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06.02.2014

Laurence Morand-Joubert : «Beaucoup de médecins passent à côté de la primo-infection à VIH»

Sandra : Discussion avec Laurence Morand-Joubert sur la primo-infection à VIH. Quelques questions, pour vous connaître un peu, avant de rentrer dans le vif du sujet. Donc vous m’avez dit que vous êtes virologue. Est-ce que vous recevez quand même des patients par le VIH ou pas du tout ?

Laurence Morand-Joubert : J’en vois dans le cadre de la recherche clinique. Mais je suis médecin, j’ai été médecin avant mais maintenant je fais vraiment que de la virologie à l’hôpital. Je fais pas mal d’enseignement à la faculté et puis de la recherche clinique avec l’ANRS [[Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites]], avec les firmes pharmaceutiques, avec l’IMEA [[Institut de Médecine et d’Epidémiologie Appliquée]], avec différentes associations.

Sandra : Et là en ce moment, vous pouvez nous dire sur quelles recherches vous travaillez ?

Laurence Morand-Joubert : Je travaillais avant beaucoup sur les résistances du virus aux antirétroviraux. Maintenant un peu moins parce qu’il y a moins de résistance donc je travaille essentiellement sur le réservoir viral. Ce qu’on peut appeler entre guillemets l’éradication virale ou plutôt la cure fonctionnelle.

Sandra : Ce qui intéresse beaucoup de personnes séropositives. C’est un sujet qui revient constamment l’éradication. Quand est-ce qu’on va se débarrasser de ce virus. Avec votre expérience, avez-vous développé une spécialité ? Au sein de votre parcours, est-ce qu’il y a des sujets qui vous tiennent à coeur…

Laurence Morand-Joubert : Oui, je vous dis sur la résistance du virus aux médicaments et puis tout ce qui comporte sur le réservoir du virus dans l’organisme. Que ce soit dans le LCR, dans les cellules infectées, voilà.

Sandra : Alors aujourd’hui vous êtes ici pour parler de la primo-infection. Il y a tout un chapitre qui est consacré à la primo-infection à VIH dans le rapport Morlat 2013. Pouvez-vous nous dire ce que c’est la primo-infection ?

Laurence Morand-Joubert : La primo-infection c’est un terme en général qui est un peu utilisé à tout va. C’est-à-dire plutôt en général en disant c’est une infection récente. L’infection récente dans le VIH c’est moins de 6 mois. Ce qu’on appelle primo-infection en revanche c’est vraiment l’infection juste après la contamination. Dans les quelques semaines après, souvent les deux premiers mois après la contamination. Là au moment où il y a une grande dissémination virale. Quand on est à un stade plus tardif entre 2 et 6 mois, le système immunitaire commence à faire son travail et donc à contrôler le virus. Mais le virus est rentré dans les réservoirs et donc là quelque part on a loupé en fait une étape pour le stopper. La primo-infection c’est vraiment… si j’avais un schéma je pourrais vous montrer que c’est le moment en fait où il va commencer à rentrer dans l’organisme et à se multiplier activement sans que le système immunitaire puisse en fait le contrôler. Et bon, on va certainement parler après du traitement mais donc c’est une phase qui est assez courte. C’est une phase qui peut être asymptomatique donc dans ce cas-là, à part les gens qui viennent en disant j’ai eu une prise de risque à tel moment et à ce moment-là on peut se dire 8 à 15 jours après, la personne va être dans la primo-infection ou alors les personnes viennent et sont symptomatiques avec ce qu’on appelle un syndrome pseudo grippal, une éruption cutanée. Ça peut même aller jusqu’à l’hospitalisation et c’est des signes qui ne sont pas très spécifiques. Et aujourd’hui ce qui est rappelé dans le rapport c’est de dire qu’il y a beaucoup de médecins qui passent à côté. En hiver, quelqu’un vient, j’ai de la fièvre, j’ai un peu d’angine, j’ai des douleurs articulaires, bon. Ça doit être une grippe. Et on ne fait pas de test pour rechercher une primo-infection. Donc dans le chapitre, c’est bien rappeler que cette étape est souvent en fait manquée. Quand les personnes qu’on voit après, qu’on diagnostique à un stade beaucoup plus tardif, ce n’est pas rare quand on discute avec eux qui disent bah oui, il y a quelques années, j’étais très malade, j’avais eu un rapport et tout ça et j’ai été très malade. Et on retrouve ces symptômes.

Sandra : Tina, la primo-infection tu connais ?

