Sandra : État de santé de la population vivant avec le VIH en France métropolitaine en 2011 et caractéristiques des personnes récemment diagnostiquées. C’est un chapitre de l’enquête VESPA 2. D’abord nous allons expliquer ce que c’est VESPA 2.
Rosemardy Dray-Spira : VESPA déjà c’est pour VIH enquête sur les personnes atteintes. C’est une enquête qui a eu lieu une première fois en 2003 et qu’on a donc renouvelée en 2011. L’objectif principal de cette enquête en fait c’est de faire une espèce photographie de la population séropositive en France et de décrire les conditions de vie, l’état de santé, toutes les dimensions de la vie quotidienne de ces personnes qui vivent avec le virus. En fait, ce qu’elle a de complémentaire par rapport à toutes les études épidémiologiques qui sont réalisées, c’est qu’on a vraiment un objectif de capter la population séropositive dans sa diversité. C’est une population extrêmement diverse sur le plan social, sur le plan de l’état de santé, sur le plan de l’âge, sur le plan de l’ancienneté de l’infection, pleins de choses comme ça. L’objectif principal et les efforts qui ont été faits pour cette enquête c’est dans le but de pouvoir interroger et d’avoir des informations sur les différentes catégories de personnes qui vivent avec le VIH en France.
Sandra : À quoi ça sert d’avoir le profil des personnes récemment diagnostiquées ? Est-ce que ça va changer quelque chose après pour les personnes séropositives d’avoir ces informations ?
Rosemary Dray-Spira : L’enquête porte sur l’ensemble des personnes séropositives quelque soit le moment du diagnostic. Mais forcément quand on fait cette photographie de l’ensemble des personnes séropositives, on a une certaine partie de gens qui ont été diagnostiqués récemment. Pourquoi c’est intéressant de regarder ce qui se passe plus spécifiquement dans ce groupe ? Parce qu’on se dit que ça peut permettre de donner des informations pour orienter les politiques de dépistage. Ça permet de donner des informations sur l’épidémie actuelle. C’est-à-dire les personnes qui ont été diagnostiquées par exemple dans les années 90, on sait que la situation a énormément changé et donc on va moins s’intéresser pour eux à ce qui s’est passé au moment de leur diagnostic, parce que ça fait très longtemps ceux qui ont été infectés ou diagnostiqués dans les années récentes. On se dit peut-être que si on comprend bien ce qui s’est passé au moment du diagnostic…
Yann : On peut tomber plus juste sur une prévention…
Rosemary Dray-Spira : Exactement. Le but de cette enquête VESPA, à la fin, on espère de pouvoir fournir des éléments pour les politiques. On sait que c’est des personnes pour lesquelles l’état de santé joue beaucoup sur les conditions de vie. Donc c’est améliorer la prise en charge médicale, mais aussi la prise en charge sociale. C’est fournir des éléments pour les politiques en fait. Mais aussi éventuellement pour les politiques de prévention.
Sandra : Qui sont les nouvelles personnes séropositives diagnostiquées en 2011, en France métropolitaine ?
Rosemary Dray-Spira : Ce qui est assez intéressant c’est de regarder l’évolution par rapport à ce qu’on avait observé en 2003. Ce qu’on voit c’est que l’ensemble de la population séropositive en France métropolitaine, la proportion d’hommes infectés par rapport avec des hommes est restée à peu près stable. C’est à peu près 40% de la population séropositive. La proportion de personnes originaires d’Afrique subsaharienne a énormément augmenté. Elle a doublé. Elle est passée, à peu près, de 12% à ◊. Presque 25% de la population séropositive est constituée de personnes originaires d’Afrique subsaharienne. On a un autre quart, à peu près 25% de la population qui sont des hommes et des femmes non originaires d’Afrique subsaharienne qui ne sont pas homosexuels, qui peuvent être Français ou migrants d’autres régions que l’Afrique subsaharienne. Enfin on a une proportion qui elle est en baisse, à peu près 10% de personnes qui se sont infectées par usage de drogue et qui sont le plus souvent des personnes qui ont été diagnostiquées il y a très longtemps parce qu’au cours des années récentes, le nombre de nouvelles infections par usage de drogues est resté très faible en France.
Sandra : Yann et Tina, vous qui faites partie du Comité des familles, qui est une association créée et gérée pour et par des familles vivant avec le VIH. Il y a régulièrement des nouvelles personnes qui viennent à l’association. Êtes-vous étonnés par ce nombre de personnes d’origine d’Afrique subsaharienne qui a doublé par rapport à la population qu’il y a au Comité des familles ?
Yann : Non parce que c’est vrai qu’on a un public assez fort de ce point de vue là, de cette région-là. Ce que moi je sais, c’est qu’il y a beaucoup plus, dans les nouvelles contaminations, de personnes hétérosexuelles qui sont souvent à un âge un peu avancé et qui découvrent tard malheureusement leur infection.
