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04.06.2014

Lille : Jean, survivant de l’épidémie du VIH, interpelle les séropositifs et politiques

Sandra : Vous êtes à l’écoute de l’émission de radio Vivre avec le VIH et Jean est avec nous, peux-tu te présenter ?

Jean : Bonjour, je m’appelle Jean, j’habite dans le nord de la France voilà. J’ai 60 ans et je suis séropositif depuis 20 ans.

Sandra : Et c’est la première fois que tu participes à l’émission de radio Vivre avec le VIH alors bienvenu. On est content de faire ta connaissance.

Jean : Merci, bonjour à tous.

Sandra : Il y a Yann qui est là.

Yann : Bonjour Jean. Première question, comment tu nous as rencontrés ?

Jean : En fait je suis suivi par un centre hospitalier dans le nord de la France et c’était dans votre revue Remaides, je me suis permis de vous contacter.

Sandra : Donc en fait, la revue Remaides qui est éditée par Aides a fait un article sur nous par rapport à notre nouveau site comitedesfamilles.net et donc dedans on avait passé un appel pour dire que si vous habitez en province, n’hésitez pas, on peut faire des choses ensemble et donc Jean a saisi cette occasion, il nous a appelés, et le voici.

Jean : Voilà.

Sandra : Vendredi tu vas rencontrer les élus de ta ville pour parler du Comité des familles, des projets que tu as envie de faire pour les séropositifs de ta région avec nous. Mais avant, nous allons faire connaissance avec toi. Qui es-tu ? Quelle est ton histoire avec le VIH ?

Jean : Alors mon histoire est très longue, elle date d’il y a 20 ans exactement. J’ai appris ma séropositivité sur le trottoir en face de chez moi. Je vivais avec mon mec et il était hospitalisé pour la même raison. Et il était en fin de vie et on m’a demandé de faire le test. J’ai appris ma séropositivité par le médecin traitant sur le trottoir de la maison. Ça a été l’horreur absolue pendant toute cette période et ensuite l’isolement total. Donc rejet par la famille, par les amis.

Sandra : Isolement total mais tu as eu quand même besoin d’en parler et du coup tu en as parlé à qui de ta séropositivité ?

Jean : Je n’en ai pas parlé parce que tout le monde supposait que j’étais infecté or, je ne l’ai jamais communiqué. Enfin, je l’ai communiqué mais 11 ans plus tard. Pour la simple et bonne raison, parce qu’il y avait déjà un rejet et je ne savais pas à qui l’annoncer sauf au milieu médical. Et donc personne ne le savait mais comme on faisait entre parenthèses le couple parfait, on avait une vie sexuelle séparée et tout le monde avaient supposé ou émettaient les suppositions que j’étais séropositif. Mais je ne l’ai divulgué qu’en 2005 c’est-à-dire 11 ans après.

Mon annonce a été horrible parce que je pensais avoir des moyens de contacts et puis ça a été l’horreur. À savoir que j’ai confirmé ce que les gens supposaient. Et donc, en fait là il n’y a plus de contact du tout, même avec des amis très proches, ça a été… ensuite je me suis remis avec quelqu’un et il s’en doutait mais le fait que je lui ai annoncé, en fait comme il était maniacodépressif ça a été l’horreur. Et donc agression, il est parti en hôpital psychiatrique, j’ai été agressé plusieurs fois et hospitalisé.

Yann : Toi, tu l’as attrapé en 1994 à peu près Jean ?

Jean : Oui.

Yann : Ah oui donc les trithérapies n’étaient pas sorties encore.

Jean : Non. Alors la chance que j’ai eue c’est qu’en fait, de 1994 à 1996 j’attendais en fait un déclenchement et je me suis dit c’est terminé, tous les amis que je connaissais étaient décédés du VIH, donc mon ami aussi donc l’horreur. Et donc je me suis dit en fait, c’est quand mon tour ? Demain ? J’ai attendu pendant 2 ans. Pendant 2 ans je n’ai rien fait, je me suis réfugié dans l’alcool. C’était le seul moyen de repère. Je n’avais rien, je suis resté 6 mois dans une maison seule. Je ne pouvais pas en parler professionnellement parce que, même dans les gens que je connaissais qui étaient dans le milieu médical, passaient d’un trottoir à un autre pour éviter de me parler. Donc j’avais comme seul moyen de repère, le refuge, c’était l’alcool. Et en 1996, je devais partir travailler à l’étranger donc je voulais voir où en était ma séropositivité et là, les CD4 étaient inférieures à 200 donc le médecin m’a appelé pour me dire que si je n’agissais pas dans les meilleurs délais, j’avais une mort certaine dans les mois qui suivaient. Donc là, je suis allé dans un centre, j’ai eu un très mauvais contact et donc je suis allé dans un autre et là j’ai eu un contact parfait et les trithérapies sont arrivées, on m’a mis tout de suite sur trithérapie. Les CD4 sont remontés régulièrement et là, j’ai toujours une charge virale à ce jour indétectable et un taux de CD4 à 800 malgré que j’ai replongé dans l’alcool, que j’ai arrêté depuis près d’un an, avec grand bonheur. Et plusieurs tentatives de suicide, insuffisance rénale et tout. Tout est revenu à jour et c’est complètement parfait.

