Sandra : Je vous propose d’écouter maintenant Sofi qui va nous dire comment elle, elle a connu le Comité des familles et pourquoi le Comité des familles doit toujours continuer d’exister.
Début de l’enregistrement
Sofi : Je m’appelle Sofi, j’ai 32 ans, bientôt 33. Je suis membre du Comité des familles depuis 2008, parce que j’ai été contaminée en 2008. J’ai rejoint le Comité en 2009, puisque j’avais envie à l’époque de savoir comment vivre avec le VIH, j’avais plein de questions sur la maladie que je ne connaissais pas du tout. Depuis, j’ai participé à la création du projet Madeleine pour témoigner dans les écoles de la vie avec le VIH. Ensuite, j’étais Petite soeur du Comité des familles à l’époque et puis en 2011, j’ai eu ma fille et je suis devenu Grandes soeurs et suite à ça, j’intégrais le conseil du Comité des familles en tant que trésorière puis en tant qu’administratrice. Et donc aujourd’hui, je continue le projet Madeleine quand je peux, le projet Grandes soeurs, je soutiens toujours des femmes qui apprennent leur séropositivité en cours de grossesse. Et, en tant que membre du conseil, je participe à tout ce qui est organisation du Comité, recrutement des salariés, les appels à projets pour les financeurs publics, tout ce en quoi je peux contribuer, dans la mesure de mon temps.
Quand je suis arrivée au Comité des familles en 2009, j’avais plein de questions, c’était un peu un traumatisme d’apprendre ça et de ne pas savoir comment gérer les choses, notamment comment après pouvoir avoir des enfants, rencontrer quelqu’un, comment bien me soigner, comment continuer mon travail, il y avait plein de questions qui me préoccupaient. Donc ça va bientôt faire 10 ans que je suis contaminée, donc le chemin a été long. Il y a eu pas mal d’embûches, des choses que j’ai apprises, comprises, avec le temps. Et aussi à force de vivre donc avec cette maladie. Et c’est vrai que maintenant, je ne peux pas dire que ma vie soit moche, j’ai une belle vie, parce que j’ai une fille, je travaille, j’ai une vie sociale épanouie. Je fréquente le Comité des familles parce que j’en ai envie et que ça me plait. Ce n’est pas que je n’ai plus besoin de venir au Comité des familles mais c’est que j’ai fait du chemin. Et je pense qu’il y a des gens, quand ils apprennent ça encore aujourd’hui, c’est le traumatisme de leur vie, tout est chamboulé, ils ne savent plus où ils en sont, ils ne savent plus comment ils vont faire pour continuer à vivre. Et donc, je pense qu’il faut toujours se remémorer ces moments-là qu’on a vécu aussi, même si c’était il y a longtemps. Le moment de l’annonce, c’est toujours un moment compliqué et qui chamboule tout de toute manière. Même si, 10 ans après, je peux dire que j’ai plus ou moins accepté ma maladie, et que ce n’est pas un handicap énorme pour moi aujourd’hui mais je sais que demain peut-être j’aurai aussi des problèmes de santé, peut-être que j’aurai besoin de soutien du Comité des familles et le fait de me dire qu’il n’y aura plus de Comité des familles, si jamais on n’en arrive là, j’aurai comme une absence, un manque dans ma vie, puisque c’est quand même le Comité des familles qui m’a sauvée quand j’ai appris ma séropositivité et que maintenant, si un jour il m’arrive encore quelque chose ou quoi, je sais que je peux venir au Comité des familles, que la porte sera toujours ouverte, qu’il y a toujours des gens super ici pour continuer à garder le sourire, à être positif, à vivre malgré ça et donc je me dis que si le Comité des familles disparaît, je n’aurai plus de ressource entre guillemets, de refuge pour venir me soutenir.
Sandra : En ce moment, on est en période électorale, là on est dans la période du deuxième tour. Le Pen présidente, est-ce que tu penses que c’est possible ?
