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11.12.2013

Daniel : «À l’annonce de ma séropositivité, ma sexualité s’est arrêtée»

Sandra, Yann et Antigone Charalambous

Sandra : On va partir d’un point de départ qui est celui de l’annonce. Daniel, Yann quand on vous a annoncé votre séropositivité, quel impact cela a eu sur votre sexualité ?

Daniel : C’est très simple, ma sexualité s’est arrêtée. Je me suis retrouvé au point mort pendant plusieurs mois… justement on parlait de patients contaminants, c’est tout à fait le sentiment que j’ai eu pendant ces mois où je ne me voyais pas du tout m’approcher de qui que ce soit de peur de le tuer peut-être. Parce que je n’étais pas encore suffisamment informé au départ. Donc c’est ce qui se passe au moment de l’annonce. En tout cas pour ma part.

Yann : Moi, c’est sur que comme j’étais en couple et qu’on était très amoureux, non je n’ai eu aucun symptôme de libido, de perte de libido. Après c’est sûr qu’on se voit un peu comme un poison sur patte. Donc on a pratiqué l’amour où je me retirai avant l’éjaculation. Mais encore une fois je n’étais pas au courant que le liquide séminal pouvait aussi contaminer. Avec tout ça j’ai quand même traversé des choses qui auraient pu être très endommageantes pour ma future épouse et pour ma fille. Mon épouse était enceinte quand j’ai appris ma séropositivité où elle n’était pas, on a fait le test ensemble, elle n’était pas séropositive. Donc sur les érections, le désir tout ça, non il n’y avait absolument rien. Faut dire que j’étais tellement bien entourée à ce moment-là par ma compagne que ça joue. Et heureusement qu’on n’a pas été plus naïf parce que je me rappelle cette phrase magnifique qu’elle m’a dite quand je lui ai annoncé, elle m’a dit mais ce n’est pas grave, on fera l’amour comme avant. Seulement c’était malheureusement plus possible vu qu’il y en avait un des deux, à cette époque-là je vous rappelle que c’était dans les années 90, donc il y a en avait un des deux, moi, qui n’avait pas beaucoup d’années à vivre quoi avant que les trithérapies ne sortent. Donc très naturellement on a remis tout ça en place et puis on s’est dit il faut absolument que toi tu puisses rester en pleine santé pour t’occuper de cet enfant si jamais moi je devais disparaître.

Sandra : À partir de quel moment ta sexualité a repris ?

Daniel : Disons qu’ensuite il y a eu quand même le suivi médical, les rencontres avec les médecins etc et donc je me suis informé aussi moi-même. Donc ça a commencé à faire son petit cheminement. Je dirai que l’état psychologique c’est quand même quelque chose qui se travaille avec le temps je pense. Ça s’est amélioré tout seul avec le temps. Je pense que j’ai dû cumuler un certain niveau d’envie pendant ces mois.

Sandra : Et toi Bruno, toi tu es séronégatif mais tu es en couple sérodifférent, avec une femme qui est séropositive. Toi quand ta partenaire t’a annoncé sa séropositivité, que s’est-il passé ?

Bruno : C’est vrai que pour la partenaire avec laquelle je suis. Donc là j’étais déjà informé, j’étais déjà dans l’association parce qu’on s’est rencontré dans l’association, donc c’est plutôt comique, c’est plutôt qui ai eu du mal à lui annoncer que je n’étais pas séropositif (rires). Donc après je me rappelle, la première annonce, ma compagne était enceinte. C’était plutôt sa réponse me dire au moins il y aura quelqu’un qui pourrait être là pour s’occuper de son enfant. Elle avait déjà une fille de 5 ans, donc c’était ces messages-là. Aujourd’hui je ne pense pas que sur une annonce j’aurais ce message-là puisqu’ils sont informés et savent que l’espérance de vie est égale.

Sandra : Et sur le plan sexuel, parce que c’est le sujet aujourd’hui, y a-t-il eu un frein ? Toi comment as-tu réagi et elle ?

Bruno : Bah en fait je suis passé au préservatif.

Yann : On est en quelle année à peu près ?

Bruno : Dans les années 90. C’est vrai que, bon après je ne sais pas, c’est différent pour chaque personne, c’est quand la relation s’est terminée, une quinzaine d’années après, que j’ai fait mes tests. Mais pendant que j’étais avec elle, je suis resté avec le préservatif, beaucoup d’accidents mais… voilà. Après elle a été rassurée quand je lui ai dit que je n’étais pas contaminé.

