Jean-Pierre : On s’est rencontré en 1991 à AIDES. Moi j’étais au local d’AIDES et j’ai rencontré Victoire qui est venue après moi. 10 minutes après elle est venue à AIDES avec quelqu’un que je connais. En fait, il me l’a présentée. On s’est présenté l’un à l’autre. Ensuite après la fermeture d’AIDES, elle m’a dit, “si je voulais venir la voir”. Elle ne connaissait personne à Perpignan et tout ça. C’est venu comme ça. On est restés amis pendant 10 ans et ensuite on s’est mis ensemble. Pendant 10 ans on se voyait. Parfois elle venait chez moi, j’allais chez elle, on allait manger le soir au restaurant. La première fois qu’elle m’a invité au restaurant, on était au refuge à AIDES et un soir je sors, elle me demande si je veux manger au restaurant. J’étais un peu gêné parce que j’étais embêté financièrement, dans une mauvaise passe. J’étais un peu embêté. Elle m’a demandé pourquoi. Je lui dis que je ne peux même pas lui payer l’apéro quoi. Elle m’a dit que ce n’est pas grave, ce n’est pas un problème. De là, on se voyait de temps en temps. Parfois quand je ne la voyais pas, je demandais des nouvelles au Refuge ou à AIDES. 10 ans après, c’est moi qui suis venu la voir après à Perpignan, je lui ai dit qu’on peut essayer de se mettre ensemble et de voir, ça peut fonctionner. En fait on est toujours ensemble depuis 2007. Ça fonctionne parce qu’on a quelques points communs. Il y a Bingo notre chien, son chien plutôt mais bon, moi je l’adore Bingo, c’est comme si c’était notre bébé. Bingo c’est un chien formidable.
Nos points communs, c’est déjà la maladie. On est fils d’immigrés tous les deux. Ses parents viennent de Kabylie et mes parents d’Espagne. L’autre point commun, c’est qu’on n’est pas trop lié avec la famille quoi. On aime bien regarder la télé, écouter de la musique, manger au restaurant, on aime Bingo, on s’en occupe comme la prunelle de nos yeux quoi. On est chrétien tous les deux. Bon moi je suis chrétien mais non pratiquant. Depuis que je suis avec elle, je suis allé quelquefois à l’église mais bon, je ne vais pas à l’église tous les dimanches mais je crois en Dieu. Il n’y a pas beaucoup de points communs mais c’est des points communs qui sont forts entre nous deux. On se soutient aussi. Parfois, quand je ne vais pas bien, elle le voit.
Parfois je pense à ma famille, c’est vrai que ça fait quelque temps que je ne vois pas mon frère depuis le mois d’août. Il ne me donne pas de nouvelle. C’est celui avec qui j’ai le plus de lien dans la famille. Parfois je parle de mon frère parce que bon, je dis peut-être qu’il va m’appeler. Elle est là, elle me dit attends, peut-être qu’il t’appellera. C’est la maladie qui nous distance avec la famille, que ce soit Victoire avec sa famille. Parfois elle a le blues, parfois j’ai le blues aussi du côté de ma famille. On se comprend.
Sandra : Vous m’avez dit qu’un des points communs c’est la maladie. Pour vous c’est important que la femme que vous aimez soit aussi concernée par le VIH ?
Jean-Pierre : Oui, parce que je suis déjà sortie avec des femmes qui n’étaient pas malades. Au début elles m’acceptaient et puis après il y avait des complications avec le temps. Avec le temps elles s’apercevaient que j’étais quelqu’un de malade. J’ai traversé des passes où quand elles m’ont connu, j’étais à peu près bien et après je me laissais vivre un peu. Je me négligeais dans ma tête, je me renfermais. Et ça, les femmes qui ne sont pas malades, elles se disent ce mec après tout, il est bien mais il est chargé de problème dans sa tête. Ce qui fait qu’en étant avec Victoire, c’est vrai qu’on n’a pas trop le moral. On peut être un peu irritable. Elle va me poser une question, un jour je vais lui dire qu’est-ce qu’il y a, qu’est-ce que tu veux ? Je vais être un peu irritable, je vais l’envoyer dans les roses. Mais elle va comprendre un peu parce qu’elle voit que parfois on parle par rapport à la maladie c’est vrai, je le dis comme ça, ça fait chier je lui dis. Bon mais on est toujours là.
On a des amis qui sont partis aussi. En l’espace de 5 ans, on a perdu 5 personnes. Ce qui fait que ces gens-là on ne les revoit plus. Dans l’association, il y a quelques places qui sont vides. Ce qui fait que, parfois on se dit, c’est qui le prochain quoi. En rigolant parfois je dis ça va être moi le prochain. Tout ça, ça nous lie à fond.
Sandra : Et pour vous Victoire, le fait que l’homme que vous aimez soit séropositif est-ce que c’est important pour vous ?
Victoire : Oui, c’est une façon d’être, le fait d’être avec quelqu’un qui est atteint de la même maladie. C’est un lien qui nous unit. Moi j’étais marié avec un négatif, bon ça n’a pas marché. Il ne me comprenait pas. C’était un infirmier mais pas spécialisé dans le VIH. En fait beaucoup d’amis, ses copains, ses copines lui disaient de me plaquer. Il me l’a avoué. Ses copains lui disaient qu’est-ce que tu fais avec elle, elle est malade, tu es grand, t’es beau. On s’est séparé et puis voilà. En fait on a divorcé. Mais bon, ce n’est pas grave, je comprends, c’est mieux comme ça.
Sandra : Maintenant vous êtes avec Jean-Pierre, qu’est-ce qui fait que vous aimez être avec Jean-Pierre ?
Victoire : Il a beaucoup de qualité. Et là, il me regarde, il se demande ce que je vais dire. Il est patient, il est compréhensif, c’est quelqu’un de gentil et attachant. Il est simple.
Jean-Pierre : Moi ce que j’aime chez Victoire c’est que, premièrement, elle est belle, elle me plaît, elle est jolie. Elle est calme, c’est quelqu’un de très calme. Moi je suis calme, je peux être calme comme je peux être un volcan qui se réveille. Je suis quelqu’un de vachement nerveux intérieurement. Ça ne se voit pas mais en vérité je ne suis pas si calme que ça. Bon, elle m’apporte cet équilibre-là, elle est calme, elle est douce. C’est quelqu’un qui ne boit pas, parce que j’étais toujours avec des femmes qui aimaient faire la fête, boire. Alors que moi bon, je buvais parce que ces femmes-là buvaient quoi. Bon j’aime bien faire la fête mais si je me mets avec une femme portée sur l’alcool, je partais dedans, dans l’engrenage de l’alcool avec la personne. C’est vrai que parfois, je le dis à Victoire, j’ai de la chance d’être avec toi et que tu ne bois pas. Depuis que je suis avec elle, ça m’apporte cet équilibre-là d’être avec quelqu’un qui ne boit pas et qui est doux, qui s’occupe bien de moi moralement parce que parfois c’est vrai que je n’ai plus d’amis quoi.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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