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06.03.2014

Ma maman pète la forme même si elle a le VIH

Loane : Bonjour, moi c’est Loane, je vais avoir bientôt 32, je suis séropositive depuis mes 17 ans et j’ai 4 enfants, je suis maman au foyer pour le moment.

Sandra : Ah oui 4 enfants, moi j’avais dit 5. Oups ! Je me suis trompée.

Loane : Non, 4, c’est déjà pas mal.

Sandra : Tu es avec nous pour parler de l’annonce de la séropositivité à l’enfant. Yann et Jennyfer ont partagé leurs expériences. Je vais te demander comment ça se passe pour toi, est-ce que oui ou non tu en as parlé à tes enfants ?

Loane : Oui, j’en ai parlé à ma grande car elle a actuellement maintenant 13 ans. Donc je pense qu’elle est en âge de comprendre certaines choses. D’ailleurs elle m’a dit qu’ils ont en parlé de ça à l’école, donc elle était un peu informée sur le sujet, donc dans un sens tant mieux. Je lui ai parlé, depuis qu’elle est petite en fait, elle me voit prendre mes traitements. Même celle qui a 6 ans, elles savent que je suis malade. Mais je ne leur explique pas plus jusqu’à qu’elle soit capable de comprendre les choses. Ma fille de 13 ans, je l’ai mise au courant quand elle est rentrée au collège sans dire de mot sur la maladie trop, jusqu’à ce qu’elle commence à comprendre d’elle-même et à m’en parler en fait parce que bon à l’école ça a parlé et je pense qu’elle a mis un mot dessus. Puis du coup on a parlé ouvertement. J’en parle vraiment ouvertement avec elle. C’est moi qui lui en parle parce que je vois bien qu’elle n’est pas l’aise sur le sujet. En même temps, parler, entre guillemets, de sexe avec sa mère, ce n’est pas l’idéal. Mais bon je préfère être ouverte comme ça elle sait qu’au moins que si elle veut en parler, je suis vraiment open là-dessus. Donc vaut mieux qu’elle m’en parle que pas du tout. Je vois ça comme ça. Je préfère lui dire écoute voilà, on attrape ça comme ça, tu vois bien, ce n’est pas facile à vivre donc fais en sorte que dans ta vie tu ne l’es pas. J’essaye de lui faire comprendre surtout ça comme ça parce qu’elle vit au quotidien avec moi et elle sait que ce n’est pas tous les jours faciles, même si on vit bien.

Sandra : Peux-tu préciser le contexte. Comment lui as-tu annoncé ? Un jour comme ça par hasard, tu t’es levée et hop ou est-ce que tu as pris le temps d’installer une situation ? À un moment du repas ? Une sortie entre vous ?

Loane : Non, déjà elle m’en entendait parler avec mes grossesses qui ont été difficiles à l’hôpital. Elle a grandi avec des naissances compliquées, les enfants ils sont là, ils en entendent parler. J’étais tout le temps avec elle donc je pense qu’en fait, je n’ai pas eu vraiment besoin d’en parler. Ça s’est fait naturellement et je lui ai expliqué les choses. Maintenant c’est vrai que, je le vois bien, elle a peur. C’est ça que j’essaye de lui faire comprendre, que je vais bien. J’ai bien vu qu’elle a eu des moments difficiles en fait après. Il y a des moments où quand je n’allais pas bien, du coup elle n’allait pas bien. C’est ça qui est le plus dur pour moi. Après sur le fait de lui apprendre, ça s’est bien passé parce que, comme elle dit à son prof, qui a appris par hasard à quelqu’un, qui demande souvent des nouvelles de moi, a dit : « elle pète la forme ma mère ». Parce qu’elle sait pourquoi il demande de mes nouvelles. En gros ce n’est pas parce que ma maman a ça qu’elle n’est pas bien. Mais elle sait ce qu’il faut faire pour ne pas l’avoir et elle n’en veut pas, on n’en a parlé. Maintenant elle l’a bien pris sur le coup mais c’est quelqu’un qui est très renfermé donc elle le fait ressentir par-derrière.

Sandra : Et tes autres enfants ?