Sofi : Malheureusement oui, je pense que c’est possible parce qu’elle est quand même très forte en communication et en blabla et aussi pour réduire le débat à quelque chose de complètement simple. Elle simplifie vraiment les choses et elle est vraiment caricaturale dans tout ce qu’elle raconte. Et je pense que, malheureusement, les gens, j’espère qu’ils sauront faire la différence entre ce qu’elle dit et la réalité des choses mais c’est vrai que quand on l’écoute, elle est quand même assez convaincante pour celui qui juste s’arrête à ce qu’elle dit et qui pense qu’elle a raison. Maintenant, j’ai toujours l’espoir que la société française ne se réduit pas à une société raciste et en plus, pour moi l’Europe c’est super important, parce que c’est toute notre histoire. L’Europe, c’est la paix entre l’Allemagne et la France, il y a plein de choses positives qu’on a eu avec l’Europe. Moi, je parle 3 langues, je suis européenne convaincue et donc je ne vois comment on pourrait sortir de l’Europe sans avoir des conséquences négatives. J’espère qu’elle ne passera pas mais c’est toujours un débat, et à force de dire aux gens qu’elle est nulle et tout, je pense que les Français ont un esprit de contradiction malgré tout assez fort et, je pense aussi que les Français sont un peu des enfants gâtés et qu’ils ne se rendent pas compte de la chance qu’on a de vivre dans le monde dans lequel on vit. Ici en France en tout cas, par rapport au reste du monde. Je comprends qu’il y a des gens qui soient en colère, qui ont perdu leur travail, qui ont des problèmes de santé mais on est quand même en France et pour ceux qui n’ont pas de travail, il y a quand même des formations qui sont faites pour pouvoir en retrouver un, il y a pôle emploi, bon, même si ce n’est pas parfait mais ça aide quand même les gens. On a aussi les allocations chômage, on a aussi la sécurité sociale quand on est malade. Je pense qu’il y a plein de choses que les gens ont oublié et qui n’existe pas ailleurs et que du coup, on a l’impression qu’on entend toujours les gens se plaindre alors qu’on n’est pas les plus mal lotis et on devrait regarder aussi ce qui se passe ailleurs au lieu de toujours revendiquer des choses qu’on a déjà.
Sandra : Mais du coup, si Le Pen passe, tu penses que cela aura des conséquences pour le Comité des familles et les autres associations ou pas ?
Sofi : Je me rappelle de la période où Jean-Marie Le Pen voulait des sidatoriums pour les malades du VIH, enfin du sida à l’époque. Bon, j’espère qu’il ne va pas en arriver là parce que sinon, on se retrouverait tous… ce ne serait plus la maison des familles mais ce sera notre maison de sidéens, je ne sais pas comment on dit. Bon. Peut-être que Marine Le Pen a changé de discours mais je pense qu’elle est quand même clairement anti malades du sida, faut être honnête. Je pense que pour elle, ça n’existe pas et que tous ceux qui l’ont sont tachetés quoi. Je ne sais pas s’il y a un autre mot mais là, c’est tout ce qui me vient. Donc, si on en arrive là, peut-être que je déménagerai. J’aurai la chance de pouvoir habiter ailleurs donc…
Sandra : Sérieux ! (rires)
Fin de l’enregistrement.
Sandra : C’était Sofi, au micro de l’émission Vivre avec le VIH, qui elle, a raconté son parcours. Vous avez des réactions à ce qu’elle vient de dire ?
Yann : Je pense que la troisième langue, elle doit inclure le breton (rires).
Sandra : Pourquoi tu dis… tu ne l’a jamais entendu parler… (rires)
Yann : Pour faire un petit clin d’oeil aux bretons (rires). Tu sais, ils sont un peu nationalistes ceux-là. Bon, ils ont un très bon score, il faut reconnaitre une chose, la Bretagne n’est pas raciste.
Mohamed : Je l’encourage, elle est dans les mêmes directives que nous, elle soutient le Comité des familles donc c’est bien qu’elle bouge de son côté en Bretagne…
Sandra : Non, elle habite à Paris. Ce n’est pas Morgane… J’avais une question pour toi Mohamed, comment tu as connu le Comité des familles ? Et qu’est-ce que le Comité des familles t’a apporté jusqu’à maintenant ?
Mohamed : Ca remonte assez. Ca a été bénéfique parce que j’ai traversé une trithérapie qui était un peu lourde, avec un traitement assez lourd. Parfois j’en perdais mon potentiel. Certaines qualités physiques. Ca m’a beaucoup fatigué et à travers le Comité, j’ai su retrouver des gens avec qui je retrouvais non seulement, on était concerné par le même problème et puis on échangeait, on participait à d’autres activités qui m’ont fait reprendre un peu la façon de vivre avec le VIH et non pas de vivre avec, de se laisser vivre mais de pouvoir survivre et prétendre à faire d’autres choses.
Yann : Tu fais du théâtre…
Mohamed : Oui, je fais du théâtre. Je m’étais inscrit à la piscine mais je ne suis pas très discipliné dans les trucs, sur la durée. Puis les trucs de groupe, ce n’est plus trop ce que c’était, mais bon, je participe toujours, je suis là et j’essaye de garder la santé. C’est ça surtout. Sinon, que du bénéfique, que du positif, j’ai connu le Comité des familles où ils étaient encore… vous étiez à Laumière…
Sandra : A Jaurès.
