Sandra : Mission prévention auprès des jeunes pour les membres du Comité des familles. Le mois dernier et je crois aussi début du mois de décembre, quelques membres du Comité des familles ont été dans des établissements scolaires à Enghien-Les-Bains. Si a Enghien-Les-Bains, il y a encore un élève qui ne sait pas ce que c’est le VIH c’est que là vraiment il y a un problème parce qu’il y a eu vraiment beaucoup d’interventions.
Yann : Ça fait 3 ans qu’on y va en plus.
Sandra : 3 ans ah oui, ça passe. Justement Ali et Yann, vous faites partie de l’équipe du projet Madeleine, qui consiste à témoigner de sa vie avec le VIH auprès des jeunes. Qu’est-ce que vous en retenez cette année ?
Ali : Je trouve que les interventions sont utiles et importantes puisque c’est une des rares fois où on peut s’adresser à un public qui à mes yeux est concerné, 17-20 ans. J’ai beaucoup apprécié la manière dont on a été reçu par les gens avec qui on avait convenu de faire ça…
Sandra : Est-ce que les jeunes t’ont posé des questions ? Quand tu as raconté ton histoire, tu as un parcours unique, est-ce que… non mais chaque personne a…
Yann : Est unique.
Sandra : Oui voilà, c’est pour ça que je dis ça. Quelle a été la réaction des jeunes ?
Ali : C’est bien de pouvoir leur dire, appeler un chat, un chat. À savoir que, quand j’avais le même âge qu’eux, j’ai fait le con, j’ai fait un peu tout et n’importe quoi. Comme je leur ai expliqué, à 14-15 ans je fumais du shit, 17 ans je commençais les drogues dures. En revanche, je ne m’attendais pas à ce que me tombe sur la tête une pathologie dont on ne connaissait même pas le nom, qui était potentiellement mortelle et un virus qu’on connaissait déjà, l’hépatite C, qui également peut être mortel. Quoi qu’il en soit, je leur ai expliqué mon parcours, ma vie de famille, les galères, la prison… après comment j’ai essayé de me sortir un peu de tout ça. Il y a eu beaucoup de questions, des encouragements. C’était hyper interactif, en ce qui me concerne j’ai trouvé ça super bien.
Sandra : Et toi Yann ?
Yann : Ca rejoint ce que dit Ali. Il y a une mise à nu de notre part parce qu’il y a des fois, même si on est inscrit, il y a peut-être un matin où on n’a pas envie d’y aller, se mettre à poil, raconter sa vie, son cursus ce n’est pas du tout facile. C’est un petit peu comme toutes les actions auxquelles je participe. Je crois au bénévolat parce que quelqu’un qui donne, reçoit. C’est le cas à l’hôpital aussi. Moi, à chaque intervention, j’ai les mains moites, les pieds poites, ça me remue. Une fois que je suis lancé et surtout après l’intervention, quand les gamins marquent leurs sensations, pourquoi ont-ils trouvé utile notre passage et tout ça, l’échange qu’on a pendant un quart d’heure après j’allais dire hors concept, comme ça, toujours d’une grande richesse. Moi je me rappelle des souvenirs d’un gamin, pour vous dire à quel point l’information passe encore mal, qui vient me voir après une intervention et qui me dit : « Monsieur je peux vous serrez la main, je ne serais pas séropositif ? ». On a quand même l’impression d’avoir, pas sauvé mais, d’avoir ouvert l’esprit à une vingtaine d’adolescents.
Sandra : Je vous propose d’écouter deux lycéennes qui ont assisté à une séance de témoignage et voici leurs réactions.
Début de l’enregistrement.
Adeline : J’ai 16 ans, je suis au lycée à Gustave Monod et je suis en première STMG.
Marion : J’ai 16 ans aussi, je suis à Gustave Monod aussi et j’habite à Epinay.
Sandra : Aujourd’hui, vous avez assisté à des séances de témoignages de personnes qui vivent avec le VIH. Avant de les avoir rencontrées, quand on vous disait VIH/Sida, vous pensiez à quoi ?
