Pour éliminer la pandémie de VIH en 2030, l’Onusida vise un objectif de “95-95-95” pour 2025. Ce qu’on appelle la “cascade de soins” vise à obtenir 95% des personnes infectées par le VIH connaissant leur statut, 95% des personnes diagnostiquées sous ARV, et 95% des personnes sous ARV connaissant le succès thérapeutique.
Aux dernières estimations disponibles pour 2018, en France le premier “95” était à 86% (voir le travail de l’ECDC). La situation plus récente n’est pas connue et a pu évoluer sous l’effet de la PrEP parmi les HSH alors que d’autres facteurs peuvent au contraire détériorer la situation, voire retarder l’accès au diagnostic, notamment la précarité et l’insécurité administrative croissantes des migrants. Après une hausse en 2019, le dépistage a fortement baissé en 2020, il a repris en 2021 sans retrouver le niveau d’avant la crise sanitaire (voir BSP,2022, réf. 2). Il est donc possible que ce premier 95 ne soit pas atteint.
L’article paru dans Clinical Infectious Diseases s’intéresse aux autres pas de la cascade et met en évidence, par une approche longitudinale, une réduction des durées d’un pas à l’autre sur dix ans. Ces durées sont des marqueurs significatifs des progrès dans la prise en charge et les traitements, qui n’apparaissent pas que lorsqu’on regarde seulement les proportions de personnes traitées ou indétectables à une date donnée.
L’étude se fonde sur la cohorte Dat’AIDS dans 29 centres en France, répartis dans 17 régions. Elle est réalisée en considérant les patients nouvellement pris en charge au cours du temps répartis en quatre cohortes : 2009-11, 2012-14, 2015-17, 2018-2019 avec une date de point au 31 décembre 2021, soit près de 17 000 patients. Les durées sont calculées entre diagnostic et prise en charge, entre prise en charge et début du traitement, traitement et charge virale inférieure à 200 copies/ml (ceci en considérant le seuil classiquement retenu pour prévenir la transmission du virus).
Le temps médian entre le diagnostic et la prise en charge est passé de 13 jours (IIQ 3-42) pour la cohorte 2009-2011 à 6 jours (IIQ 0-14) pour la dernière ; le temps à l’initiation du traitement de 67 jours (IIQ 17-414) à 20 jours (IIQ 10-39) et la première charge virale sous 200 copies/mL a baissé de 83 jours (IIQ 35-130) à 38 jours (IIQ 28-90) ; 91% des patients avaient encore une charge virale contrôlée un an plus tard.
Temps de transition du diagnostic du VIH jusqu’à la mise en relation avec les soins (panel A), depuis la mise en relation avec les soins jusqu’à l’initiation du traitement (panel B) et de l’initiation du traitement au contrôle virologique (panel C)
Pour l’initiation du traitement, les durées observées entre prise en charge et traitement sont fortement dépendantes des recommandations, avec un écart important entre les générations successives de nouveaux patients jusqu’en 2014, quand est institué le traitement immédiat.
On sait les différences dans la précocité ou le retard au diagnostic selon les groupes. Avant la mise en place du traitement immédiat, les hommes et femmes hétérosexuels, nés en France ou à l’étranger principalement, étaient traités plus vite en raison de leur maladie plus avancée au diagnostic.
Sur la période de dix ans, le délai total entre le diagnostic et la charge virale contrôlée est réduit de 254 jours (IIQ 127-745) pour les patients diagnostiqués en 2009-11 à 73 jours (IIQ 48-132) pour les patients de la cohorte 2018-2019 ; cette réduction tient à la fois aux recommandations et aux progrès thérapeutiques au fil des années avec des traitements plus efficaces et mieux tolérés.
Cette réduction des délais augmente potentiellement l’effet préventif du traitement. Dans une étude comparable menée en Australie, Callander et al. ont estimé qu’une augmentation d’un point de la proportion de patients avec une charge virale contrôlée se traduit par 6 points d’incidence de nouvelles infections en moins.
En maintenant une bonne qualité de prise en charge pour toutes les personnes testées positives, et sans toucher à l’accès aux soins des étrangers sans droit au séjour, c’est donc sur les autres instruments de la prévention combinée, dépistage et PrEP que doivent simultanément se concentrer les efforts.
Références:
Cuzin L, Morisot A, Allavena C, Lert F, Pugliese P; Dat’AIDS Study Group. Drastic reduction in time to controlled viral load in people with HIV in France (2009-2019): a longitudinal cohort study. Clin Infect Dis. 2023 Sep 4:ciad530. doi: 10.1093/cid/ciad530. Epub ahead of print. PMID: 37665056
ECDC https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/continuum-hiv-care-monitoring-implementation-dublin-declaration-partnership-fight
Bulletin de santé publique. Édition nationale, décembre 2022, Surveillance du VIH et des IST Santé publique France
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