Sandra: Francis est un fidèle auditeur de l’émission de radio « Vivre avec le VIH » et il a souhaité une fois de plus partager son expérience avec nous pour deux sujets: la diversité des VIH parce qu’il est séropositif au VIH2 et sur l’annonce de la séropositivité à l’enfant. La semaine dernière lors de l’émission nous avons lu une lettre d’une maman d’origine d’Afrique Subsaharienne qui n’est pas d’accord sur le fait d’annoncer sa séropositivité à un enfant de 5 ans car les personnes séropositives sont très mal vues dans sa communauté. Après lecture de sa lettre Francis a souhaité lui répondre, on l’écoute.
Francis: C’est vrai je suis d’origine subsaharienne. Je suis originaire de l’Afrique de l’Ouest donc je viens à peu près de la même zone géographique que cette personne-là. J’ai deux filles qui sont adultes. L’aînée est mariée elle a deux enfants, la cadette n’est pas encore mariée elle a un enfant donc elles ne sont plus des enfants.
Francis: Par rapport à l’annonce. Je dois avouer que mes enfants et toute ma famille savent très bien que je suis malade. Tout le monde sait que je vis en France pour des raisons de santé. Mais est-ce que les gens arrivent à coller un nom sur ma pathologie? Ça je ne serais le dire. À travers les différentes discussions, je sais que beaucoup sont au courant de ma séropositivité parce que là-bas je participe à une association de lutte contre le VIH. Je fais des témoignages devant des personnes et après vous ne pouvez pas empêcher ces personnes-là d’aller parler. Pour moi, en fait, ce n’est pas un secret en tant que tel. Mais en même temps ce n’est pas un drapeau non plus, ce n’est pas mon identité, ce n’est pas une affiche. Donc je vis avec le plus naturellement, le plus tranquillement du monde. S’il faut en parler pour rendre service j’en parle, si ce n’est pas nécessaire d’en parler, je n’en parle pas. Parce que parfois les gens pensent qu’il faut annoncer pour attirer la compassion des gens. Je n’en ai pas besoin. Du coup je vis avec. On sait que je suis malade, certains savent que c’est le VIH, d’autres ne le savent pas. Ceux qui le savent le disent à qui ils veulent. Je n’interdis à personne de dire quoi que ce soit, mais je vis le plus tranquillement du monde avec ma pathologie. Telle est ma philosophie et tel est mon genre de vie.
Francis: Chaque personne est unique au monde. Chaque cas est unique au monde. Par certains côtés il y a des situations qui se regroupent, qui se ressemblent. Mais par d’autres côtés, ça peut diverger. Du coup comme je ne connais pas personnellement cette personne je ne vis pas avec elle, je ne connais pas son enfant,je ne sais pas comment évolue son enfant, dans quel milieu. Je ne sais pas quels sont ses rapports avec son enfant. Certains ont des rapports fusionnels avec leurs enfants, d’autres ont des rapports normaux, d’autres ont des rapports plus détendus ou lointains avec leurs propres enfants. Donc, en fonction de ses rapports là, les relations ne seront pas forcément les mêmes. Les confidences ne seront pas les mêmes. Du coup moi je pense que, puisqu’elle a un compagnon qui vit avec elle, qui est sensé mieux la connaître et mieux connaître ses rapports avec l’enfant. Je lui conseillerais plutôt de suivre les conseils de son compagnon. Parce qu’il est dans son intimité. C’est difficile de prodiguer des conseils parce que tout ce dont nous parlons est vraiment en l’air et c’est en dehors de la réalité. Je vais peut-être vous faire rire: c’est comme un couple, quand ça ne va pas trop dans un couple et que les gens sortent, ils racontent n’importe quoi. L’homme raconte n’importe quoi, de son côté la femme raconte n’importe quoi. Pourvu que chacun ait raison mais en réalité si vous menez une enquête approfondie, vous allez vous rendre compte que ni l’un ni l’autre n’ont dit la vérité de ce qui fait leur mésentente. Le plus souvent le problème est beaucoup plus intime que ça. Et chacun, pour des raisons de pudeur, n’ose pas dire la réalité, ils racontent n’importe quoi. Alors si vous vous contentez de n’importe quoi pour trouver la solution vous êtes toujours à côté. Pour ces raisons-là moi j’évite de donner des conseils parce que l’on peut toujours être à côté de la plaque. Il faut connaitre l’intimité des gens, il faut connaitre la vraie réalité de la vie des gens avant de pouvoir donner un conseil pratique. Pour cette raison moi je lui conseillerais, puisqu’elle cherche un conseil, de suivre l’avis de son compagnon. Sinon elle fait comme elle le sent, il n’y a pas de remède miracle.