Adeline : Je pensais à virus. Ce qui était important c’était d’en parler.
Marion : En fait j’ai changé ma vision. Avant, quand on me parlait de sida je me disais c’était des gens qui vivaient avec une maladie et qui étaient contagieux, on va dire ça comme ça. Maintenant ça a changé ma vision des choses. Pour moi c’est des gens normaux, c’est des gens comme nous, c’est des gens qui ont une vie, qui vivent comme nous. Même s’ils ont le sida, ils peuvent faire des choses quand même, comme nous en fait, c’est des humains.
Sandra : Y a-t-il des informations que vous avez apprises par rapport au VIH, si ce n’est qu’on peut vivre avec mais, y a-t-il des informations plus médicales, techniques que vous avez appris ?
Adeline : Oui, quand on attrape le VIH déjà il faut faire le test à l’hôpital, pour savoir si c’est séropositif ou pas. Pour être bien sûr il faut faire 15 jours après.
Marion : J’ai retenu qu’une personne qui a le VIH peut avoir des rapports sexuels avec une personne qui n’en a pas et la personne n’est pas forcément contaminée. Ca je ne le savais pas.
Sandra : Si elle prend un traitement.
Marion : Oui, si elle prend un traitement. J’ai retenu aussi que l’enfant n’est pas forcément aussi contaminé.
Sandra : Là aussi, si la maman…
Marion : Si la maman prend un traitement.
Sandra : Avez-vous des frères et soeurs ?
Adeline : Oui, j’ai un frère.
Marion : J’ai une soeur et un frère.
Sandra : Si ton frère t’annonce qu’il est séropositif, quelle sera ta première réaction ?
Adeline : Je lui dis d’aller à l’hôpital direct, pour… comment ça s’appelle déjà ? Le traitement d’urgence…
Sandra : Non, il t’annonce qu’il est séropositif, il a fait le test déjà. Il vient te dire : « Ecoute, j’ai un truc à te dire, je suis séropositif ». Quels seront des premiers mots pour lui ?
Adeline : Je lui dirais d’aller à l’hôpital direct (rires).
Sandra : Mais, il est déjà allé, il le sait (rires).
Adeline : Je lui dis : « va encore ».
Sandra : Pour quoi faire ?
Adeline : Pour être bien sûr que c’est ça.
Sandra : Non mais, il est sûr, certain. Il est séropositif, il te dit qu’il est contaminé par le VIH. Comment vas-tu réagir ?
Adeline : Bah en même temps j’avoue je serai choquée. Je ne saurais même pas quoi lui dire tellement je serais choquée ! Je ne sais même pas ! Ça me choque déjà (rires).
Marion : Alors moi, c’est vrai que je serais choquée aussi mais, malgré tout ça reste mon frère et ça restera toujours mon frère même s’il a le sida, même s’il a une autre maladie, je vais l’accepter comme il est. S’il veut de l’aide, je vais tout faire pour l’aider, faire tout ce que je peux.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Voilà, donc c’est assez marrant, ces deux petites lycéennes qui ont reçu pas mal d’informations et qui essayent comme ça de les recracher, ce n’est pas si évident. Il y a quelques points où il faut insister mais, en tout cas elles ont bien compris, lors de cette séance j’étais là, il y avait une des membres du Comité des familles qui a bien insisté pour dire : « Protégez-vous, protégez-vous, le préservatif il n’y a que ça qui marche à 100% ». Qu’en pensez-vous ? Ont-elles bien écouté les personnes qui ont témoigné ?
Yann : Surtout pour la personne qui a retenu qu’un enfant pouvait naitre sans être contaminé, un couple sérodifférent pouvait aussi avoir des rapports sans préservatif, c’est déjà énorme. Ce qui m’a amusé c’est ce côté, l’hôpital c’est rassurant, il faut qu’il retourne parce que c’est la maison où on va le soigner. C’est bien de penser comme ça aussi. C’était une manière de déni où non, non tu as dû lui dire 3 fois, il a fait le test, c’est sûr.