Sandra : Merci à vous trois d’avoir partagé votre expérience. Antigone souhaites-tu réagir sur ces 3 récits…

Antigone Charalambous : Très différents et je pense comme tout témoignage très représentatif aussi. Pour le coup, c’est exactement ce qui se passe dans la plupart des situations. Il y a un arrêt. C’est vrai que l’annonce tombe comme, chacun je pense peut utiliser sa propre image mais on est jamais prêt pour ça. Donc comme tout chose pour laquelle nous ne sommes pas prêt, ça peut faire traumatisme. En tout cas ça marque. Et à partir de là, souvent ce qui est dit c’est qu’il y a quelque chose d’autre qui a commencé, quelque chose de différent où il a fallu et il faut pour des personnes qui viennent d’avoir leur annonce, une adaptation qui va être pour les personnes différentes, pour certaines va demander beaucoup plus d’énergie, pour d’autres moins. Encore une fois il me semble quand même différent entre les exemples de Yann et Bruno, d’un côté celui de Daniel, de l’autre. Le temps est important. Pour Yann et Bruno, la question de la suite et de la mort après la vie se posait et était tout à fait présente. Dans le témoignage de Daniel quand même ce qui est formidable c’est que, comme le disait Bruno, ce n’est pas la question de la mort qui se pose tant, du moins pas physique mais la question de la chronicité. Ça va être toute une vie avec quelque chose qu’on ne connaissait pas jusque-là et que très probablement on devra partager quand on est en couple ou même dans sa vie sociale. Encore une fois on n’est pas obligé de l’annoncer soi-même après, comme toute chose qui nous concerne. Il y a plein d’information qu’on ne partage pas avec tout le monde. Mais ce qui me semble important de dire c’est qu’on parle de sexualité d’une part mais moi je n’entends pas par sexualité la vie affective ou la vie sexuelle. Parce qu’une sexualité c’est un ensemble de comportements qui font que nous sommes des êtes sexués avec des caractéristiques sexuées et nous avons un comportement qui est lié à la reproduction. Après nous sommes aussi des êtres sociaux qui ont une organisation sociale très particulière. À travers le rapport sexuel, nous tirons du plaisir. L’idée d’un rapport sexuel, l’idée d’un rapprochement à l’autre, nous provoque du plaisir, rien que ça, du désir, de l’envie, des manifestations physiques, l’amour dans tout ça. Donc pour le coup, le VIH ne devrait pas être synonyme d’arrêt de vie affective ou même sociale. C’est un petit peu ce qu’on note, ce qu’on voit avec un repli en général. Les 13% de personnes avec troubles dépressifs ou en dépression que nous apporte l’enquête Vespa 2 sont assez alarmants parce que pourquoi les personnes sont-elles si….

Yann : Dépressives.

Antigone Charalambous : Oui et si sujets à ce genre de troubles ? C’est une question naïve et en même temps très importante. Et pas qu’une question que des experts doivent répondre mais que chacun doit être relevé pour lui-même. Et c’est pour ça qu’une approche à travers le concept de santé sexuelle me semble très importante. Parce que la question de la vie affective et sexuelle est très difficilement encore abordée pour les personnes séropositives, même si c’est rentré dans les esprits que l’on vit avec le VIH, c’est comme si on ne peut pas encore vivre avec le VIH et avoir une vie sexuelle et affective et des relations sociales qui limiteront les mêmes soucis que quelqu’un qui n’est pas séropositif. Parce que les troubles sexologiques existent chez tout le monde. Notre vie n’est pas une ligne droite. Donc voir ces différentes approches-là, ces distinctions au niveau des définitions me semble importantes parce qu’après on pourra tout simplement parler de réduction des risques au lieu de tout simplement dire j’arrête complètement ma sexualité, je ne peux plus rien faire. On peut toujours embrasser quelqu’un, on peut toujours avoir des caresses. Ne serait-ce que ça. On parlait tout à l’heure d’alternative au niveau des traitements. Maintenant on peut dire à des personnes, vous savez, vous aurez une infection chronique mais vous pourrez vivre avec. Avec plein d’aménagements différents mais comme toute pathologie chronique. La vie sexuelle et affective ne devraient pas être entravées par ça. C’est là qu’il faut qu’on soit encore plus imaginatif et inventif chacun de son côté parce qu’il ne s’agit pas de déballer ses recettes parce qu’elles ne peuvent pas convenir à tout le monde, parfois peuvent choquer. Mais pour soi se dire déjà mais pour quelles raisons est-ce que j’arrêterai quoi que ce soit ? Puisqu’il y a d’autres façons de faire.

Yann : Après, il y avait aussi le problème de certains médicaments qui réduisait une libido. Il faut savoir que moins on mange, moins on a faim. Ce n’est pas une très belle métaphore mais, ce que je veux dire c’est moins on fait la chose, moins on a envie de la faire plus on peut perd confiance. Moi je sais qu’en 20 ans de séropositivité, j’ai eu des hauts et des bas avec en plus des périodes d’abstinence suffisamment longue pour avoir la peur d’y retourner presque en se disant tu vas avoir une éjaculation précoce du premier coup parce que ça fait très longtemps que tu n’as pas… Donc il faut tomber sur la bonne personne qui naturellement redonne confiance. C’est normal que dans un long parcours il y ait des dents de scie par rapport à la sexualité je pense non ?