Francis: Il n’est jamais trop tard, quelque soit l’âge. On peut toujours le dire, encore une fois. Si réellement elle pense que l’enfant n’est au courant de rien. Parce que parfois on pense que nos proches ne sont au courant de rien mais en réalité ils sont déjà au courant depuis de belles lunettes. Mais comme nous même nous n’en parlons pas, par respect pour nous, ils se taisent et nous regardent faire. Alors que dans le voisinage la nouvelle a fuité. Donc il faut mieux rester humble, humain et l’annoncer le plus naturellement possible et lui faire comprendre que ce n’est pas demain que tu vas mourir. Mais, en même temps, tu es atteint d’une très grave maladie, tu peux, d’un moment à l’autre t’handicaper. Tout dépend de tes chances. Autant tu peux vivre longtemps sans souci mais il peut y avoir des problèmes. Étant donné qu’elle est quand même maman, il faut que le jeune homme apprenne à savoir que sa maman est dans telle situation. Du coup pour moi ce n’est jamais trop tard pour le dire. On peut toujours le dire mais il faut adapter les mots en fonction des circonstances, en fonction de l’âge de la personne. Et aussi en fonction des rapports avec la personne à qui vous allez le dire. Il ne faut pas regarder ce que les autres ont fait pour le dire parce que vos situations ne sont pas les mêmes. Chacun constitue un cas particulier.
Sandra: Francis au micro de “Vivre avec le VIH”. Je vais demander à l’équipe radio et aux invités: que pensez-vous de la réponse de Francis? Est-ce un bon conseil? Êtes-vous d’accord ou pas? Dites-nous tout.
Yann: D’abord on remercie Francis de son témoignage. C’est sur que c’est au cas par cas, en tous les cas le message que j’ai retenu c’est qu’il n’est jamais trop tard pour le dire. Après il y a la manière de le dire. De toute façon, si j’ai bien compris la lettre c’était aussi une envie de la part de cette auditrice de pouvoir l’annoncer à son enfant.
Sandra: Oui tout à fait. Elle est encouragée par son compagnon donc elle a envie de le dire mais elle n’était pas d’accord pour l’annoncer à un enfant très jeune.
Yann: Oui, surtout dans sa communauté.
Sandra: Surtout dans sa communauté où les personnes séropositives sont mal vues.
Yann: Mais bon je l’avais dit, c’est aussi en bousculant toutes ses choses que les mentalités changent.
Professeur Ouele: Oui, je crois qu’il a été très honnête et très humble car ça ne sert à rien de cacher ce qui est déjà connu. J’ai apprécié son intervention.
Sandra: Chers auditeurs vous pouvez réagir, cette maman attend d’autres réactions, notamment de maman qui sont passées par là. Ça lui ferait du bien d’avoir quelqu’un qui est passé par l’annonce de la séropositivité. Il n’y a pas de phrase magique mais c’est toujours encourageant d’entendre des expériences.
Yann: Surtout si c’est une maman qui a élevé son enfant toute seule et qui a trouvé la solution pour lui annoncer. Ça pourrait vraiment l’aider.
Sandra: Donc nous attendons vos messages sur le site comitedesfamilles.net ou vous pouvez nous appeler au 01 40 40 90 25.
Transcription : Lucas Vitau
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