Sandra : Et encore, j’ai coupé dans le montage.
Yann : Oui, parce qu’il y a en plus, j’entendais, c’est peut-être une famille d’origine maghrébine ou quoi que ce soit, où l’annonce est encore plus tabou, difficile. Donc là, on l’a bien ressenti. Ça ressort aussi de beaucoup d’amour.
Pierre Frange : Ça souligne bien que l’information avant l’intervention elle n’était pas bonne. Il y avait un sondage qui était fait l’année dernière par Sidaction, un sondage IFOP chez les 15-25 ans et quand on leur demandait, il y avait un quart d’entre eux qui s’estimait bien informé sur le VIH, moyens de contamination, etc. Un quart seulement d’entre eux des 15-25 ans. Quand on regarde les nouvelles découvertes de l’infection VIH en France, il y a 12% des nouvelles découvertes qui concernent des moins de 25 ans. Ce qui veut dire que ces deux chiffres vont l’un avec l’autre. Pourquoi ? Parce qu’ils sont mal informés. Ça montre bien que c’est ce type d’information, a un impact majeur…
Ali : Les nouvelles contaminations c’est…
Pierre Frange : Des nouvelles découvertes de VIH concernent les moins de 25 ans exactement.
Sandra : Moi aussi, ce qui m’a amusé dans ce que les filles ont dit c’est qu’elles se sont rendu compte que les personnes séropositives étaient des personnes normales, c’est des humains. Donc Yann, Ali, vous êtes des humains !
Yann : Un peu mutant moi (rires).
Ali : Comme on vit dans une société assez cruelle, faut toujours être compétitif, faut être beau, faut être branché, faut être intelligent, quand tu as un virus de ce type qui vraiment, une des maladies…
Yann : Comme la syphilis il y a 30 ans.
Ali : Oui, la syphilis ça se soigne assez bien, après les gens ne sont pas obligés d’en parler.
Yann : Oui, enfin on en est mort pendant des…
Ali : Oui, oui, il y a des tas de gens qui en mouraient. Mais c’est vrai que, rien que le mot en lui-même sida, je ne sais pas, les gens dans la représentation qu’ils doivent avoir, ils doivent se dire quelqu’un qui a le sida, ils voient quelqu’un qui a la peau sur les os. Ça existe mais ce n’est pas que ça. Au-delà de ça, comme tu disais, quand on voit 20 jeunes, nous a eu deux groupes de 20 et après un groupe de 40, si dedans il y en a qu’un ou deux, qui réfléchira à deux fois avant de faire le con et de prendre des risques, c’est déjà une bonne chose.
Yann : Tu te rappelles il y a un point aussi sur lequel on appuie parce qu’il y a une demande, c’est la grande question, quelle différence entre VIH et le Sida ? Ça, c’est une question qui revient régulièrement. Ca dédramatise un petit peu parce qu’ils font l’amalgame séropositif pour eux c’est sida donc mort à la fin.
Ali : Oui, c’est pour ça qu’on insistait pas mal en disant ce n’est pas parce que maintenant on vient devant vous, on vous dit qu’il y a des traitements, qu’on peut très bien vivre avec cette pathologie, vivre entre guillemets comme monsieur tout le monde, fonder une famille et faire des projets sur le moyen ou long terme, ceci dit ça reste une maladie grave et c’est une annonce… c’est une tannée de vivre avec et…
Sandra : Prendre un traitement tous les jours, ce n’est pas simple.
Ali : Voilà, pour avoir un crédit ce n’est pas simple, au travail faut-il le dire au risque de se faire renvoyer ? Tous les points où ça peut encore porter préjudice au-delà de la maladie elle-même.
Sandra : Il y aura d’autres interventions dans l’année, en 2014 je sais qu’il y en aura. J’essayerai d’y aller pour là aussi avoir les réactions des élèves parce que c’est vrai que c’est toujours intéressant d’avoir un retour. Je fais un petit coucou aux deux filles qu’on vient d’entendre.
Ali : Big up aux filles d’Enghien.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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