Bruno : Juste deux points, c’est vrai que je suis membre pour le Comité des familles, je suis membre d’une commission qui s’appelle prévention santé sexuelle dans les COREVIH Nord. Il y a un questionnaire qui va sortir le mois prochain, qui sera adressé aux 5000 patients du COREVIH Nord.

Sandra : Donc juste pour info, les COREVIH c’est une institution qui regroupe professionnels de la santé, associatifs, patients, pour parler du VIH, pour faire avancer.

Bruno : Le formulaire va sortir normalement le mois prochain. À partir de là, repenser, réfléchir pour le bien-être des personnes.

Sandra : Dès que le questionnaire sera disponible, on le dira à l’émission.

Bruno : Et le deuxième point, entre garçons ces derniers temps on parle souvent de la pierre noire, j’aimerai savoir ce que c’est, si vous en avez entendu parler ? J’ai l’impression que c’est une équivalence avec le viagra, parce que c’est un truc apparemment, toutes les personnes que j’ai rencontrées ces derniers temps, me disent que ça marche.

Yann : Et tu ne m’as pas mis dans la confidence ? (Rires)

Bruno : On n’en pas pas besoin (rires). Je donne des informations.

Yann : Mais je pense pour mes vieux jours (rires).

Antigone Charalambous : Il faut que je vienne plus souvent ! J’apprends des choses ! (Rires).

Bruno : Je prendrais plus de renseignements.

Antigone Charalambous : Ah oui ! Mais je vais enquêter.

Sandra : Ça veut dire que tu reviendras à l’émission et que tu nous diras ce que c’est la pierre noire.

Antigone Charalambous : Oui.

Yann : En fait, je suis sûr que Bruno en sait beaucoup plus (rires). Donc tes amis qui t’ont parlé de cette pierre noire, c’est quoi ?

Bruno : J’ai l’impression que c’est l’équivalent du viagra parce qu’en fait toute la nuit le sexe reste… et en revanche il n’y a pas de sensation de plaisir et rien de tout ça.

Yann : Oulala…

Antigone Charalambous : Ah c’est un anesthésiant apparemment ?

Bruno : Apparemment.

Yann : Mais quel intérêt ?

Antigone Charlambous : Si le résultat est de ne plus rien sentir…

Bruno : Pour des problèmes d’érections…

Yann : Je vous rappelle que de 17 ans à 17 ans et demi, j’ai fait la plus grosse bêtise, c’est que j’ai découvert l’héroïne et que ce sentiment dont tu parles, on peut l’avoir avec l’héroïne, c’est-à-dire que tu peux, excusez-moi du terme un peu goujat, tu peux limer pendant des heures sans plaisir quoi, ce qui est assez déprimant. Même la copine en a marre.

Antigone Charalambous : Ou le copain.

Yann : Ou le copain bien sûr.

Antigone Charalambous : Je voulais réagir par rapport à ce que disait Yann… sur la peur de revenir. Il me semble aussi quand même, à ma connaissance, il n’y a pas d’étude a proprement dite sexologique comme spécifiquement auprès des personnes VIH pour faire une comparaison avec des personnes qui sont séronégatives en ce qui concerne le comportement sexuel et les envies, et les désirs. Mais c’est une question quand même que j’ai aussi qui se pose souvent chez beaucoup de patients, c’est est-ce que c’est à cause de ma séropositivité que ma libido baisse ou que j’ai des troubles érectiles ou est-ce que…

Yann : ce sont les médicaments…

Antigone Charalambous : Les médicaments aussi ou est-ce que tout simplement ça n’a rien à voir et c’est une question de couples. On parlait de…

Yann : Et ça peut être les trois à la fois aussi.

Antigone Charalambous : Et ça peut être les trois à la fois et on sait de toute manière que tous ces facteurs-là, ont cette fâcheuse habitude non pas de s’additionner mais de se multiplier. Donc ce n’est pas juste je dois gérer ma relation au travail étant séropositif, que je l’aie dit ou pas, ou la relation dans mon couple, que j’ai annoncé ou pas et moi-même, ma relation à moi-même, c’est que tous ces facteurs-là s’entremêlent et augmentent les uns, les effets souvent négatifs des autres. C’est ça qu’on comprend en tout cas du peu d’étude que nous avons sur la question de la vie affective et sexuelle des personnes séropositives ou avec pathologies chroniques.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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