Sandra : On va parler de la vie affective et sexuelle des personnes séropositives avec David Friboulet, que je vous propose d’écouter dans quelques instants. Il travaille dans un institut qui s’appelle l’institut Fournier. On va l’écouter tout de suite, il va nous décrire un peu qu’est-ce que c’est cet institut.
David Friboulet : C’est un centre de santé pour tout le monde mais c’est aussi un centre pour s’occuper de la santé sexuelle de tout le monde, quelque soit le statut sérologique et au sein de l’institut Fournier, il y a dans la polyclinique une prise en charge particulière pour les personnes vivant avec le VIH, avec 4 médecins spécialisés dans le VIH qui suivent environ globalement plus de 1400 personnes, un programme d’éducation thérapeutique et à côté de ça, un CDAG et un CIDDIST pour les personnes qui sont amenées à faire des suivis en santé sexuelle. Plus un laboratoire qui permet d’avoir une prise en charge assez globale, une prise en charge qui permet sur le même endroit d’avoir éventuellement son généraliste, d’avoir éventuellement son infectiologue, de faire son bilan, d’avoir un suivi gynécologique ou pour les hommes d’avoir un suivi andrologique, qui est l’équivalent du gynécologue pour les femmes.
Mon rôle à l’institut Fournier c’est de coordonner et d’animer le programme d’éducation thérapeutique qui est ouvert aux personnes vivant avec le VIH à leurs partenaires et à leurs proches éventuellement donc c’est un rôle qui est un rôle d’organisation mais aussi d’animation.
Dans ce programme il y a deux portes d’entrée. Il y a une porte d’entrée où on peut être accompagné environ pendant une dizaine de séances en consultation individuelle, en échange avec moi. Il y a une autre porte d’entrée qui est, deux fois par an, des cycles d’atelier collectifs dans lequel se réunissent deux types de groupe de personnes, des groupes de personnes d’orientation hétérosexuelle et des groupes de personnes d’orientation homosexuelle. Cette distinction est en fait pour faciliter la parole et que les gens se sentent plus à l’aise pour aborder la question de la sexualité, de la rencontre, des modes de rencontre, des modes de rapports sexuels. Donc mon rôle c’est celui-ci, c’est aussi d’animer un petit peu les offres de service un peu satellites mais très importantes qu’on a essayé de développer dans ce programme d’éducation thérapeutique par exemple, pour des personnes qui n’ont pas été touchées depuis longtemps ou qui ont des douleurs, des séances de touchés, massages thérapeutiques avec une infirmière diplômée, c’est aussi de travailler avec les coanimateurs qui sont des patients ressources et ces patients ressources sont salariés de l’institut, leurs compétences sont reconnues et on travaille régulièrement pour préparer les ateliers avec eux. L’autre élément aussi c’est de pouvoir faire connaître le programme à l’extérieur donc faire un peu un travail de réseau, d’échange, interassociatif et d’essayer de promouvoir la spécificité du programme par rapport aux autres programmes d’éducation thérapeutique qui existe en Ile-de-France et sur le territoire de l’institut c’est-à-dire essayer de présenter la complémentarité qui existe entre ce programme et d’autres programmes d’éducation thérapeutique.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : David Friboulet au micro de l’émission de radio Vivre avec le VIH. Est-ce que vous connaissiez l’institut Fournier Rosita et Wilson ?
Rosita : Non, pas du tout.
Wilson : Non, je ne connais pas mais les acteurs de cet institut je les ai déjà rencontrés, il n’y a pas longtemps. Je les ai rencontrés au Comité des familles. David Friboulet qui était venu pour un atelier, nous sommes restés très tard à discuter de sujets divers et variés en fait. Après maintenant, le local lui-même, les actions dans leurs locaux, moi je n’ai jamais assisté.
Sandra : Là, je vous propose de l’écouter à nouveau, il va nous dire pourquoi ils ont choisi de faire l’ETP, donc l’éducation thérapeutique aux patients, sur le thème de la vie affective et sexuelle.
Début de l’enregistrement.