Loane : L’autre a 6 ans, donc elle me voit prendre des cachets. Pareil, je lui dis bah tu sais maman est malade, elle a une maladie donc pour soigner il faut qu’elle prenne des cachets tous les jours mais tu vois je vais bien. Je n’en parle pas plus que ça pour l’instant. En plus ce n’est pas possible en primaire, ça va vite faire le tour, elle n’est pas assez mature pour comprendre les choses.

Sandra : Yann et Jennyfer, une réaction par rapport au témoignage de Loane ?

Yann : Je pense que la première réaction de sa grande fille, c’est la peur, la peur forte de comprendre qu’elle peut peut-être perdre sa maman. Effectivement, dès que Loane n’est pas bien ou faible ou souffrant, je pense que sa fille, ça peut la ramener à la mort quoi. À se dire, je peux perdre maman de cette maladie. C’est ce que disait la psychologue tout à l’heure.

Jennyfer : Mais c’est vrai que par rapport aux plus jeunes, je pense que vu qu’ils ne l’ont pas le VIH, il n’y a pas besoin de mettre réellement un mot justement pour ne pas les inquiéter comme pour la plus grande qui a plus la conscience après par la suite des choses justement. Je pense que tu fais bien de ne pas forcément mettre un mot ou tout détailler sachant qu’ils ne l’ont pas.

Yann : Après, l’entrée du collège je ne sais pas si c’est le meilleur moment parce qu’il y a déjà tellement de chamboulement. C’est pour ça que vraiment je préconise le plus tôt parce qu’il y a pleins de raisons comme ça où on se dit là ce n’est pas le bon moment, après c’est la prépuberté, ce n’est pas le bon moment, après 18 ans… et à la fin on cache des choses et ça devient… plus on attend, plus j’ai l’impression que ça devient compliqué quoi.

Loane : Bah moi en fait ce qui se passe c’est qu’ils vivent avec moi au quotidien, j’ai eu des combats avec les naissances de mes autres filles en fait. Je pense qu’avec ma grande, on n’a pas eu besoin d’en parler. Elle a eu la confirmation au collège avec ce qu’elle a entendu en cours, les choses comme ça. Et je pense qu’elle a eu besoin de confirmation de ma part, mais elle le savait déjà en fait. Elle était tout le temps avec moi, c’est elle qui a eu le plus lourd combat des quatre parce que c’est plus compliqué. Je pense qu’elle a vraiment… elle a compris en fait. Elle avait déjà compris depuis petite en fait.

Yann : C’est clair, ils nous observent tellement que même les gens qui pensent que leur enfant ne savent pas qui prennent des médicaments, la plupart, les enfants savent très bien que leurs parents, il y a une espèce de boite où ils ont déjà vu leurs parents prendre ça. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose de leur cacher en tout cas et puis ça leur prouve qu’on les aime et qu’on leur fait confiance…

Loane : Ma petite de 6 ans parfois, elle me les prépare mes cachets. Mais elle ne sait pas spécialement pourquoi j’en prends. Je n’ai pas expliqué.

Sandra : Il nous reste un peu moins de 10 minutes avant que Zina appelle. Peut-être Nadine Trocmé vous voulez réagir sur le témoignage de Loane ?

Nadine Trocmé : Oui. D’abord pour aller dans votre sens, je pense que les enfants savent toujours ce qu’ils ne doivent pas savoir. C’est-à-dire que le secret, le non-dit entraine toujours des silences de la part des parents, les enfants ressentent ce silence, ils savent qu’il y a certaines questions qui ne trouvent pas réponse, que certaines questions ne doivent pas être posées. C’est comme ça. Moi, en vous écoutant, je me suis dit que votre fille devait être relativement inquiète parce que vous ne lui aviez pas formulé ce qui se passait pour vous. Je l’imagine en classe faisant le lien entre ce qu’elle avait plus ou moins senti, perçu et puis l’information qu’elle recevait à l’école. C’est bien, c’est très bien qu’elle vous en ait parlé. Ça prouve aussi qu’elle avait quand même une grande confiance en vous, d’aller chercher la réponse vers vous.

Loane : Elle m’a dit qu’elle connaissait les réponses en fait, de ce qu’elle avait vu en cours.