Sandra : Bravo d’avoir arrêté avec l’alcool.

Yann : Mes félicitations.

Sandra : La semaine dernière, on a parlé des addictions et donc de l’addiction à l’alcool. Donc je t’invite à l’écouter si ça te dit. Et j’invite les auditeurs à l’écouter parce que c’était une émission vraiment intéressante avec le docteur Éric Hispard qui a vraiment une façon de parler, comment dire, on sent que c’est quelqu’un de très humain, très à l’écoute. Avec ton infectiologue aujourd’hui, est-ce que tu peux parler de tout ?

Jean : Oui, tout à fait. Je voudrai parler de l’indifférence des gens, aussi bien de mon entourage et puis également, je suis obligé de le dire, parfois dans le milieu médical. Alors là, ça me touche beaucoup parce que j’ai été obligée de me faire opérer ailleurs que dans ma grande ville. Il fallait que les médecins trouvent le médecin adéquat, trouve la clinique qui accepte de faire l’opération. J’ai le sentiment de même encore 20 ans après d’être encore encore plus isolé, autant isolé, peut-être pas plus mais autant. Donc il n’y a pratiquement aucune amélioration et ça, j’en souffre beaucoup. Et je ne suis pas le seul parce que je sais qu’à partir du moment où on dit qu’on est séropositif, moi en plus j’étais alcoolo, et bien en fait c’est le rejet total. En fait on a l’étiquette et elle est indélébile.

Yann : Tu as fréquenté quelques associations dans ta région, sur Lille tu es je crois ?

Jean : Alors écoute, le problème c’est qu’à chaque fois, j’y allais tous les 3 mois maintenant. Maintenant on m’a demandé de venir tous les 6 mois pour les contrôles et je n’ai jamais vu une association. Personne en ville et c’est une grande ville. Une des plus grandes villes du Nord. C’est pour ça votre passage dans la revue m’a beaucoup intéressée. On n’a rien. On crée des centres spécialisés pour ceux qui sont accidentés mais nous, moralement, même si physiquement on a l’air relativement bien mais moralement, on en souffre beaucoup et on prend 10-15 ans d’âge sans s’en rendre compte.

Yann : Donc on peut dire que c’est du passé alors ? Maintenant que tu nous as rencontrés ? Tu vas militer et faire plein de choses dans ta ville peut-être.

Jean : Je vais essayer de remuer les pouvoirs politiques.

Sandra : Justement, j’allais te demander, vendredi tu vas rencontrer les élus locaux de ta ville, tu attends quoi d’eux ? Pourquoi est-ce que tu les as interpellés ?

Jean : En fait, d’abord de savoir quelle sera leur réaction par rapport l’association. Comme c’est un mouvement opposé à celui qui est actuellement. J’ai beaucoup plus de connaissances dans la ville où j’habite. Si le courant ne passe pas, j’irai dans l’autre ville pour essayer de me revaloriser mais je connais des gens dans les établissements publics de santé mentale qui m’aideront beaucoup de façon à communiquer cette association aux gens qui sont séropositifs et qui pourront appeler.

Sandra : Les élus locaux de ta ville sont de gauche ou de droite ?

Jean : De droite.

Sandra : Tu penses que c’est pour ça que ça risque de mal se passer ?

Jean : Oui. J’ai une expérience personnelle, j’ai voulu mentionner séropositif, on m’a conseillé de ne pas le mentionner.

Sandra : Quel est le message que tu souhaiterais faire passer aux séropositifs de ta ville, de ta région ?

Jean : De ne pas baisser les bras. Il y a toujours un moyen de repère. Il y a toujours un moyen de s’en sortir. Le seul problème c’est qu’il faut se créer un environnement. Moi, je n’ai rien. Je marche beaucoup, je marche 3-4 fois par jour et ça, ça me fait le plus grand bien. C’est ce qui je crois m’a permis de me sauver parce que c’est un moyen d’évasion, c’est un moyen de se libérer, c’est un moyen de crier, de chanter, un moyen de pleurer. Personne ne nous écoute, sauf la nature. Et ça, c’est extraordinaire. De manger correctement, d’avoir une bonne hygiène de vie, surtout ne pas replonger dans l’alcool, éviter les drogues. Le tabac. Je mange beaucoup de fruits, beaucoup de légumes et je fais beaucoup d’activité physique. Et j’essaye de positiver parce que j’ai encore maman qui est en vie, qui a 90 ans, qui est en pleine forme et donc ça, ça aide beaucoup donc si on peut se rattacher à quelqu’un, ça aide.

Yann : Et concrètement, par rapport à la visibilité, tu n’as pas de mal à montrer ton visage, à t’investir de manière visible ?

Jean : Non, du tout. Plus maintenant.

