Sandra : Je vous propose de faire comme si que c’était vous, André, Christian et Mohamed qui témoignez face aux lycéens. Pendant les séances de témoignages, une fois que les personnes ont témoigné, il y a un moment de questions-réponses. Les élèves posent des questions. Certains sont timides et vont les écrire et puis les questions on les lit et ça reste anonyme. Il y en a qui osent lever la main et poser les questions devant tout le monde. Je vais vous poser une question, vous allez me donner votre réponse et ensuite on écoutera qu’on donné Yann, John et Gustave.
Une question que les élèves ont posée, est-ce que le fait de mettre un préservatif, est-ce que ça change la sensation pendant l’acte ? Votre avis sur la question ?
Christian : Mais oui ! Mais effectivement ! Quand tu le mets, tu ne ressens plus vraiment la sensation qu’il faut. Tu ne ressens plus rien. Et puis, le préservatif chez certaines personnes ça fait durer l’acte sexuel énormément donc une relation, selon les grands scientifiques, qui doit faire environ entre 7 minutes et 10 minutes, quelqu’un qui met un préservatif, lui il peut faire même 2h de temps sur la femme. Oui ! Je parle de…
André : Moi, je n’y arrive pas. Une fois avec une fille, on est resté ensemble 3 semaines, jamais j’ai réussi à jouir. Je n’arrivais pas.
Christian : Voilà !
André : J’avais une érection mais je n’arrivais pas. Je ne ressentais pas la lubrification de la femme. Je n’arrivais pas.
Christian : Je vais finir pour dire que le préservatif a un très grand impact sur beaucoup de personnes. Vraiment, chez les hommes, un très grand impact. Pourtant, quand il n’y a pas de préservatif, il y a un très grand plaisir, le goût est là et ça va vraiment vite.
Mohamed : Je sais qu’il y a des gens qui sont réticents par rapport au préservatif et qui préfèrent faire l’acte sexuel sans. Mais maintenant, pour des raisons de prévention, je conseille à tout le monde de se protéger.
Sandra : Bah oui ! Qu’est-ce qui est le mieux ? Mettre le préservatif ou vivre avec le VIH ?
Christian : Ce qui est mieux, c’est de se rassurer que puisque moi, ma charge virale est indétectable, si mon partenaire d’en face n’a aucune autre maladie, n’a pas de maladie vénérienne et autre, je peux aller au contact.
Sandra : Si tu as une relation sexuelle occasionnelle, là, tu vas mettre le préservatif.
Christian : Immédiatement.
Sandra : Voilà, on est d’accord. Je vous propose d’écouter la réponse de Yann.
Début de l’enregistrement.
Yann : Pour le garçon, je trouve que le préservatif, pour certains garçons, il faut le temps de s’habituer, ce n’est pas confortable franchement. Mais, je dis toujours, dans ce cas-là, aller entre copains, il y a une boutique à mourir de rire qui s’appelle “Le roi de la capote” qui est au métro Oberkampf sur Paris. Le type, il est passionné par ce qu’il fait. Donc d’un seul coup, la capote vous allez la voir de manière très différente. Il y en a des musicales (rires), de toutes les couleurs, il y en a, quand on connait le goût qu’aime sa copine on peut en prendre à la pistache (rires). C’est important ce que je vous dis. Donc, “Le roi de la capote” c’est en face du Bataclan au métro Oberkampf. Et, pour la fille, avec les nouveaux préservatifs qui sortent maintenant, même pour l’homme, la matière est tellement fine qu’on est presque du peau à peau si tu veux. Donc tu ne perdras pas de sensibilité, de sensation.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Je suis plutôt de l’avis de Yann. Ce n’est pas parce qu’on met un préservatif qu’on ne peut pas s’éclater au lit. Entre avoir une IST et perdre peut-être une petite sensation de plaisir, franchement, le choix est vite fait non ?
Christian : Mais ici, c’est parce que les choses sont vraiment très bien faites en Europe. Je connais “Le roi de la capote”. Tu trouves aussi, il a oublié de mentionner, des préservatifs selon les dimensions de ton pénis. Nous, en Afrique, avec les préservatifs qu’on vend un peu partout, même en pharmacie, on ne te donne pas un préservatif à ta mesure. Parfois, on a des préservatifs qui nous serre beaucoup le pénis, c’est comme si que ça va te couper la veine du pénis. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas bien informés, qu’il faut choisir le bon, le type de préservatif selon la grosseur de ton pénis, pour pouvoir ne serait-ce que trouver franchement du plaisir lors de l’acte sexuel.