David Friboulet : Le VIH est un virus qui se transmet sexuellement et donc qui a un impact premier sur la vie sexuelle, sur la perception de la vie sexuelle, sur la relation à l’autre dans la vie sexuelle, dans la vie affective, que beaucoup de programmes d’éducation thérapeutique sont très bien faits, je dirai sur le volet de l’appropriation de la pathologie quand il y a une annonce de faite, quand on rentre sous traitement. L’éducation thérapeutique historiquement vient de consultation d’observance donc centrer sur le médicament et comment au mieux prendre le médicament pour le soin de soi, de sa santé, mais que le champ de la vie affective et sexuelle est un sujet difficile à ouvrir et je pense qu’il fallait dédier des espaces et qu’il faudrait en dédier plus. Les états généraux en Ile-de-France des personnes vivant avec le VIH ont bien pointé la priorité pour eux de s’intéresser à la vie sexuelle et pas seulement d’un point de vue médical. Vraiment pouvoir de parler de ce qu’ils ressentent, de leur peur, de leur crainte, de leur difficulté, de leur envie. Mais ça n’empêche pas aussi dans ce programme d’avoir des séances autour éventuellement de comment fonctionnent les médicaments, quels sont les différents types de molécules, comment ils agissent sur la réplication du virus si la personne veut savoir, comment éventuellement lire son bilan, comment apprendre à poser une question à un médecin, pouvoir parler sexualité avec un médecin, s’autoriser. Le but aussi c’est que la parole autour de la sexualité soit plus fluide. Les personnes qui viennent ici, soit des personnes qui sont suivies à Fournier par des médecins ici, soit des personnes à l’extérieur qui viennent soit d’association, soit qui sont envoyés par d’autres médecins. Si les personnes sont d’accord, il peut avoir un dialogue entre leurs médecins et moi-même. Le programme est ouvert à tout le monde, hommes, femmes, hétéros, homosexuels, trans, de toutes origines. Après on s’adapte et en fonction je dirai du parcours de la personne, il y a des gens qui ne savent pas écrire, bah on travaille autrement que pouvoir lire des études ou lire des documents, on fait des dessins, on parle et puis des personnes qui veulent des études, on va de manière un petit peu plus poussée, dans les informations, on s’adapte mais c’est vraiment ouvert à tout le monde. Et alors c’est ouvert aussi au partenaire avec l’accord bien sûr de la personne vivant avec le VIH et c’est ouvert éventuellement aussi aux proches, c’est-à-dire quelqu’un qui recevrait l’annonce par exemple d’une séropositivité, ou qui aurait besoin d’être rassuré sur une maman par rapport à son enfant, une soeur par rapport à son frère, un frère par rapport à sa soeur, leur place est tout à fait aussi dans le programme si ces personnes le souhaitent.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : David Friboulet au micro de l’émission de radio Vivre avec le VIH. Alors, Rosita et Wilson, est-ce que ça vous intéresserait de faire partie de ce programme d’éducation thérapeutique, spécialisé sur la vie affective et sexuelle ?
Rosita : Personnellement je trouve que c’est très intéressant parce que parler de la vie affective, surtout pour des personnes comme nous concernées, je pense que beaucoup de gens concernés ne le savent pas, ne sont pas informés.
Sandra : Ne savent pas quoi ?
Rosita : Qu’il y a un centre où on peut s’occuper justement des personnes qui vivent avec le VIH et qui ont des problèmes affectifs. Moi, je fréquente pas mal d’associations et il y a des femmes qui se plaignent énormément parce qu’elles n’ont pas une vie affective, vraiment elles aimeraient bien, parce qu’elles souffrent énormément de ces problèmes parce qu’elles prennent beaucoup de traitements, de médicaments et que ça détruit un peu leur façon d’agir ou de réagir sexuellement. Du coup je pense que ce serait très bien que nous soyons d’abord, enfin moi personnellement informés, pour informer aussi les autres à pouvoir se rendre à l’institut Fournier.
Sandra : D’ailleurs, si vous voulez les contacts, là j’ai oublié de les prendre avec moi, mais n’hésitez pas à nous appeler au Comité des familles au 01 40 40 90 25, vous laissez un message sur le site comitedesfamilles.net et puis on vous transmettra volontiers les coordonnées de David Friboulet.
Rosita : Merci.
Sandra : Wilson, tu as quelque chose à rajouter ?
Wilson : En fait, je connais des personnes qui sont touchées en fait, moi je ne vois pas trop, je n’entends pas trop la priorité à ce thème-là, la priorité à cette inquiétude-là sur des problèmes liés à la sexualité, au côté affectif, aux médicaments, aux molécules. Certes, ça peut exister mais moi je n’entends pas parler. Alors ok, je loue le bien fondé des actions, des ateliers de l’institut Fournier qui permet de trouver pour les personnes touchées le moyen de l’épanouissement de ces personnes-là, affectives, et tout mais moi je pense plutôt que la solution aux problèmes affectifs et sexuels, moi je pense que c’est de trouver quelqu’un. C’est tout. Il n’y a pas autre chose, il n’y a pas à en parler pendant des heures. Je pense que, là-dedans, ils devraient faire plutôt des ateliers rencontres, discuter, rencontrer des personnes. Pour moi c’est la meilleure façon de lutter, de faire en sorte que les personnes puissent en parler au moins de leur problème affectif. C’est l’amour qui permet qu’on se sente bien.