Tina : Oui, justement c’est ce que disait le médecin c’est des personnes qui m’ont expliqué qu’elles ont découvert leur séropositivité parce que tout d’un coup elles sont tombées gravement malades et que c’était au moment de la primo-infection qu’il y a eu même hospitalisation. Ce n’est pas fréquent mais j’en connais quelques-uns qui ont connu leur séropositivité à cette occasion. Moi-même je n’ai aucun, au moment où j’avais eu le test positif, j’ai essayé de réfléchir en arrière, je n’avais aucun souvenir d’un épisode un peu plus difficile au niveau de ma santé. Donc bon, j’ai dû être asymptomatique. Ma question c’est en fait, pour vous, ce que vous venez de dire ça veut dire qu’il faudrait de nouveau aller vers une proposition aux médecins généralistes de faire des dépistages un peu systématiques ?

Laurence Morand-Joubert : C’est ce qui est un peu rappelé dans le rapport. À la fois dans le chapitre dépistage mais aussi dans le chapitre primo-infection, c’est que tous médecins pensent à l’infection VIH devant ces symptômes. Même quand il n’y a pas de symptôme et que c’est quelqu’un qui est jeune, qui prend des risques, de proposer un test. Donc ça c’est dans le cadre du dépistage. Dans le cadre de la primo-infection le problème est un peu plus compliqué puisqu’il n’y a pas encore les anticorps. Donc si on fait un test, ce n’est pas sûr qu’il soit positif. Et encore plus si on fait un test rapide. Parce que le test rapide c’est sûr qu’il sera négatif. Et donc on va dire à tort à la personne qui va faire un test rapide, vous n’êtes pas infecté. Et la personne va repartir chez elle donc rassurée. Nous, on a eu ça à Saint-Antoine aux urgences. Une personne est venue qui avait pris des risques 8 jours avant, qui avait des symptômes. Ils ont fait un test rapide. Ce test rapide, c’est rappelé qu’il ne faut surtout pas le faire puisque ce n’est pas un test qui combien à la fois recherche des anticorps et des antigènes. Donc c’est un test qui est moins sensible que le test combiné que l’on fait de façon classique. Et donc le test était négatif, la personne n’allait vraiment pas bien, elle est rentrée. Il se trouve que c’était quelqu’un d’un milieu informé et qui est revenu après à Saint-Antoine le lundi en disant que ça ne va pas. C’est là où on a fait ce qu’on appelle une charge virale, on quantifie le virus dans le sang et la personne avait 2 millions de virus par ml dans le sang. Donc elle était très contagieuse. Donc si on en était resté juste à ce test, on passait à côté et la personne aurait pu contaminer d’autres personnes puisqu’on lui avait dit qu’elle n’était pas infectée.

Tina : Ici à l’émission il y a eu souvent des débats sur au bout de combien de temps maximum le test, soit rapide ou test classique dit clairement si une personne est positive ou négative. C’est-à-dire est-ce qu’il faut après une prise de risque au moins refaire le test trois mois après pour être sûr ou bien est-ce que 6 semaines…

Laurence Morand-Joubert : 6 semaines. Avec les tests combinés c’est 6 semaines.

Tina : Et avec le test rapide ?

Laurence Morand-Joubert : Avec le test rapide c’est 3 mois qui a une sensibilité moindre. Si c’est un test combiné, au bout de 6 semaines c’est bon.

Sandra : Pourtant quand j’avais été accompagner quelqu’un pour un test rapide et ils rappellent bien que si vous avez pris un risque. Après c’est vrai que l’effet de se dire je suis séronégatif ouf. Ce qui fait que la personne va se dire, c’est bon, je ne suis pas concernée. Mais quand même les gens qui font le test rapide précisent bien aux personnes que, attention, si vous avez pris un risque…

Laurence Morand-Joubert : Bien sûr. Mais normalement si un risque est pris dans les semaines avant de faire le test rapide, il ne faut pas le faire ce test. Il vaut mieux préconiser un test combiné. Surtout que maintenant, il y a des tests combinés qu’on a très rapidement. Il se trouve qu’il faut faire une prise de sang, c’est quand même dans une enceinte médicale. Le test rapide, ce qui est bien, c’est que ça peut être fait ici dans une association, dans un bureau…

Sandra : C’est un peu moins médicalisé.

Laurence Morand-Joubert : Voilà. Mais il faut savoir toutes les limites de ce test. En terme de sensibilité et de spécificité. À l’inverse, il y a plus de faux positif. Donc quand vous allez rendre un test rapide positif, qu’est-ce que vous allez dire à la personne ? Qu’elle est infectée. Non, elle n’est pas infectée. Il faudra faire d’autres tests derrière.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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