Mohamed : Voilà, après vous avez déménagé, là j’ai fait un break parce que j’ai eu des problèmes de santé. J’ai été hospitalisé et puis entre temps, vous aviez déménagé et c’est là que, par une infirmière de l’hôpital, j’ai eu la nouvelle adresse. De là, je suis revenu pour prendre des cours d’ordinateur et puis je suis toujours là.
Sandra : Bah c’est super !
Mohamed : Pourvu que ça dure !
Yann : J’en profite pour faire un coucou et un grand merci à Christophe qui chaque semaine vient donner quelques heures pour que les personnes puissent ouvrir leur boite mail, aller sur Facebook, une petite approche sur Internet comme ça. On est vraiment dans la pensée positive du Comité des familles. Je sais faire quelque chose, je le partage avec toi. Voilà.
Mohamed : On comprend que même si ce n’est plus les mêmes personnes, parce que moi quand je vous ai vu à Laumière, c’était d’autres et là j’en vois d’autres mais les gens peuvent avoir une vie à côté ou une vie autre et sociale, ce qu’on comprend tout à fait. Et puis ça n’empêche pas que l’idée reste la même et que le combat continue.
Sandra : Yann et Christian, je vous poserai la même question tout à l’heure, mais là, on va écouter Erika.
Début de l’enregistrement.
Erika : Bonjour, je suis d’origine antillaise et je vis avec le VIH depuis 21 ans. J’ai 42 ans.
Sandra : Pourquoi selon toi le Comité des familles devrait toujours continuer d’exister ?
Erika : Parce qu’on en a besoin. On besoin d’associations qui nous soutiennent. On a besoin de rencontrer des personnes comme nous. Puis ça fait du bien au moral. On se rend compte qu’on n’est pas les seuls à être dans cette situation.
J’ai connu le Comité des familles en 2004. Je n’ai jamais osé y aller. C’est grâce à un gynécologue que je connaissais, qui m’avait donné une brochure. Et donc, je n’ai jamais osé puis en 2012, j’y ai repensé et puis je suis allée. Voilà.
Sandra : Et alors, quand t’es allée…
Erika : J’ai trouvé que c’était bien, que c’était un peu comme une famille. J’ai participé à certaines activités et puis voilà.
Sandra : Qu’est-ce que ça t’a apporté au niveau des connaissances sur le VIH ?
Erika : Je connaissais un peu mal de choses sur le VIH et en fait, quand j’ai été au Comité des familles, j’ai appris et justement j’en ai parlé à mon docteur, c’était l’avis suisse. Et donc mon docteur, elle qui est professeur et tout, donc elle m’a dit oui, c’est vrai, mais sur le bout de la langue quoi. Et c’est des années plus tard qu’elle m’a dit oui oui, vous pouvez avoir des rapports sans préservatif si votre charge virale est indétectable depuis plus de 6 mois, enfin au moins 6 mois.
Sandra : Et au Comité des familles, tu as eu la confirmation de cette nouvelle.
Erika : C’est d’abord au Comité des familles que j’ai su ça et ensuite j’en ai parlé à mon docteur.
Sandra : Qu’est-ce que tu aimerais dire à une personne qui là écoute pour la première fois l’émission, qui ne connait pas encore le Comité des familles, qui hésite à y aller, qui est seule, quel serait ton message pour cette personne ?
Erika : Qu’elle peut venir au Comité des familles. Ce n’est pas que pour les séropositifs, c’est pour tout le monde et qu’on est à l’abri de rien, voilà quoi. Même moi, je n’avais jamais pensé contracter cette maladie. Malheureusement c’est le cas. Je vis avec et je me bats avec quotidiennement.
Sandra : Et dernière question, là on est en pleine période électorale. Le Pen présidente, est-ce que tu penses que c’est possible ?
Erika : Vu le quinquennat qu’on a eu, oui, je pense que c’est possible mais j’espère que ce ne sera pas le cas. Quand j’entends parler Marine Le Pen des associations, les subventions et tout, je crois qu’elle n’est pas trop pour. Donc je pense que le Comité des familles paierait les pots cassés, enfin pas que le Comité des familles, mais d’autres associations.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : C’était Erika au micro de l’émission Vivre avec le VIH. Je suis particulièrement heureuse de l’entendre parce que c’est la première fois qu’elle participe à l’émission et en plus, elle est antillaise et on n’entend pas beaucoup d’antillais à l’émission, donc ça fait plaisir.