Sandra : Voilà André, faut que tu ailles chez “Le roi de la capote”. Tu trouveras des préservatifs extra-fins ! Non, André ? Tu n’es pas convaincu ?
André : Non. Même qu’il soit extra-fin, on ne va jamais sentir…
Sandra : Aller, André ! (rires)
André : Même extra-fin, on ne sent pas, il y a toujours quelque chose. Faut trouver un autre moyen. Ce n’est pas naturel.
Sandra : Bah oui mais bon, c’est comme ça.
Mohamed : Il cherche lui, il cherche. C’est pour ça, j’ai bien aimé les paroles de Yann, quand il disait qu’il y avait aussi le préservatif féminin. Celui, ils sont en train d’essayer de faire des options plus pratiques pour que les deux partenaires réussissent à prendre du plaisir, sans qu’ils pensent au préservatif. Je trouve que c’est une bonne avancée.
André : Il y a la PrEP.
Sandra : Les élèves ont demandé comment vit-on psychologiquement avec le VIH ? Je vous laisse répondre à tour de rôle.
Mohamed : Au début, ce n’est pas facile. Quand on apprend ça, c’est sûr que c’est dur de vivre avec. Surtout, moi, quand je l’ai appris, c’était au début de l’épidémie. Mais après avec le temps, on s’y fait, on s’adapte et puis on apprend à vivre avec.
Christian : Oui, surtout de se rendre compte qu’on est condamné, parce qu’au début, c’est la sensation qu’on a. Quand tu sais que tu es séropositif, tu te dis que tu es condamnée, tu vas trépasser. Et plus le temps passe, plus tu es là, tu survis, tu combats. Tu te rends compte qu’en fait, la seule chose qui te maintient encore en vie et qui te donne tout le grand espoir c’est le médicament que tu prends. Par exemple, lorsque je l’avais eu, je n’ai pas hésité d’en parler à toutes mes soeurs de la famille et parmi ces différentes personnes, il y en a qui toujours t’encourage, te tiennent la main et te demandent de continuer à prendre ton médicament sans relâche. Et c’est là où tu comprends qu’en fait, un an passe, deux, trois, dix ans passent, tu es toujours debout et tu vis avec. Avec beaucoup de courage.
André : Au début aussi, quand je l’ai appris, c’était en 1999. Je croyais que j’allais mourir. J’ai eu la chance qu’il y avait la trithérapie. Maintenant, je me suis habitué. Il vit en moi, c’est comme si qu’il faisait partie de moi. Il est là mais je n’y pense même pas. A force, je me suis habitué depuis 1999.
Sandra : Je vous propose d’écouter la réponse de Gustave, Yann et John.
Début de l’enregistrement.
Gustave : Psychologiquement, oui et non. Ca dépend de la personnalité de tout à chacun. Il y a des gens qui sont très sensibles et d’autres moins sensibles. Il y a des gens qui vivent dans des familles très ouvertes, très tolérantes. Il n’y a pas une réponse pour tout le monde. Tout dépend de tout à chacun. En ce qui me concerne personnellement, lorsque j’ai appris ma séropositivité, je me devais de garder le secret par rapport à mon entourage, par rapport à ma petite soeur qui était mourante. Ma mère était chez moi et elle s’occupait de cette petite soeur. D’apprendre que moi, qui suis le support de la famille, je suis aussi séropositif, donc certainement je vais suivre le même sort, ça allait la casser complètement. Et ça allait précipiter le décès de ma petite soeur. Elle est finalement décédée. Ma mère n’a pas appris ma séropositivité très tôt. Mon milieu n’a pas appris très tôt. D’une certaine manière, j’ai été couvert par celle qui était malade, que tout le monde voyait malade et que tout le monde a vu mourir. D’une certaine manière, j’ai été couvert par elle. Mais je l’ai soutenue de toutes mes forces, avec tous mes moyens, etc. Après son décès, j’ai continué mon combat. Après son décès, j’ai annoncé que j’étais séropositif. Beaucoup ne m’ont pas cru. Plein de gens m’ont dit, “toi, tu racontes ta vie, on sait que c’est à cause de ta petite soeur, tu n’es pas séropositif, toi, on te connait, tu travailles ici depuis combien d’années, etc”. J’ai