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08.01.2014

Dépistage rapide du VIH : pourquoi cibler des populations ?

Une des affiches de communication lors de la campagne

Sandra : Opération flash test, ça s’est passé au mois de septembre 2013. A Paris, le rendez-vous était donné dans le quartier du marais pour le lancement de cette opération. Le but, intéresser, trouver les personnes qui échappent au système de soins, qui ne vont pas se faire dépister dans les hôpitaux ou centres de dépistage. Quel est le bilan ? Est-ce une opération réussie ? Je vous propose d’écouter Vincent Coquelin qui fait partie de l’association AIDES, et ça dure 15 minutes.

Début de l’enregistrement.

Vincent Coquelin : Je travaille à l’association AIDES et plus particulièrement en Ile-de-France sur le dépistage communautaire depuis la mise en place du dépistage qui s’est mis en place pour les associations il y a maintenant 3 ans.

Sandra : Aujourd’hui, si je souhaitais que vous participiez à cette émission, c’est pour nous parler de l’opération «flash test». Quels sont les chiffres, combien de personnes ont pu être dépistées pendant cette semaine grâce à cette opération de communication ?

Vincent Coquelin : Sur l’ensemble de la semaine il y a eu 5154 tests qui ont été réalisés sur l’ensemble de l’Ile-de-France. L’action se déroulait aussi sur la région PACA et la région autour de Lyon. Et puis autour du premier décembre il y a une semaine qui s’est déroulée en Guyane aussi. Tout ça c’était en fait sur les régions les plus touchées par le VIH. En Ile-de-France 5154 tests qui ont été réalisés et puis du coup il y a eu 41 tests positifs qui ont été réalisés. Ça fait une prévalence 0,75%, ce qui n’est pas énorme. La prévalence est plus forte dans nos actions au niveau de AIDES habituellement.

Sandra : C’est-à-dire la prévalence est plus forte ?

Vincent Coquelin : La prévalence c’est-à-dire qu’en fait habituellement on est entre 1 et 3% de personnes qu’on découvre, à qui on réalise un test positif dans nos actions habituellement au niveau de AIDES. Donc là, l’action qui à la base a été en fait destinée à toucher un public très ciblé, c’est-à-dire la population afro-caribéenne, population précarisée, population HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) et gays. Et en fait, il y a eu une très grosse campagne, même moi j’ai été surpris parce que ça fait très longtemps que je suis dans la prévention et j’ai été surpris que les gens soient aussi en attente et en demande de faire un test de dépistage parce que le dépistage était un test rapide. Du coup, on s’est retrouvé envahi dans nos permanences au niveau de AIDES mais aussi dans des lieux, je sais qu’on intervient dans des saunas gays, des lieux de rencontre extérieurs, des lieux de prostitution et du coup ces lieux-là étaient marqués sur le site internet du programme des actions de la semaine. En fait, on a eu des publics qui ne correspondaient pas à ces critères, qui sont venus en fait sur ces actions. On a vu des femmes venir dans des saunas gays pour faire du dépistage. Certains ont accepté de faire rentrer les personnes, d’autres, c’était plus compliqué donc voilà, ça a été un énorme succès par rapport à ce qu’on s’attendait à avoir.

Sandra : Vous avez été victimes de votre succès un peu.

Vincent Coquelin : Oui, victime et le problème c’est qu’on a été aussi obligé de, par rapport notamment à certains publics sur certains quartiers où on espérait pouvoir, en fait on a été obligé de refuser des populations qu’on ciblait parce qu’il y avait une trop forte demande et qu’on n’était pas en capacité de répondre à tout le monde.

Sandra : Mais ce n’est pas une bonne nouvelle que le test rapide intéresse autant de personnes ?

Vincent Coquelin : Ah si, si, au contraire. C’est une très bonne nouvelle. Après l’idée c’est d’être en capacité de le proposer le plus largement possible. L’avantage c’est vrai que dans cette semaine il y avait beaucoup de structures qui étaient impliquées. Au-delà de AIDES il y avait des structures associatives et des structures institutionnelles type CDAG (Centre de dépistage anonyme et gratuit) ou soignants dans l’ensemble qui eux, ne sont pas habitués comme nous les associations à aller sur le terrain et à aller proposer du dépistage hors les murs sur les lieux de vie, que ce soit des quartiers comme les quartiers du Marais, Château d’Eau, Pigale ou tous les quartiers de banlieue. Du coup c’est quand même intéressant de voir que les CDAG, jusqu’à présent ne proposaient pas de dépistage rapide, ont commencé maintenant à réfléchir, à le proposer plus régulièrement dans leurs structures ou aller proposer ce test, sortir de leurs murs pour aller au plus près des personnes.