Yann : Ah bon tu trouves ! (rires)
Sandra : Ah bah oui ! (rires) Sérieusement, c’est un gros tabou dans la communauté antillaise le VIH.
Yann : C’est vrai, tu as raison de le souligner.
Sandra : Erika, j’espère qu’elle participera de nouveau et elle a oublié de dire, c’est aussi une maman.
Yann : Elle est aussi Grande soeur.
Sandra : Oui, Grande soeur au Comité des familles. Le projet Grandes soeur qui consiste à accompagner des futurs mamans qui apprennent leur séropositivité en cours de grossesse.
Yann : Félicitations à elle.
Sandra : Christian, comment as-tu découvert le Comité des familles, c’était quand et qu’est-ce que cela t’a apporté jusqu’à aujourd’hui ?
Christian : En fait, c’est par Aurore Mijaos…
Sandra : Une autre association.
Christian : Oui, lorsque j’étais dans toutes mes galères, au bout du suicide. Et donc Aurore m’a tendu la main et lorsqu’ils se sont rendus compte que j’aimais bien la communication et tout, ils ont pensé au Comité des familles et donc, ils m’ont rapproché du Comité des familles et je n’ai pas trouvé que le volet médiatique là-bas. J’ai trouvé là-bas des véritables soldats, des gens qui travaillent, de jour comme de nuit, et avec des moyens extrêmement limités franchement. Je me rappelle toujours, lorsqu’on m’envoie un message pour me dire il faut passer chercher des fruits, des yaourts, je me rends tout de suite compte qu’en fait, parce que le Comité des familles n’a pas de moyen, n’a rien et parfois le Comité est obligé d’aller prendre les restes des yaourts, des repas, qui sont dans d’autres structures et ces repas peuvent aider la famille, la grande famille de ce Comité. A part cet autre volet, il y a le volet social qui compte beaucoup. Il n’y a pas que les soirées séromantique qui permettent aux uns et autres de rencontrer l’âme soeur, vraiment une très belle idée, une idée mûrement et bien pensée, mais il y aussi cet autre côté, quand vous arrivez, on vous met au chaud, on vous donne du café, on vous écoute, on essaye de vous parler. Si vraiment ce Comité avait des moyens, elle se voyait loger des siens, c’est-à-dire qui sont généralement errant dans la rue. Moi, j’ai connu le Comité des familles dans ces conditions-là et j’ai aimé sincèrement, la plupart des personnes travaillent sans rien attendre. Des personnes qui sont à l’écoute des différentes pathologies et puis elle englobe des noirs, des blancs, des arabes, plein de personnes, sans discrimination. Franchement, ce Comité, comme toutes les autres associations, il faut sauver le soldat Comité. Ca fait plus d’un an aujourd’hui que je connais le Comité des familles.
Sandra : Merci Christian. Yann, même question pour toi.
Yann : C’est une amie qui m’a amené au Comité des familles, qui m’avait appelé. On se parlait de temps en temps au téléphone et il n’y avait plus vraiment d’associations où je m’épanouissais. La dernière ça a été une structure de AIDES qui s’appelait Arc-en-ciel. J’y passais très peu de temps mais j’y allais un mercredi midi faire à manger, tu sais comme j’aime la bouffe. Faire à manger pour toutes ces personnes bigarrées, mélangées, comme j’aimais. Et ensuite cette structure a fermé. J’ai quitté le milieu associatif et 2 ans après, mon ami Nadia m’interpelle en me disait : “écoute, j’ai rencontré une association, je pense qu’elle va te plaire et qu’elle te ressemble”.
Sandra : D’accord. Et tu es toujours là depuis.
Yann : Je suis toujours là, j’ai fait, comme tu connais le parcours, 7 années de militantisme. Maintenant je suis salarié depuis plus d’un an. Je n’ai pas perdu cette niak.
Sandra : Oui, et tu es toujours militant. Salarié mais toujours militant et ça, ça fait plaisir à voir.
Christian : J’ai souri quand tu as parlé de bouffe, parce que Sandra m’a titillé la dernière fois lorsqu’elle a ouvert le sujet de bouffe, avec la diététicienne qui était là pour parler de bouffe, elle a dit : “On va parler du sujet que Christian aime”. Donc, je ne suis pas le seul (rires).
Sandra : Non, tu n’es pas le seul (rires). Mais comme Yann n’était pas là, c’est pour ça.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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