été enseignant, je suis géographe de formation. J’ai été prof d’histoire et de géographie pendant 12 ans. Avant de rentrer dans l’urbanisme, j’ai été géographe, pendant 13 ans. Donc, mes anciens élèves “non, toi on te connait, tu es sage, tu es sérieux”. Il y en a même qui sont allés jusqu’à me dire “tu dis ça pour que les ONG te sponsorisent” (rires). Après, il n’y a pas non plus à crier ça sur tous les toits, ce n’est pas un drapeau, ce n’est pas mon identité. Je suis Gustave et puis je fais ce que j’ai à faire, point barre. Si quelqu’un croit, il croit. S’il ne croit pas, il ne croit pas…
Yann : Autrement, ce qu’on voit beaucoup à l’association c’est des gros problèmes psychologiques. Pourquoi ? Parce que dès l’annonce, pour les femmes, la plupart du temps, comme pour les garçons, mais en grande partie pour les femmes, il faut se réapproprier l’estime de soi. La libido, à l’annonce, elle est en berne totalement. On se projette plus dans une histoire d’amour ni dans un plan d’un soir. On est pris par ça. Ca y est, je suis plombé, je croyais que ça n’arrivait qu’aux autres, qu’est-ce que j’ai fait comme conneries ? Parce qu’il y a la culpabilité aussi. Comment attraper ça en 2017 alors que j’ai tous les moyens de ne pas le choper !? J’ai les préventions, la télé qui me bassinent. On sait tous comment on fait pour ne pas le choper, au moins, on sait qu’il faut mettre un préservatif. On ne parle pas d’aller se faire dépister parce que ça, c’est encore une démarche encore plus citoyenne, intelligente, adulte. Mais en tout cas, chaque personne en 2017 peut passer à côté.
John : En tout cas, j’ai vécu ma maladie au début pratiquement très difficilement. Et même après, j’ai eu ma deuxième relation long terme, j’étais avec quelqu’un pendant 18 ans. Après, on s’est séparé, c’était très difficile pour moi d’entrer dans une autre relation, parce que, le fait d’être VIH, c’était compliqué. Tu ne veux pas entrer dans une relation avec quelqu’un sans lui dire et c’était très difficile de le dire. Difficile, pendant des années, jusqu’à ce que je rencontre le Comité des familles.
Yann : On avait une membre qui nous a donné un bon tuyau. Elle avait dit, moi je le dis systématiquement aux premières rencontres. Quand je sens que le gars me drague un peu, je lui dis “je te préviens tout de suite, je suis séropositive”. On lui avait dit, “bah t’es courageuse, d’entrée comme ça”. “Oui, c’est un vrai filtre à cons”. Comme ça, celui qui me rejette, je n’ai pas perdu mon temps avec cette saloperie. (rires)
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Voilà les réactions, de Yann, Gustave et John face à cette question “comment on fait pour vivre avec le VIH psychologiquement”. Comme a dit Gustave en premier, il n’y a pas de réponse type, chacun est différent. Vous-même, vous avez donné votre témoignage, donc je pense que vous n’avez pas d’autre chose à rajouter. On va passer à une autre question. Parmi vous, personne n’a d’enfant ?
Christian : Mais oui, moi j’ai deux enfants.
Sandra : Sérieux ? Mais tu ne l’as jamais dit. Je ne savais pas que tu étais un papa ! Du coup, je la pose à toi la question. “Comment vivent vos enfants avec votre VIH ?”
Christian : Ma première fille que j’ai eu, j’étais encore à l’université. Le VIH, comme j’ai toujours rejeté ça et tout, elle n’a jamais su, je ne lui ai jamais rien dit. Mon deuxième fils, je l’ai avec une séropo aussi et, l’enfant est né, sain et sauf, il se porte très bien. Je ne lui ai rien dit. Moi, je n’ai rien dit à mes enfants et donc, je ne sais pas s’ils ont déjà eu vent de ça, des rumeurs et tout, mais, ils voient leur papa comme ils l’ont toujours vu, quand je cause avec eux au téléphone, chacun me donnent son rapport. Mais je ne pense pas qu’ils se doutent de quelque chose. Sauf si, peut-être, qu’on leur a soufflé ça et qu’ils me le cachent.