Sandra : En France, il y a un nombre très fort de personnes qui ignorent leur séropositivité…

Vincent Coquelin : Oui, environ 30 000.

Sandra : Oui, on dit environ 30 000. Et là, il y a beaucoup de personnes qui sont venues se faire dépister parce que c’était un test rapide. Est-ce que ces personnes-là, qui sont venues, sont des personnes qui font partie de ces personnes qui ignorent leur séropositivité ?

Vincent Coquelin : Toutes celles qui sont venues ignoraient leur séropositivité au préalable. C’est clair. Nous habituellement, on a parfois sur des actions, des personnes qui viennent faire leur test, qui savent déjà qu’elles sont séropositives. Il y a des personnes qui viennent simplement parce que leur médecin leur a dit que c’était en charge virale indétectable et après selon le degré de compréhension des personnes, les personnes viennent voir si le virus est toujours présent dans le sang. Ce qui est tout à fait normal, c’est un truc logique quand on est séropositif de pouvoir toujours se poser la question, est-ce que le virus est toujours là ? Il y a des gens qui viennent spontanément demander un test. Ils nous disent généralement plutôt à la fin qu’elles sont déjà séropositives. Ça ne nous dérange pas. Après, on a aussi des gens qui profitent de cette occasion-là pour faire un test, pour se réinsérer dans un système de soins parce qu’elles sont sorties de… elles ont eu un jour un test positif il y a plusieurs années et elles n’ont jamais été suivies et là, elles profitent de cette offre associative pour se réinsérer dans le soin et pour être accompagnée par les associations pour se réinsérer dans le système de soins. Après au niveau des personnes qui sont venues faire leur test, pour certaines elles auraient été faire un test. On a un petit peu dans le questionnaire d’évaluation, certaines auraient été faire un test dans un centre de dépistage ou autre. Là, c’est un petit peu compliqué de savoir si effectivement les gens, toutes les personnes auraient été faire un dépistage dans un autre lieu. Par exemple sur les 37 questionnaires qu’on a eus des personnes qui ont eu un test positif, 15 personnes n’avaient jamais été testées. 17 personnes avaient été testées dans les moins de 2 ans. Donc il y en a qui ont recours régulièrement à du dépistage, d’autres qui n’en ont jamais fait. C’est souvent un petit peu aléatoire.

Sandra : Dans les personnes dont vous avez découvert une séropositivité, il s’agit de quelles personnes ? Quelles populations ?

Vincent Coquelin : La majorité c’est la France ou l’Europe. Après on a pas mal de personnes d’Afrique du Nord, Maroc, Algérie et d’Afrique centrale aussi et d’Amérique du Sud. C’est moitié population France Europe et moitié étrangère.

Sandra : Est-ce que c’est plutôt des personnes hétérosexuelles ou homosexuelles ?

Vincent Coquelin : Sur l’ensemble on a dû avoir 12 HSH, 4 personnes transsexuelles. Les autres c’est disons hétérosexuelles.

Sandra : Si jamais vous deviez refaire une opération de ce genre, comment allez-vous procéder ? Parce que vous, vous avez des objectifs, c’est de cibler les personnes dites prioritaires au dépistage, allez-vous vraiment dire que là attention ce test est réservé aux personnes afro-caribéennes, aux personnes HSH ?

Vincent Coquelin : Non, je pense qu’en fait, je trouve qu’on est très complémentaire dans les associations. Il n’y a pas que le dépistage du VIH. Le VIH c’est une chose. Il ne faut pas que les personnes aient recours qu’à ce type de test. Nous l’intérêt c’est qu’on puisse être, que les gens puissent avoir accès au dépistage lorsqu’on est présent, que ce soit par exemple dans un foyer, que ce soit à la sortie d’une gare RER, dans le quartier de château rouge ou château d’eau ou dans le marais, que les gens puissent avoir régulièrement recours à un dépistage rapide du VIH. Au-delà de ça, il faut quand même qu’au moins une fois par an les gens aillent dans un centre de dépistage, à partir du moment où ils prennent des risques, où ils ont une sexualité, il faut qu’ils puissent aller faire un bilan complet, pour la syphilis, les hépatites et autres infections sexuellement transmissibles. C’est ça l’intérêt. Nous on est un peu le biais, l’intermédiaire entre les deux. On est complémentaire. Du coup, il ne faut pas que les gens n’aient recours qu’au test rapide du VIH parce que sinon on va se retrouver demain avec des épidémies de syphilis ou d’autres infections sexuellement transmissibles.

