Norton : J’ai 50 ans. On est plus fragile que les personnes plus jeunes. On n’a pas 60 ans mais on arrive, petit pas par petit pas. Donc on est quand même sur le trajet des 60 ans, 65 ans. Donc c’est vieillir avec cette maladie et puis je me sens concerné.
Sandra : Norton se sent concerné par l’étude vieillissement et infection par le VIH. Une enquête menée par le COREVIH Ile-de-France Ouest.
David Zucman : Les COREVIH c’est des groupements régionaux qui réunissent des associatifs, des médecins et des infirmiers aussi sur le thème du VIH. Donc le COREVIH auquel je participe c’est le COREVIH Ile-de-France Ouest et effectivement nous avons fait une étude sur notre COREVIH pour voir quelle était la situation des personnes infectées par le VIH âgées de plus de 60 ans, voir quelles étaient leurs problèmes de santé, quelles étaient les difficultés qu’elles pouvaient rencontrer, les pathologies liées à l’âge et liées au VIH.
Sandra : Dans l’épisode 54 du + Quotidien, nous avons vu avec David Zucman l’importance pour les personnes séropositives âgées d’avoir un plan personnalisé de soins. Cela ne veut pas dire qu’il faut s’inquiéter de tout et vivre dans la crainte mais simplement faire un bilan de santé de manière plus régulière, 1 fois par an, pour pouvoir rester en bonne santé le plus longtemps et ça, Norton l’a bien compris.
Norton : J’ai une hépatite C que je ne fais pas soigner mais que je fais contrôler régulièrement. De côté-là, on me dit que ça va, qu’il n’y a pas à précipiter de faire un traitement. Puis oui, je fume. J’aimerais bien arrêter mais ce n’est pas évident tout seul.
David Zucman : Le cancer du foie c’est quelque chose qui est très important à dépister chez tous les patients porteurs d’une hépatite, que ce soit l’hépatite C ou l’hépatite B. C’est très important d’avoir une surveillance très régulière de l’échographie du foie et cela est vrai pendant toute sa vie. Et même si on a 60, 70 ans, ou même au-delà, faire cette échographie du foie très régulièrement va permettre de dépister très tôt un petit nodule et ce petit nodule, s’il est cancéreux, on va pouvoir le traiter et le guérir. Évidemment si on n’a pas eu un dépistage précoce, on va découvrir le cancer à un stade plus avancé avec un nodule plus gros voire avec plusieurs nodules et là évidemment, c’est plus difficile de faire le traitement. Et ça aussi, le problème du cancer du foie c’est quelque chose qu’on doit absolument dépister chez tous les patients co-infectés avec une hépatite.
Norton : Je ne vais pas dire que la vie est belle avec le VIH mais oui, c’est vrai, je vis bien avec le traitement pour la maladie. Je vis bien. Donc oui, maintenant c’est possible de vieillir avec cette maladie et puis de rester, oui, en forme.
David Zucman : Moi je trouve effectivement qu’on a des personnes âgées, voire très âgées, largement au-delà de 85 ans qui vont bien. Bien sûr, elles ont leur âge, c’est-à-dire que, au-delà de 85 ans il y a une certaine fatigue qui est presque constante. Mais je trouve que quand je vois ces personnes en consultation, je trouve qu’elles font leur âge mais elles ne font pas plus que leur âge et elles viennent me voir encore de façon ambulatoire. Ca veut dire qu’elles ont leur autonomie, qu’elles arrivent à prendre des transports et à se déplacer pour venir en consultation. Donc les personnes qui vont atteindre 80, 85 ans, voir au-delà, restent en assez bonne santé contenu de leur âge bien sûr.