Nadine Trocmé : Oui, tout à fait. Ça prouve qu’elle avait quand même extrêmement confiance en vous parce qu’elle aurait pu aussi comme moi j’ai déjà rencontré des enfants, ne rien dire, rentrer de l’école chez vous en gardant encore le silence. Donc ça, c’est déjà pas mal qu’elle vous en ait parlé. Mais je suis tout à fait d’accord avec Yann. C’est certainement… il y a des moments comme ça par rapport à cette annonce, qui ne sont pas des moments très bien venus. Par exemple attendre l’adolescence pour parler de ce type de problème avec effectivement, vous l’avez dit, tout ce que ça engendre au niveau du vécu de la sexualité, etc. Une sexualité qui peut être dangereuse avec laquelle on peut se contaminer, etc. Ce n’est peut-être pas vraiment le moment, au moment où on a des tas de questions identitaires qui suis-je, où vais-je, etc. Quad on dit je suis séropositive, on s’aperçoit bien d’ailleurs que c’est une question totalement identitaire. On est plus que ça. Et quand on devient séropositif, contaminé à la naissance on se dit, bon maintenant je n’ai plus de question à me poser, c’est fichu, je suis séropositif. Donc on sent bien que c’est une question essentiellement identitaire qui est particulièrement sensible à l’âge où on entre dans l’adolescence. L’adolescence qui est évidemment aussi l’âge de toutes les questions identitaires. Moi je voudrais aussi répondre sur un second point. Autant concernant ce qu’a dit Yann que vous-même Loane. Tous les deux vous avez employé le mot maladie. Yann a dit : « j’ai dit à ma fille que j’avais une petite maladie ». Et vous, vous avez dit : « Je lui ai dit que j’étais malade ». Est-ce que vous étiez vraiment malade ? Est-ce que dire à un enfant que vous êtes porteur d’un virus ou d’un petit microbe, puisque Yann l’a dit à sa fille quand elle était toute petite, est-ce que ça n’aurait pas été suffisant pour rassurer cet enfant qui justement vous posait la question, pourquoi maman tu prends des médicaments ? Comme l’a dit Yann c’est : « j’espère que tu ne vas pas mourir ». Dire simplement à un enfant, moi je vais t’expliquer, dans mon sang, j’ai un petit microbe ou en fonction de l’âge de l’enfant, j’ai un virus. Mais ne t’en fais pas, je ne suis pas malade. C’est un médicament qui m’empêche de tomber malade, parce que ça endort mon virus ou mon microbe. Je vous assure que ça déjà, c’est la première réponse qu’attendent les enfants quand ils vous posent la question, dis-moi maman, qu’est-ce que tu as, pourquoi tu prends des médicaments ? Dès lors où ils savent que vous prenez des médicaments…

Loane : C’est pour ça qu’elle dit que je pète la forme maintenant.

Nadine Trocmé : Mais bien sûr ! Il faut absolument que, peut-être vous repreniez cette chose-là avec elle en lui disant : « tu sais je dis toujours je suis malade, mais en fait ce n’est pas la vérité, je ne suis pas malade ». Et d’ailleurs même vous pouvez lui donner des détails sur votre suivi.

Loane : Non, mais ça elle a compris. J’ai peut-être dit malade, mais la suite a été expliqué comme ça en fait.

Nadine Trocmé : Oui, mais en même temps vous avez dit le mot malade.

Sandra : Loane doit bientôt raccrocher donc je lui laisse le dernier mot.

Loane : Je vous souhaite bonne continuation pour l’émission, bisous à tout le monde de ma Bretagne lointaine.

Yann : Bisous, on pense à toi souvent.

Jennyfer : Bisous.

Loane : Moi aussi, j’essayerai de venir vous voir bientôt, je vous embrasse, continuez comme ça, c’est super ce que vous faites.

Sandra : Allez-y Nadine Trocmé, vous pouvez continuer votre propos.