Sandra : Je vous propose d’écouter la réponse des 3 témoignants et on en discute après.
Début de l’enregistrement.
Yann : Lolita avait 5 ou 6 ans quand elle m’a posé première fois la question, parce qu’à l’époque, on avait une quantité impressionnante de médicaments. Donc elle m’a dit “mais papa, c’est quoi ce que tu prends ?”. Je me rappelle, sur le coup je lui ai dit, “j’ai une petite maladie dans le sang, tant que je prends ça, tout va bien”. 2 jours après, pris en culpabilité, il a fallu que j’appelle un pédopsychiatre, parce que je me suis dit, est-ce que je lui ai bien répondu. Bon, c’est vrai que le fait de ne pas se cacher, déjà, l’enfant est, ce n’est pas comme si d’un seul coup, tu regardes si ton gosse te regarde quand tu vas dans la pharmacie. Moi, je pars toujours du principe que les enfants savent les choses bien avant qu’on se l’imagine. Donc, j’avais pu dire ça à ma fille. Le pédopsychiatre m’a dit “vous avez très bien répondu, elle reviendra à un certain âge”. Et effectivement, quand il y a eu le CRIPS qui est passé, quand elle a dû faire la 6ème, 5ème, le CRIPS, ils viennent avec les godes, pour montrer comment on met des capotes et tout ça, là, elle était revenue sur des questions. Et donc là, j’avais fait des petits schémas. Sa mère aussi lui avait expliqué. Quand j’ai fait une tuberculose, où j’ai perdu 14 kilos en 1 mois, c’était en 2000, Lolita avait 10 ans, et là, pour la première fois, elle a pris conscience que cette maladie pouvait faire disparaître son père. Donc là, il a fallu que je la rassure un peu. C’était difficile parce que physiquement je n’étais plus le grand gaillard qu’elle avait l’habitude de voir. En tout cas, ça reste maintenant quelqu’un qui milite et qui est au courant de tout.
Gustave : En ce qui me concerne, il n’y a pas grand-chose. Il faut dire qu’à la base, je suis issue d’une famille relativement évoluée. Mon père était infirmier, ma mère était infirmière. En Afrique, un fonctionnaire quand même, ça a un certain niveau. Comme je vous l’ai dit, j’étais professeur. Mes enfants ont quand même, voilà, on est d’un milieu, j’allais dire, un peu plus ouvert. Aujourd’hui ma fille aînée, son mari, c’est un pharmacien. Il court de campagne en campagne, il fait les trucs de santé, etc. Ca fait que ce n’est pas plus extraordinaire que ça. C’est une information comme une autre. Ma deuxième fille, c’est le dernier de ses soucis, c’est l’argent qui l’intéresse (rires). Chacun a son truc. Celle qui m’a dit que j’étais malade de vouloir la faire venir ici, elle fait sa vie là-bas, parce que moi j’ai construit une grande maison, elle est à l’aise, etc. C’est vraiment…
Yann : Une très grande maison dans laquelle vous êtes tous invités ! (rires).
John : Mes enfants ont grandi en Bretagne, autour de Rennes. C’est le genre à gauche ou très loin à gauche, sur les mentalités, ouverts. Aucun problème avec mes enfants.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Voilà, Gustave, Yann et John qui ont répondu à la question “comment vivent vos enfants avec votre VIH”. Christian, est-ce qu’en entendant ces témoignages, tu te dis, peut-être qu’il serait temps que j’en parle à mes enfants ou pas ?
Christian : Sincèrement, je me mets un peu à la place de mes enfants. Je ne veux pas les fragiliser avec ça. Je les laisse encore. Ils sont tout petits.
Sandra : Ils ont quel âge ?
Christian : Mon fils a 7 ans. Je me dis que peut-être un de ces quatre, ça ne me dérangerait pas d’en parler avec eux. Mais je souhaite vraiment qu’ils aient une certaine maturité pour leur parler de ça, parce que je me mets à leur place. En Afrique, on parle très mal du VIH. “Papa va mourir”. S’ils apprennent ça comme ça, qu’ils restent dans cet état d’esprit, ils ne seront pas à l’aise. J’essaye de ne pas les fragiliser, je laisse le temps et on verra.
Sandra : Ok. Quand il y aura du changement, tu viendras nous en parler.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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