Les personnes âgées de l’étude avaient pratiquement à 100% une charge virale indétectable. Donc elles arrivent à bloquer le virus parce qu’elles prennent bien leurs médicaments et leur système immunitaire était assez bon. C’est vrai qu’on avait des craintes concernant un vieillissement accentué physiologique lié à l’âge chez les personnes séropositives et bien non. Quand le VIH est bloqué par la trithérapie, le système immunitaire, même avec l’âge reste assez bon et donc il n’y a pas d’évolution vers des infections opportunistes, vers le sida. En terme de nombres de lymphocytes T4, on a des résultats qui sont assez bons. Il y a eu des adaptations des différentes trithérapies. Bien sûr qu’il y a des problèmes de toxicité encore une fois sur lesquels il faut être très attentif étant donné que le foie et les reins d’une personne qui vieillit sont un peu moins bons. Donc il y a des risques accrus de surdosage. Il faut être très attentif à la dose des médicaments. Il y a évidemment des modifications de trithérapies qui sont rendues nécessaires par des toxicités ou des surdosages.
Sandra : Est-ce que ton infectiologue te parle de ce genre de choses ? Comment ça se passe quand tu le vois ?
Norton : Bon, ce n’est pas souvent qu’on en parle. Elle m’en a parlé un petit peu mais ce n’est pas souvent. Alors la dernière fois que je l’ai vue, pas parlé, que je l’ai vue, le 23 avril. Mon bilan quoi. Je sais que les CD4 ça remonte bien. De 16 maintenant je suis à 200 et quelques avec une charge virale indétectable. Mais bon, avec des douleurs musculaires que j’essaye de me faire expliquer mais ce n’est pas évident. Fatigué, fatigué mais bon.
Quand je l’ai appris, j’étais plutôt démoralisé, abattu. Je n’ai pas voulu admettre cette maladie, je n’ai pas voulu y penser du tout. Jusqu’au jour où tu tombes malade et puis que, par la force des choses, il faut te soigner. Comme je ne voulais pas, je n’en parlais pas, je ne voulais pas en entendre parler, je savais que… et encore après une opération d’une autre chose, on vient me dire que j’ai cette maladie-là alors que je n’ai jamais demandé à faire de prise de sang.
2004, j’ai arrêté et depuis 2010, je prends mon traitement correctement parce que j’étais bien malade. Pour moi, c’est quelque part une honte, ne pas pouvoir en parler avec les personnes de ma famille parce que peut-être qu’ils ne comprendraient pas, peut-être qu’ils n’apprécieraient pas, peut-être que je ne veux pas non plus me dévoiler. Puis c’est être à la recherche que de personnes concernées par cette maladie alors que d’autres personnes s’en foutent ou ne veulent pas en entendre parler. C’est un certain choix dans l’amitié, dans l’amour. C’est tout ça.
Je n’ai jamais eu de problème avec le traitement sauf que, dans ma tête, en plus j’habitais chez mon frère, je ne voulais pas montrer ça, je n’en ai jamais parlé donc voilà, par cachotteries et puis dans ma tête, voilà quoi, prendre les médicaments, ça te rappelle tout de suite que tu as une maladie et puis cette maladie-là. J’ai laissé tomber et puis bon, à force d’être malade, tu prends conscience et puis tu te soignes.
Alors là je vais devoir quitter, parce que j’ai un rendez-vous où j’habite dans l’Essonne pour le logement. Comme j’avais tout lâché dernièrement, j’ai une dette de loyer que je dois honorer, discuter parce que ça fait longtemps que j’ai cette dette, je ne donnais pas de signe de vie. Donc là je recommence à mettre le nez dedans, à régler tout ça. En touchant 600 euros et 600 euros de loyer bah voilà, calculer ce qui me reste. Pour payer les autres factures, manger. Je mange avec 8 euros par semaine en ticket alimentaire.
Sandra : Comment on fait pour manger bien avec 8 euros par semaine ?
Norton : Comment on fait ?
Sandra : C’est quoi tes repas ?
Norton : C’est souvent des boites de conserve à 60 ou 80 centimes. Une salade, café au lait, pain au beurre et voilà.
Coucou à tous les auditeurs qui vont écouter cette émission et puis je leur souhaite bonne chance. Courage et puis il faut aller de l’avant. Ce n’est pas parce qu’on a des problèmes qu’il faut baisser les bras mais bon c’est bien souvent plus facile à dire qu’à faire.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
Vous avez une question par rapport à cet article ?
Elle a peut-être déjà été traitée dans notre section FAQ
Vous ne trouvez pas votre réponse ou vous avez une remarque particulière ?
Posez-nous votre question ici :