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14.04.2021

Témoignage de la vie avec le VIH : Anne

En 2017 nous sommes partis à St Quentin-les-Yvelines dans une fac de médecine pour témoigner de la vie avec le VIH.
Nous vous proposons à nouveau le témoignage d’Anne, membre du Comité des familles qui nous a quittés récemment.

Nous voulons la remercier et lui rendre hommage.
Merci Anne.

J’ai connu ma séropositivité en 1986.

Cela n’était pas une découverte puisque compagne de défonce connaissait la sienne depuis quelques mois. Lorsque mon médecin m’a dit que j’étais effectivement séropositive, ma première réaction fut de pleurer, pleurer, pleurer. Moi aussi, je n’avais plus d’avenir. Un gros nuage gris pesait sur mes épaules. Je me disais que sûrement j’allais mourir précocement, toute amaigrie, au fond d’une chambre d’hôpital. Je faisais désormais partie de la population des pestiférés, des mécréants, des maudits.

A l’époque, je vivais avec un garçon qui était très amoureux de moi et qui débutait sa carrière d’éducateur spécialisé. Il m’a beaucoup épaulée, rassurée, calmée, aimée. Puis nous avons utilisé ses premiers préservatifs.

Ma première prise de sang à l’hôpital Necker était assez impressionnante,

une vingtaine de tubes qui se remplissaient de mon sang pourri, mais le pire c’était la tête de “trompe de mort” de mon médecin spécialisé. Il avait l’air épuisé, abattu, complètement désabusé. Il ne m’a pas prescrit d’ordonnance mais j’étais prélevé tous les 2 mois pour analyse afin de suivre la progression face à l’intervention du virus du sida dans mon sang. J’étais stable, sans que ma santé soit dégradée. J’étais un peu débarrassée du sentiment d’urgence. Puis le service du docteur Vitecock a été transféré à Villejuif. Alors je l’ai suivi à l’hôpital Paul Brousse ou j’ai atterri dans un vrai service spécial VIH. J’ai été accueillie par des infirmières très prévenantes et souriantes. Elles étaient agréables, vraiment aux “petits soins”. Mais c’est aussi dans ce service que j’ai côtoyé et vu d’autres patients qui étaient vraiment en lutte contre le sida. Je me faisais toujours suivre mais j’avais l’impression que je passerai à côté du sida puisque je n’avais aucun traitement particulier à prendre.

Le temps passait et moi j’étais toujours en pleine forme. En mon for intérieur, j’osai me dire que j’étais une exception, que le sida ne passerait pas par moi.

En 1992, je me suis retrouvée enceinte.

Malgré les mises en garde, le risque que je prenais pour le foetus, j’ai décidé d’aller jusqu’au bout. C’est seulement trois mois avant mon accouchement que j’ai pris de l’AZT qui était à l’époque pratiquement le seul médicament. Mais cette prévention observée pour le bébé a été bénéfique puisque j’ai su lorsque mon fils avait 6 mois, qu’il était séronégatif. Quelle joie, quel soulagement de savoir que mon petit bonhomme était passé au travers et qu’il allait pouvoir avoir une vie normale. Loin de la menace du sida.

Malgré la grande révolution qu’avait faite dans ma vie, l’arrivé de mon fils, j’allais toujours à Villejuif me faire prélever un peu de sang. Puis j’ai commencé un traitement absolument infâme contre l’hépatite C. J’ai tenu 5 mois à me faire mes 3 injections hebdomadaires mais j’ai jeté l’éponge. Autour de moi, l’hécatombe parmi mes proches battait son plein. A l’heure actuelle, je suis l’unique survivant d’une petite bande de junky.

En 1995, je suis devenue chauffeur de taxi parisien.

J’adorai mon boulot, conduire dans Paris la nuit, vidé de son trafic, était vraiment plaisant. Et là, je dois dire que j’ai complètement arrêté mes visites à l’hôpital. Mais j’ai fini par être rattrapée par le virus en juin 2000 ! Au début, je me sentais fatiguée, je me disais que je travaillais trop et que je faisais peut-être une dépression nerveuse. Heureusement, après l’intervention d’un médecin appelé à domicile par ma soeur, j’ai tout de suite été envoyée à l’hôpital Avicennes où je suis tombée inconsciente pendant une semaine. Le sida passait à l’action après un long sommeil de 14 ans. Si je n’avais pas arrêté mes visites à Paul Brousse, certainement que je ne serai pas tombée si bas. Mon cerveau a été le premier attaqué et j’ai grillé pas mal de neurones. 6 mois d’hôpital où une dynamique équipe médicale m’a bien redressée, 3 semaines de maison de repos à Briançon et hop, j’étais de retour parmi mes meubles. J’étais dans un état total apathie. Sans force, molle, toute brisée, un peu comme une grosse larve.

J’essayais de manger mais systématiquement je régurgitais.

De marcher mais j’avais toujours besoin de m’appuyer sur un mur, mon équilibre était plus que précaire. J’essayais de parler mais je butais sur les mots. Je n’arrivais plus à chanter juste. J’avais même perdu mes rêves et actuellement ce n’est qu’exceptionnellement que je me souviens d’avoir rêvé. Mais après 2 stages de redynamisation d’art thérapie pour les personnes séropositives, je suis repartie bien bancale dans ma vie.

En 2005, je suis redevenue chauffeur de taxi, mais Paris avait été redessiné par le maire Delanoë, il y avait de plus en plus de sournois radars et la venue du GPS a complètement modifié le comportement des chauffeurs de taxi. Peu à peu la corporation m’a tellement dégoutée que j’ai démissionné en 2009. Et maintenant, je me laisse conduire telle une cliente. C’est tellement plus agréable de se laisser trimballer.

Depuis le jour où j’avais atterri à Avicennes vêtu d’une petite culotte et entortillée dans un paréo, je n’ai jamais sauté un seul rendez-vous médical.

Et maintenant, je peux dire que j’aime ma vie malgré les séquelles que j’ai gardées au niveau de l’équilibre.

Je ne peux toujours pas remonter sur un vélo sans tomber, que je tourne à droite ou à gauche, je ne peux pas attaquer un escalier sens m’accrocher à la rampe, les muscles de mes jambes ont complètement fondus ce qui me donne ce rythme de tortue lorsque je marche. Mais qu’importe, je savoure la vie, je prends le temps de vivre, je ne me laisse pas emmerder par le temps qui te fait courir, j’observe la nature qui malgré tout s’épanouit à chaque printemps. Je suis en adoration devant le moindre rayon de soleil. Depuis plus de 16 ans, je n’oublie jamais de prendre mes 2 comprimés qui ont rendu ma charge virale indétectable grâce à la trithérapie. Et vive la trithérapie qui a redonné un avenir à tous les rescapés du sida.

Applaudissements.

Réaction d’une étudiante : Juste vous féliciter tous les 3 parce que vous avez une vision de la vie qui est incroyablement belle. Vous transmettez des ondes positives.

Anne : Heureusement qu’on est positif quoi, enfin bon… on est rescapé quoi. Moi, je suis vraiment une rescapée du sida et donc, ça y est maintenant j’arrive à nouveau à marcher…

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