Sandra : D’accord mais je veux dire que si jamais vous refaites une opération comme celle-ci, à qui va être destiné les dépistages rapides ? Est-ce que vous allez refuser des personnes qui ne font pas partie de vos objectifs ?

Vincent Coquelin : Non, on ne refuse jamais. Déjà au niveau des associations, les associations ont l’obligation, c’est de prioriser. On est habilité à mener des actions et à proposer du dépistage rapide. Donc ça, c’est l’Agence régionale de santé (ARS), et il y a un décret aussi sur le dépistage rapide, qui nous oblige à aller sur des populations plus prioritaires, donc les plus touchées par le VIH. Après nous, on ne s’interdit pas et donc toute personne qui vient et qui nous demande un test de dépistage, on l’accueille. Ça, c’est quelque chose qu’on s’est fixé. Après pour l’an prochain ce qu’il faut… nous, toute l’année on était présent sur le terrain et dans les lieux de vie des personnes. Pour nous, cette semaine-là c’était un focus sur l’intérêt de faire du dépistage et que les gens aillent se faire dépister plutôt que de faire en sorte que les gens aient conscience des risques qu’ils prennent et qu’ils aient envie d’aller faire du dépistage. Du coup qu’ils puissent y aller tout au long de l’année vers des structures qui sont déjà existantes et qui ne sont pas forcément toujours fréquentées. Après si l’action se renouvelait l’année prochaine, l’idée c’est aussi de faire travailler les associatifs et les structures soignantes et institutionnelles pour les amener à aller vers des publics particuliers. Ce qui nous avait un peu gêné c’était la très grosse pub qui avait été faite autour de cette semaine et qui du coup n’était pas dans le programme qu’on avait mis en place. C’est pour ça qu’on s’est senti déborder. On avait programmé des actions pour qu’elles répondent à un public particulier, qu’on puisse prendre le temps avec les personnes, pas faire de l’abattage. On préfère faire de la qualité et prendre le temps avec chaque personne pour pouvoir faire à la fois du dépistage, mener des entretiens de qualité. L’idée ce n’est pas forcément de faire 200 tests par jour, pour nous c’est de prendre le temps avec les personnes et de les laisser parler de leurs pratiques et les laisser poser des questions.

Sandra : Donc là du coup, à la prochaine opération, si une femme vient dans un sauna, elle sera dirigée ailleurs ?

Vincent Coquelin : Il y a des saunas qui peuvent être accueillants, qui peuvent ouvrir leurs portes à tout public, c’est des partenaires tout au long de l’année. Il y en a, c’est plus compliqué, quand on a 10 personnes qui ne correspondent pas à un public qui arrive dans un sauna où il y a que des hommes, c’est un peu compliqué. Plutôt leur proposer d’aller soit dans un local de AIDES, soit un bus qui est… nous on est régulièrement avec des bus dans Paris ou en banlieue. Donc il y a plein d’endroits. Il faut que les gens trouvent le meilleur endroit pour pouvoir aller faire du dépistage. On est aussi dans des associations, on essaye d’être dans un maximum d’endroits, on est plusieurs associations qui interviennent sur le dépistage aujourd’hui.

Sandra : Depuis cette intervention, y a-t-il une augmentation, une demande plus importante pour le dépistage rapide ?

Vincent Coquelin : Pas forcément dans nos actions, parce que nos actions se situent toujours dans des lieux qui ne sont forcément annoncés à l’avance. Dès qu’on se met par exemple à château d’eau, à Pigale ou à château rouge, de toute façon dès qu’on se positionne sur un lieu avec un camping-car et une tente, on va être toute la journée et de toute manière déjà assailli de demandes. Donc on ne sera pas en capacité forcément de répondre à toutes les demandes des personnes qui veulent faire du test. Donc après c’est un manque de moyens peut-être humain et matériel pour qu’on puisse proposer encore plus largement du dépistage.