Rosemary Dray-Spira : Complètement, c’est ce qu’on voit. Quand on regarde plus spécifiquement les personnes qui ont été nouvellement diagnostiquées depuis 2003 en fait, au cours des années 2000, les deux groupes majoritaires ce sont les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes et les personnes originaires d’Afrique subsaharienne. Mais on a quand même une proportion non négligeable, plus de 20% des personnes qui sont des personnes hétérosexuelles non originaires d’Afrique subsaharienne, en particulier les hommes en fait qui sont diagnostiqués à un âge plus élevé que dans les autres groupes et à un stade d’avancement de la maladie. La maladie est plus avancée au moment du diagnostic effectivement. On a vraiment un problème de diagnostic tardif chez ces hommes hétérosexuels non africains.
Yann : Comme quoi il y a un gros travail à faire aussi bien au niveau des lycéens que des personnes de mon âge, autour de la quarantaine.
Sandra : Tu dis ça parce que c’est vrai que les membres du Comité des familles vont dans des lycées et collèges pour faire de la prévention, témoigner de leur vie avec le VIH devant des lycéens et collégiens et donc du coup ça a un impact assez fort. Alors je ne sais pas, peut-être faut-il aller dans les maisons de retraite (rires).
Yann : Pourquoi pas dans le monde de l’entreprise.
Sandra : C’est vrai, ça pourrait être une idée.
Tina : Mais en fait ce que je constate aussi quand on parle de VIH et des groupes un peu à risque, on parle bien sûr de la population homosexuelle et des femmes migrantes. Souvent je trouve que dans ces messages, le fait même d’ignorer une partie de la population qui finalement, on le voit, a quand même une forte prévalence, est-ce que ça aura des conséquences ? Est-ce que ces messages vont un peu changer pour justement ne plus rester dans ces clichés de femmes migrantes ou hommes homosexuels ?
Rosemary Dray-Spira : Honnêtement je pense que ce n’est pas un résultat… Ce n’est pas un scoop. On avait déjà, même avec les résultats de la première enquête VESPA en 2003, on avait déjà vu que les hommes hétérosexuels…. En fait, ils sont probablement moins à risque, ils sont moins identifiés comme un groupe à risque. On a les homosexuels et les migrants africains qui sont identifiés comme des groupes à risque et du coup eux-mêmes (les hétérosexuels) se sentent moins à risque. On a diffusé ces résultats en 2003, les choses n’ont pas vraiment évolué à part qu’il y a quand même eu des campagnes de prévention pour augmenter le dépistage dont le public s’est élargi c’est-à-dire qu’elles ont essayé de ne pas cibler que les groupes à risque, mais aussi les personnes, monsieur, madame tout le monde. Ça va prendre du temps. On sait que ce genre de choses ça va prendre beaucoup de temps pour changer…
Tina : Parce que moi j’ai plutôt compris que la tendance serait à l’inverse d’aller plus vers les groupes à risque donc plus vers justement des dépistages dans les lieux de rencontre pour hommes homosexuels ou les foyers migrants. Mais justement que, ce dépistage généralisé c’est plutôt en baisse de ce que j’ai compris.
Rosemary Dray-Spira : Il y a eu des études… L’objectif c’était vraiment d’élargir la population parce qu’on s’est dit en France il y a énormément de tests VIH qui sont effectués dans beaucoup plus que dans d’autres pays. Cependant on sait qu’il y a de lors de 30 000 personnes probablement qui sont infectés par le VIH sans le savoir, qui ne sont pas dépistées. Malgré cet énorme nombre de tests VIH qui sont réalisés, on passe à côté d’une certaine catégorie de population. On sait que par exemple les homosexuels et les migrants africains sont beaucoup testés. On s’est dit justement c’est peut-être les autres à côté desquels on passe. Il y a eu des études en particulier dans les services d’urgences à l’hôpital qui ont été faites. On s’est dit les urgences tout le monde vient aux urgences. Ces études n’ont pas été très concluantes. En testant tout le monde aux urgences, enfin proposant le test à tout le monde…
Yann : Il faut rappeler que ce n’est pas obligatoire (rires).
Rosemary Dray-Spira : En le proposant aux personnes qui l’acceptaient, on s’est aperçu en fait qu’on arrivait à identifier extrêmement peu de cas et que la plupart des cas qui étaient identifiés en fait c’était des gens qui venaient aux urgences parce qu’ils avaient des symptômes, mais qui de toute façon auraient été dépistés. C’est quand même d’énormes moyens qui ont été mis en œuvre pour faire ce genre de choses parce qu’il y a énormément de monde qui passe aux urgences. Les études en gros ont conclu que ce n’était pas très efficace de faire ça. Donc voilà où on en est. La réflexion continue. Il y a quand même ce gros point d’interrogation, qui sont les 30 000 personnes…
Tina : Qui s’ignorent…
Rosemary Dray-Spira : Voilà. Et c’est vrai qu’à un moment on était vraiment sur la piste, c’est des gens qui ne sont pas identifiés comme à risque et on va les dépister autrement. Ces études aux urgences elles ont effectivement reculé sur cette question, peut-être que c’est des gens à risque… En fait on a beaucoup de mal…
Tina : Ca a de nouveau un peu flouté l’idée sur qui sont ces personnes qui s’ignorent séropositif.
Rosemary Dray-Spira : Tout à fait.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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