Sandra : Bonjour, bienvenue à l’émission de radio Vivre avec le VIH. Pouvez-vous vous présenter aux auditeurs s’il vous plait ?
Fransky : J’ai 85 ans et je suis séropositif depuis mon retour d’une mission en Afrique australe, début 1987.
Sandra : Et vous êtes du département Côtes-d’Armor.
Fransky : Oui.
Sandra : Aujourd’hui, vous appelez pour quelque chose d’assez précis, vous avez un coup de gueule à passer.
Fransky : Nous sommes en 2014. Moi j’ai connu le VIH, qui n’était pas guérissable, en 1987. Maintenant, je dis qu’avec les conseils qu’on m’a donnés et les antirétroviraux qui sont arrivés en 1996, c’est une maladie chronique, et c’est tout. Mais je vois que la discrimination continue à régner, soit dans les hôpitaux mais aussi partout ailleurs. Surtout dans les maisons de repos. Moi on voudrait me mettre dans une maison de retraite, ça ne me dit rien du tout parce que je sais très bien que je serai discriminé.
Sandra : Vous avez eu des mauvaises expériences.
Fransky : Les mauvaises expériences se confirment parce que, bon je ne suis pas le seul dans ce cas-là. Actuellement en France, les personnes âgées sont, même sans VIH, sont déjà discriminées. Manque de personnel et manque de moyens pour les personnes handicapées, manque d’auxiliaire de vie, avec des réductions d’heures, beaucoup de choses quoi.
Sandra : Pouvez-vous donner un exemple de discrimination ?
Fransky : La discrimination, on peut dire déjà, il y a une discrimination générale. Les personnes âgées, en général quand elles rentrent dans un hôpital, que ce soit n’importe où, on les met en gastro, c’est-à-dire dans un service où on met les alcooliques et les personnes âgées. Bon après, c’est déjà une discrimination qui est valable pour tout le monde. Après, si vous avez le VIH alors là, c’est la galère. C’est la galère parce que, je ne vous parlerai pas des petits accidents qui me sont arrivés mais, on est considéré comme… les gens, du fait que le petit personnel soignant n’a pas été formé et a une peur extraordinaire de notre maladie alors qu’en fait on n’attrape pas le VIH simplement en nous regardant. C’est tout quoi…
Sandra : Vous avez senti de la part du personnel soignant des gestes, des attitudes…
Fransky : Le petit personnel. Je ne citerai pas les hôpitaux.
Sandra : D’accord. Et aussi, je sais que vous avez le souhait qu’il y ait quelque chose qui se fasse dans votre région parce que, qu’est-ce que vous avez pour vous retrouvez entre personnes séropositives ?
Fransky : Pour se retrouver, rien. Là, apparemment, j’avais écrit à monsieur le député, qui a demandé à AIDES de venir. J’ai eu la réponse d’AIDES qui viendra une fois tous les deux mois pendant 4 heures. Ce n’est pas suffisant. Depuis que Sid’Armor, une association, a été supprimée, il n’y a plus aucun lieu de rencontre. Là où on nous demande de nous rencontrer, c’est dans le service qui s’occupe des personnes en précarité. Mais ce n’est pas notre cas. Notre cas c’est autre chose. On est des malades, je vous dis, des malades qui sont la plupart du temps chroniques et qui ont des problèmes du fait d’appartenance au VIH.
Sandra : Il y a Loane qui est une correspondante de l’association le Comité des familles et donc de l’émission Vivre avec le VIH, qui habite dans la même région que vous. Elle aussi a ce souhait que quelque chose se fasse pour les personnes séropositives. On lui a proposé de tenir une permanence à l’hôpital. Est-ce que ça vous intéresserait ?
Fransky : Je pense que c’est une bonne idée mais que ça va être difficilement réalisable. Les malades comme moi vont tous les 6 mois simplement pour un contrôle. Mais en plus, ils n’ont pas envie d’exposer leurs problèmes personnels à l’hôpital quoi.
Sandra : Vous connaissez beaucoup de personnes séropositives autour de vous ?
Fransky : J’en connaissais beaucoup avant. Je suis resté 4 ans… en fait j’ai attrapé le staphylocoque doré au cours d’une chute. Je suis devenu complètement dépendant. Là au bout de 4 ans, on m’a quand même fourni un fauteuil électrique. Mais enfin bon, j’ai un peu peur de m’en servir au début quoi.
Sandra : Ce n’est pas évident oui, faut le manier quoi.
Fransky : En plus, mon auxiliaire de vie est tombée malade ces jours-ci, alors vous voyez, tout est compliqué.