Nadine Trocmé : Je voulais dire que ça c’est quelque chose d’extrêmement important, de dès le départ, de rassurer l’enfant. Et avec des mots qui sont adaptés pour eux. Par exemple, pas plus tard qu’hier, j’étais en communication avec un collègue psychologue au Congo. On a beaucoup échangé sur justement les mots à employer avec l’enfant pour décrire le virus. Comment dire à un enfant, que son parent porte un virus ou que lui-même en porte un sans qu’il soit complètement affolé et qu’il est petit par exemple. Moi je disais microbe parce que microbes je pense qu’ici en France c’est ce qu’il passe le mieux. Et lui disait petite maladie. Je lui disais : « tu ne peux pas dire petite maladie à partir du moment où ensuite tu vas expliquer à l’enfant qu’il prend un médicament pour ne pas tomber malade, que son parent prend un médicament pour ne pas tomber malade ». Et il disait : « oui, mais en congolais, microbe ça se traduit par petites bêtes. Et moi j’ai peur que ce mot de petites bêtes fasse peur à l’enfant ». Je lui ai dit tu as tout à fait raison. Ça veut dire que chacun de nous doit inventer des mots pour que justement l’enfant soit rassuré sans qu’on ne lui parle pas vrai. Il faut parler vrai à l’enfant, avec des mots qu’il puisse bien comprendre. On sait combien on a un langage métaphorique, extrêmement compliqué à comprendre parfois pour un enfant. Nous devons faire absolument attention à chaque mot que nous allons employer avec l’enfant, en fonction de son âge bien sûr. C’est comme l’adolescent, le préadolescent qui va entrer dans l’adolescence, il va commencer à se poser des questions. Alors là, est-ce qu’il ne vaut mieux pas carrément employer le mot virus du Sida, avec le mot Sida. Parce qu’on sait que le mot Sida à un moment donné doit être prononcé.

Sandra : Mais Sida c’est différent de VIH donc…

Nadine Trocmé : Justement. On parle de VIH, on parle de microbe, on parle de virus puis à un moment donné l’enfant va se tourner vers ses parents en disant : « mais au fait, et si je tombais malade ? Et si tu tombais malade, qu’est-ce que tu aurais comment maladie ? ». Autant le dire avant l’adolescence, aborder ces problèmes-là avant l’adolescence avec le mot Sida et je sais que le mot Sida, c’est le mot qui fait le plus mal. Le mot Sida ça induit la discrimination, ça induit la maladie tabou, ça induit la mort, ça induit ce qui fait peur, l’angoisse, la sexualité, la faute entre guillemets. Quelque chose dont tout le monde se sent coupable. Il faudra bien le prononcer à un moment donné. On ne va pas balancer le mot Sida en plein milieu de l’adolescence d’un enfant par exemple.

Yann : On pourrait dire aussi actuellement pour les personnes notamment qui tombent séropositif à nos jours qu’ils n’atteindront pas le stade Sid a.

Nadine Trocmé : C’est vrai. Mais vous dites déjà le mot Sida.

Yann : Oui, mais parce que nous on connait l’historique de toute cette maladie, mais je veux dire que quelqu’un qui commence à être traité aujourd’hui peut très bien passer une vie entière sans atteindre le stade Sida. Je rappelle aux auditeurs la grande différence entre le VIH, le porteur du VIH et le Sida où en général on est déclaré sid… comment on dit quand on a déjà atteint…

Sandra : Sidéen.

Yann : Ouais enfin, je n’aime pas ce mot, c’est pour ça qu’il ne sortait pas de ma bouche.

Nadine Trocmé : Moi non plus.

Sandra : Ça existe.

Yann : En tout cas, je sais que quand on est en dessous de 200 T4, qu’on a déjà fait quelques maladies en rapport avec cette pathologie, qu’on peut dire que c’est un Sida qui est déjà déclaré. Comme moi par exemple, j’ai eu un compte-rendu que je n’aurai pas dû peut-être ouvrir en tout cas, il y a comme ça l’historique de 20 ans de VIH, et il est bien spécifié que cette personne a le Sida parce qu’il a déjà eu des maladies et voilà.

Nadine Trocmé : C’est ce qui fait la différence entre porter le virus ou avoir la maladie du Sida. Mais si ce mot à un moment donné n’est pas dit quand on aborde le sujet avec par exemple un jeune de 12-13 ans, c’est en même temps entrer, rester dans un autre secret. Le secret de ce que peut donner le virus comme maladie. Ce n’est pas parce que vous dites que tel virus peut donner telle maladie que je dis que nécessairement, il va aboutir à la maladie du Sida. Il vaut mieux que ce mot Sida sorte de votre bouche qu’il sorte de la bouche d’un copain qui un jour va dire au jeune : « Ah bon et alors, ta mère ou ton père, qu’est-ce qu’il a ? Le VIH ? Ah mais ça c’est la maladie du Sida ». Vous voyez, vaut mieux que ce soit vous.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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