Yann : Dans les premiers temps, tu voudrais faire quoi ? Une annonce par exemple pour essayer de rassembler quelques séropositifs dans un parc public ? C’est quoi l’idée ?

Jean : L’idée de départ, c’est de sortir les séropositifs qui sont actuellement dans ma région, les rencontrer dans un parc, un café, ailleurs de chez eux, un endroit bien localisé hors de la ville. D’avoir des moyens d’échanges, de communiquer, si on a un coup de blues de pouvoir appeler. Parce que là, on n’a rien. Il y a l’association AIDES mais bon, pour moi, je n’y crois pas et je ne les ressens pas. En 18 ans de parcours hospitalier, je ne les ai jamais vus. Il y a des annonces pour des repas conviviaux. Aller chez les autres non, il faut que les gens viennent à moi.

Sandra : Tu disais tout à l’heure qu’il n’y avait pas d’association dans ta ville mais là tu nous parles de l’association AIDES donc il y a quand même l’association AIDES qui fait des choses avec les personnes séropositives ?

Jean : Oui, mais il faut y aller. C’est le problème. Ça veut dire qu’on va chercher quelque chose. Ce n’est pas toujours évident. De plus quand on est ville, tout le monde se connait, on peut être vu, remarqué. Donc moi, je n’y suis jamais allé parce que je n’avais pas envie même si parfois j’étais près d’y aller.

Yann : Comment tu vas faire ? Bon, là je sais que c’est des questions un peu délicates mais comment tu vas faire pour éviter que les séropositifs aient du mal à nous rencontrer, à aller voir le Comité ? Parce qu’ils risquent de se poser le même problème que toi tu as eu avec AIDES.

Sandra : Oui, parce que pour aller au Comité des familles, il faut faire le pas. Parfois, à Paris, il y a des personnes qui mettent du temps à aller à l’association parce qu’ils ont une peur de rencontrer des gens comme eux, même s’ils ont envie quelque part il y a une peur. Il y en a qui mettent des jours, des semaines, des années pour venir à l’association.

Jean : Il y a une barrière quand même.

Yann : Oui, parce qu’on pense toujours que c’est un peu ghettoïsé. J’ai des amis séropositifs qui n’ont jamais mis un pied dans aucune association. Ce n’est pas pour tout le bien que je leur dis du Comité des familles mais voilà, je ne désespère pas parce que je sais qu’à un moment, ça se déclenchera et que la personne viendra par elle-même. Maintenant, si on la force, ça ne marche pas non plus.

Jean : En fait, on peut rencontrer les gens de par les médecins qui les suivent, qui peuvent passer un message, parce que nous on n’aura pas communication des gens qui sont séropositifs. Mais le milieu médical peut faire passer le message de la création qu’il existe une association qui permet de communiquer. Et puis ça, je pense qu’ils peuvent le faire.

Sandra : Pour l’instant, est-ce tu es vraiment tout seul ou est-ce que tu connais déjà autour de toi des personnes séropositives qui ont la même envie que toi ?

Jean : Non, parce que chacun est individuel mais chacun a envie de faire quelque chose. Mais chacun reste dans son coin parce que c’est ancré dans l’esprit, c’est pratiquement une maladie honteuse.

Sandra : Qu’est-ce qui te plait au Comité des familles ?

Jean : Ce que j’ai lu, c’est qu’il pouvait avoir un soutien au niveau des séropositifs. Je me suis appliqué dans une association qui s’appelle en fait le restos du coeur, en tant que bénévole et ils m’ont apporté énormément. Aussi bien avec les bénévoles qu’avec les bénéficiaires. Et je me suis dit que je pouvais quand même donner quelque chose par une communication, par une présence et ce est-ce que j’avais remarqué dans le reportage, qu’il existait enfin quelque chose pour les séropositifs. Et même si par la suite, créer un centre de repos ou un centre de vacances, un centre les week-ends où on se retrouve, qu’on puisse parler de tout et de rien. Se sentir bien, et ça, c’est important.

Yann : Tu es au courant j’imagine pour l’inauguration du local dans le 20e arrondissement ?

Sandra : C’est justement ce que j’allais lui demander, est-ce que tu seras présent à notre inauguration le 21 juin ?

Jean : Je ferai le maximum mais si je viens malheureusement je ne pourrai pas y rester 24 heures mais je ferai le maximum pour y venir. J’ai des problèmes personnels avec ma mère donc ce n’est pas évident.

Yann : Sache qu’après, si c’est un problème de logement pour le 21, c’est-à-dire la nuit du samedi, on pourra se débrouiller pour te loger entre les membres. Ça s’est déjà fait. Mets-le dans un coin de ta mémoire et préviens-nous au plus vite. Ce serait idiot que tu sois bloqué juste pour rentrer le soir à Lille. Sache qu’on se débrouillera pour te trouver une couette.

Jean : Merci, ce serait sympa.

Sandra : Merci Jean pour ta participation. On est vraiment très content de faire ta connaissance. On espère qu’on pourra faire plein de choses ensemble.

Jean : Bon courage à tous. Il y a toujours une solution, il y a toujours un espoir.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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