Sandra : Profitez-en pour passer un appel à toutes les personnes séropositives de la région. Qu’avez-vous envie de leur dire ?
Fransky : J’ai envie de leur dire qu’ils se mettent en contact avec moi. Moi je pourrai difficilement aller chez eux. J’habite près du centre de Saint-Brieuc. J’ai un numéro…
Sandra : On va plutôt donner notre numéro, le 01 40 40 90 25 et ensuite on vous mettra en contact.
Fransky : Voilà. Ça me gêne… vous savez, on peut avoir des problèmes.
Sandra : Tout à fait.
Fransky : J’ai fait plusieurs interventions quand j’étais dans la région rennaise, notamment sur Ouest France et puis j’ai fait un petit film pour la santé en 2006 à visage découvert. Mais ça, ça m’a causé beaucoup d’ennuis parce que disons que les personnes âgées, mes amis, ils ont trouvé ça… je suis devenu le mouton noir.
Sandra : En fait, vous n’en aviez jamais parlé et là ils ont découvert ça et…
Fransky : Non, je parle librement. Mais ce qui les ont choqués c’est que j’en ai parlé à la télévision quoi.
Sandra : Ah d’accord. Du coup vous êtes devenu du jour au lendemain plus fréquentable.
Fransky : Je n’étais plus fréquentable parce que, vous vous rendez compte, avec la maladie qu’il a, comme si qu’il suffisait de me regarder pour attraper le VIH (rires).
Sandra : Et nous sommes en 2014, les mentalités, faut qu’elles bougent, c’est grave.
Fransky : Je dirai aussi une autre chose. J’ai connu ma séropositivité quand j’ai été rapatrié de Zambie, où j’étais en mission, sans savoir que j’avais le VIH. Et c’est simplement parce que j’étais dans le service maladies tropicales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière que j’ai su par l’équipe du docteur Gentilini que j’étais VIH. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’actuellement il y a 150 000 personnes qui vivent, on parle de 150 000 personnes qui vivent avec le VIH. Ils arrivent à l’hôpital dans un état épouvantable. Je ne comprends que, souvent ils vont à l’hôpital, on ne leur fait aucun test alors qu’on fait des tests très couteux, scanners, des tests très couteux à l’hôpital. Mais le test sida, c’est un tabou.
Sandra : Le test VIH n’est pas proposé vous pensez ?
Fransky : Il n’est jamais proposé. Bon pour moi, il savait qui j’étais mais enfin je sais qu’il n’est pas proposé. Le problème des personnes c’est si elles ne sont pas prises à temps. Moi par exemple, je suis resté 10 ans asymptomatique. On ne rentre pas en sida par un coup de tête. Il faut que le virus prolifère parce qu’il n’y avait aucun médicament avant 1996. J’ai fait une toxoplasmose en 1996 à Briançon. On m’a soigné avec les antirétroviraux. Je dis que grâce à la science, je suis un survivant. Bien sûr on m’avait donné des bons conseils à la Pitié-Salpêtrière. On m’avait dit surtout, ni tabac, ni alcool. Quand on tient à sa peau, on fait ce qu’on nous dit. De toute façon, je n’avais jamais fumé. Mais enfin pour d’autres pathologies que j’ai, j’ai vu l’état des personnes. Dernièrement j’ai été au CHU de Brest où j’ai vu des malades de 50 ou 60 ans dans un état extraordinairement grave, simplement pour avoir fumé. Moi, j’ai des poumons propres…
Sandra : Ah bah justement, fumer, on va en parler dans l’émission tout à l’heure, avec un pneumologue qui s’appelle Jacques Cadranel et qui nous explique que chez les personnes séropositives, la cigarette, c’est la cause du cancer du poumon.
Fransky : C’est bien d’en parler parce que c’est utile. Il y a 150 000 personnes environ, selon les chiffres qui vivent en France avec le VIH dont 30 000 qui ne sont pas détectés. Principalement des hommes parce que les femmes, en cas de grossesse, elles font le test.
Sandra : Oui. Merci pour votre appel Fransky. Je rappelle aux auditeurs que pour le contacter vous appelez le 01 40 40 90 25. Merci d’avoir partagé votre vécu et puis d’avoir fait passer de coup de gueule. Je vous souhaite une bonne journée.
Fransky : Voilà, et on vit très longtemps, même avec le VIH. J’ai 85 ans et j’espère battre mon grand-père qui est mort à 99 ans.
Sandra : Ah ! Je vous le souhaite. J’espère qu’on vous entendra prochainement dans les émissions. Très bonne journée.
Fransky : Merci, au revoir.
Sandra : Au revoir.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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