Rosita : Oui, je suis d’accord avec toi mais seulement, le problème c’est que l’amour, parfois ça ne se passe toujours très bien parce que moi je fais partie d’une génération, la plupart de mes amis ont entre 45 et 50 ans ou plus, du coup nous avons ce problème-là justement de pouvoir, même s’il y a l’amour, ça ne se passe exactement comme il faut. Donc c’est pour ça qu’il y a problème. Et donc peut-être en parler avec des experts, des spécialistes, ce serait peut-être aussi bien de pouvoir régler, parce que l’amour, il y a peut-être, de ton côté ça peut bien se passer parce que tu as une partenaire avec qui vous vous entendez bien sexuellement mais ça ne se passe pas toujours très bien avec les hommes et tout de notre côté parce que bon, on a l’impression que c’est nous-mêmes qui, on n’est pas habile à pouvoir ou alors il y a quelque chose, il y a peut-être un côté… moi je pense beaucoup qu’il y a ce problème surtout chez nous les Africains, la tendresse et les câlins. C’est quelque chose qui est un peu, qui chez les femmes, recherchent, les câlins, la tendresse et du coup quand on n’a pas et qu’on n’arrive pas à l’obtenir, on souffre. Et du coup, les hommes ne voient pas ça, c’est assouvir leur faim, c’est avoir une partenaire, bon bah une fois qu’il a fait la relation voilà. La femme elle a besoin de tendresse et de câlins et c’est souvent ce problème-là qu’on essaye de chercher et qu’on doit en parler et en parler avec quelqu’un qui peut essayer de nous aider.
Wilson : Moi, je rajouterai en fait, pour moi, si j’ai bien entendu, les personnes touchées par le VIH souffriraient des problèmes sexuels affectifs liés aux molécules en fait.
Sandra : Il n’y a pas que ça. La vie affective et sexuelle c’est large. On peut souffrir par exemple parce que déjà, on n’a pas accepté sa maladie. On n’a pas envie de rencontrer quelqu’un, on n’a plus envie de faire l’amour parce qu’on a le virus en nous et on n’a plus envie. C’est un premier problème, j’ai déjà entendu ça tu vois. Et ça peut être plein d’autres.
Wilson : Mais c’est quand même assez drôle de faire des ateliers pour savoir comment s’y prendre quoi. Je veux dire qu’une tierce personne qui puisse nous dire comment s’y prendre avec son partenaire dans l’intimité, c’est quand même drôle.
Rosita : Il y a quand même un petit nombre de personnes qui peuvent parce que moi, bon, moi je peux, j’ai ce courage-là de pouvoir le dire ouvertement, voilà, ça se passe comme ça ou comme ci mais c’est vrai que ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir le dire publiquement aux gens voilà moi avec mon partenaire, ça ne se passe pas bien parce qu’il ne me prend pas bien et tout mais c’est quand même quelque chose d’assez important pour certaines personnes de pouvoir le dire et je crois que ça pourrait aider, déclencher quelque chose parce que, je ne sais pas, c’est comme on a besoin d’un déclic pour pouvoir peut-être… et si on n’est pas aidé, je crois qu’il y aura toujours… on se dit qu’on est frigide, voilà, alors que peut-être un spécialiste pourrait déclencher quelque chose.
Sandra : Et puis il n’y a pas que ça, donc là c’est vraiment un ETP spécial pour les personnes séropositives et leurs partenaires. Donc ça veut dire qu’il y a parfois des couples sérodifférents qui viennent et parfois ils ont par exemple des craintes. Est-ce que je vais contaminer mon partenaire ? Ou alors la personne séronégative se demande mais est-ce que je vais être contaminée ? Et donc là, on rappelle, qu’une personne séropositive qui prend correctement son traitement, qui a une charge virale indétectable depuis au moins 6 mois, et pas d’autres MST, ne transmet pas. Ça, déjà, c’est une information. Mais parfois en pratique, je ne sais pas tout ce qui se passer dans la tête d’une personne séropositive mais ce n’est pas simple. Vivre en couple sérodifférent, il y a des informations que peut-être que la personne séronégative a besoin d’entendre d’un professionnel, je ne sais pas. En tout cas, ça existe et ça marche, c’est un lieu qui est là pour en parler, librement, sans jugement, tout simplement.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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