tête, excusez-moi…
Sandra : Qu’est-ce que vous en pensez Mohamed et Christian ? Un autotest pour les personnes migrantes qui viennent d’arriver en France ?
Mohamed : Ca serait une bonne idée, mais il ne faut pas leur amener ça comme ça. Il faut leur faire un petit accueil, un accompagnement, lui dire ici il y a des maladies compliquées, parce que lui arrive d’un pays dont il n’y connaît rien à la santé. S’il ne sait pas que c’est pour ses avantages il ne va pas faire la prise de sang s’il n’y a pas une soupe derrière. Donc c’est bien beau de lui donner un sac de prévention, mais il faut l’accompagner, le prévenir qu’il y a des maladies opportunistes et qui peuvent être virulentes et qui peut bénéficier de soins.
Christian : Oui mais, c’est bien mais c’est comme une sorte de discrimination aussi. Si vous balancez un truc comme ça, le vrai malade qui vit dans la rue et qui est avec des clochards, avec ses histoires de 115 matin et soir, il n’a même pas le temps de prendre soin de sa santé parce qu’il est troublé, il a besoin d’un petit confort pour pouvoir mieux prendre ses médicaments et compagnie. Si vous regardez que les migrants, vous passez à côté parce qu’il y a des femmes à la maison qui sont restées fidèles à leur mari. Du coup on peut envoyer un truc à la maison pour que chacun puisse prendre conscience. Si vous regardez que les migrants vous passez à côté de la chose qui est juste à côté de vous.
Cristina : Merci Christian. Effectivement ça c’est un débat, ça reste ouvert et ça touche. Pour aller vers la fin de cette page Paris sans SIDA, j’ai le regret de ne pas avoir pu interviewer une membre d’une association qui s’appelle Grisélidis (https://www.griselidis.com/) basé à Toulouse. La personne qui a présenté ce projet s’appelle Julie Sarazin et elle a présenté les activités de cette association qui est une association de support aux travailleuses du sexe. Elle a bien mis l’accent sur le contexte aujourd’hui politique et social de répression de la prostitution, ce qui rend encore plus difficile le dépistage et l’accès aux soins pour ces personnes. Une chose qui m’avait touchée, je ne sais pas Romain si tu as entendu car tu étais présent, elle a dit que cette association a refusé le dépistage de nuit pour ne pas augmenter la stigmatisation et la sérophobie. Je pense que c’est quand même assez estimable de ne pas faire ça dans le sombre.
Romain : C’est du bon sens. En puis c’est stigmatiser encore plus une population qui travaille souvent de nuit. Vous arrivez avec votre petit camion et comment on gère en plein nuit, il n’y a pas d’accompagnement médical derrière, il n’y a pas d’hôpital pour prendre en charge les personnes, on les laisse comme ça au bord de la route ? Voilà, vous avez un test positif. C’est quand même assez dangereux. Pour revenir sur cette intervention lors de cette journée au Sénat, la chose sur laquelle il faut réfléchir avec cette pénalisation des clients c’est que les prostituées, les travailleuses du sexe (TDS) n’arrivent plus à imposer le préservatif à leurs clients. C’est devenue un levier pour le client : je viens avec toi si on ne met pas de préservatif.
Sandra : Vous avez eu des témoignages dans ce sens ?
Romain : Oui, tout à fait.
Mohamend : Il y en a beaucoup qui veulent faire sans, dorénavant il y en a beaucoup qui imposent de vouloir faire sans préservatif, donc ça pose un problème pour les travailleuses du sexe.
Romain : Un énorme problème. Le client maintenant se sent aussi vulnérable. Mon levier ça va être de dire on le fait sans capote. Ils ont réfléchi à ça les législateurs avant de pénaliser le client ? Je ne crois pas.
Adeline : La pénalisation a éloigné aussi les travailleuses du sexe des centres-villes. Elle se retrouve au fin fond des bois, excusez-moi l’image, sur des routes très insécurisées et donc beaucoup plus victimes de maltraitances. Voilà, on imagine qu’il y a un contexte d’insécurité et d’agression.
Sandra : A cause de la pénalisation sur le client ?
Romain : Oui parce qu’elles se cachent pour avoir des clients, pour travailler, sinon il n’y a pas de clients, ça les précarise encore plus et les met en danger physique, en danger réel.
Christian : La travailleuse du sexe est là pour chercher son argent, elle est là pour se faire du blé. Si vous venez lui parler des tests vous éloignez déjà ses clients, au lieu de lui laisser la possibilité d’avoir autant de clients qu’elle veut.
Sandra : Tu veux dire que s’il y un test de dépistage qui est fait la nuit à côté du lieu où elles travaillent ça va faire fuir les clients ?
Christian : Oui, ça ne marchera pas. Vous avez parlé tout à l’heure du refus de la capote. Au pays aussi selon les sous que tu donnes, si tu payes bien on met la capote à côté, et si tu payes mal on utilise la capote.
Mohamed : Mais ça c’est au pays, en Afrique certainement. Le bus qui fait des moyens de prévention énorme, il disait qu’il avait du mal maintenant à trouver les prostituées qui se cachaient dans les bois. C’est un problème assez lourd quand même.
Romain : Il faut faire des actions de prévention, c’est le bus des femmes qui viennent la nuit.
Mohamed : Ils ont du mal à trouver les prostituées pour leur donner des préservatifs etc. parce que maintenant elles se cachent à cause de la chasse au client. C’est vrai.
Cristina : Merci à vous tous. Vous voulez rajouter encore quelques choses, un rendez-vous peut-être ?
Romain : Oui, on a un site internet où vous pouvez retrouver nos actions : www.lesactupiennes.fr et les événements sur la page facebook également.
Sandra : Et pour ceux qui n’ont pas internet, qui sont à l’ancienne, qui préfèrent appeler ?
Romain : Appelez-moi !
Sandra : C’est quoi le numéro ?
Romain : 06 51 79 29 58.
Sandra : Ouh là là, on a le numéro de Romain ! Mais vous pouvez aussi appeler au Comité des familles 01 40 40 90 25. N’hésitez pas à laisser un commentaire sur le site comitedesfamilles.net. Bonne semaine !
Transcription : Cristina Rosati
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