Sandra : Mais de toute façon le dépistage rapide, tous les locaux de AIDES en proposent ?

Vincent Coquelin : Oui, il suffit d’aller sur depistage.aides.org. On a des petits créneaux par semaine. On ne veut pas être des centres de dépistages bis. On propose que des créneaux de 3 à 4 heures par semaine dans nos locaux. Le reste du temps, l’idée c’est quand même d’aller au plus près des personnes et de toucher des gens qui n’iraient pas de même vers une structure de dépistage. C’est vrai que quand on va dans des quartiers en banlieue, quand on va dans des bars, des saunas ou dans des foyers, c’est toujours plus intéressant parce qu’on touche une population qui n’irait pas d’elle-même vers le soin, vers la santé sexuelle.

Fin de l’enregistrement.

Sandra : Vincent Coquelin au micro de Vivre avec le VIH. Dites-nous chers auditeurs, ce que vous en pensez de cette opération, votre sentiment. Est-ce une bonne chose que des personnes qui n’étaient pas prévues au départ se soient intéressées au dépistage rapide ? Ou avez-vous l’impression qu’elles ont empêché de trouver les personnes qui échappent vraiment au système de soins ? Réagissez sur le site comitedesfamilles.net. Florence Lot, comme vous êtes médecin à l’institut de veille sanitaire, je me dis que vous avez souvent l’occasion peut-être de faire du dépistage ?

Florence Lot : Je n’ai plus d’activité clinique depuis…

Sandra : Ah d’accord.

Florence Lot : Je n’ai plus qu’une activité de surveillance épidémiologique donc je ne vois plus de patient. Bien sûr j’ai eu cette activité dans le passé mais je ne l’ai plus actuellement.

Sandra : Le dépistage rapide, qu’en pensez-vous ? Cibler sur des personnes dites prioritaires…

Florence Lot : Moi, je pense que ce sont vraiment des actions importantes intéressantes. L’idée c’est vraiment de promulguer au travers de ce genre d’action l’importance du dépistage, de rappeler l’importance du dépistage et d’essayer de le cibler parce qu’on sait bien que c’est plus efficace. On a beaucoup parlé du dépistage généralisé mais on en revient un petit peu. Finalement, on s’est rendu compte que dépister largement une population qui est peu à risque, ce n’était pas forcément le meilleur moyen pour justement faire diminuer ces personnes qui ignorent leur séropositivité. Donc autant cibler effectivement. Je voulais aussi revenir sur l’importance de, sur le fait que les TROD, c’est vraiment complémentaire à toutes les structures de dépistage qui existent déjà et ça ne doit pas remplacer ce qui existe, le dépistage classique, qui est fait dans les CDAG, par tous médecins, qui peut être proposé dans toutes consultations. C’est vrai qu’il y a le risque qui concerne toutes les IST à ne pas oublier et donc là, Vincent Coquelin en a parlé et aussi les hépatites B et C et on sait par exemple qu’au sein de la population migrante, c’est vraiment important de dépister largement à la fois pour le VIH et pour les hépatites B et C.

Sandra : Mais est-ce quand on cible le dépistage, est-ce que ça ne prive pas les autres de se faire dépister ? À force de cibler, là le dépistage rapide on le propose aux personnes afro-caribéennes, les personnes HSH, est-ce que du coup après les autres ne se sentent pas concernés par le VIH et du coup on se retrouve avec des gens qui ignorent leur séropositivité. Qui sont ces personnes qui ignorent leur séropositivité ? Est-ce qu’elles sont dans les personnes dites prioritaires ou est-ce qu’elles sont dans les personnes lambda ?

Florence Lot : L’INSERM a estimé que parmi les 30 000 personnes qui ignorent leur séropositivité à peu près 1/3 étaient des hommes ayant des relations avec les hommes, 1/3 des migrants hétérosexuels et puis 1/ 3 des hétérosexuels français. C’est vrai que le ciblage dont on parle, c’est peut-être parmi la population des hétérosexuels français où là effectivement il faut que, si la personne a pris un risque, elle se sente effectivement à risque et elle vienne au dépistage. C’est vrai que, de toute façon, il faut des campagnes de dépistages grand public, c’est clair pour amener les gens vers le dépistage.

Sandra : Chers auditeurs vous pouvez aussi réagir sur le site comitedesfamilles.net.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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