Sandra : Quand vous avez pris connaissance de cette maladie, de ce fléau, c’était en quelle année ?
Catherine : En fait en novembre 1982 je crois, Paris Match publiait un article qui dit à New-York actuellement, il y a des quartiers entiers où les boutiques d’antiquaires, de galeries d’art, etc ferment parce que les gens meurent. On n’a aucune idée de ce qui se passe, on ne sait pas ce que c’est mais il y a des morts et il y en a mais vraiment les rues, on le voit dans les rues. Donc quand même ça m’a frappé cette affaire-là et j’ai commencé à suivre à ce moment-là et j’ai suivi cette affaire avec mes élèves, parce que je suis professeur depuis l’époque et je les ai prévenu, on en a parlé, on a suivi effectivement l’évolution des thérapies, l’évolution, l’histoire du Sida. C’est ma relation avec. J’ai fait faire des, en anglais bien sûr, des mémoires à plusieurs de mes élèves sur le Sida parce que c’était la peste de notre époque au départ. C’était très intéressant et très important de parler de ça et de savoir de quoi on parlait.
Sandra : Vous dites c’était très intéressant. Aujourd’hui, ça ne l’est plus ?
Catherine : Toujours très intéressant aujourd’hui mais disons qu’il y a d’autres moyens de se renseigner. À l’époque où j’ai commencé à en parler, la plupart de mes élèves n’en avaient jamais entendu parler. Leurs parents non plus. Les gens, je dirai presque que j’aurai pu avoir des réactions un peu négatives, soit de la part des élèves, soit de la part de leurs parents parce qu’ils pensaient que ça ne les concernait en rien.
Sandra : Aujourd’hui, vous continuez à faire de la prévention auprès de vos élèves ?
Catherine : Ces dernières années, moins parce que je vois beaucoup moins mes élèves mais j’en ai fait jusqu’en 2009 absolument tous les ans.
Sandra : Aujourd’hui, pensez-vous que vos élèves, peut-être vous en parlez hors cours, pensez-vous que vos élèves sont assez informés sur le VIH ?
Catherine : Non, je ne pense pas. Je pense qu’on a dû banaliser ça. En 2009, à mon dernier cours, c’était un cours en maths spé, les étudiants sont venus à la sortie des cours me dire : « Madame, on vient vous remercier parce que vous nous avez appris des choses que nous ne savions pas ». Or, j’étais très étonnée parce qu’en 2009 je pensais que tout le monde savait tout. Et en particulier les jeunes et en particulier des gens de 20 ans. Parce que malgré tout ça les concerne pas mal. J’étais fort étonnée et ça m’a conforté dans l’idée qu’il fallait absolument continuer une véritable information, dire aux gens ce qui se passe, ce qui s’est passé, l’histoire aussi mais surtout leur dire de se protéger et que ce n’est pas fini, loin de là.
Sandra : Au Comité des familles pour pallier à ce problème, à cette méconnaissance de la part des jeunes, il y a une action qui s’appelle le projet Madeleine qui consiste à aller témoigner de sa vie avec le VIH dans les collèges et lycées. Yann fait partie de ce projet. Zina, fais-tu partie de ce projet, je ne sais plus ?
Zina : Projet Madeleine, j’en ai fait partie et si j’ai la possibilité, je suis partante pour continuer en fait. J’ai pensé venir au mois de décembre à Paris pour témoigner.
Sandra : À Paris tu aimerais témoigner mais pas à Chamonix.
Zina : À Chamonix, non. J’aimerais bien mais ce n’est pas évident, c’est petit.
Sandra : Peux-tu raconter aux auditeurs comment ça s’est passé pour toi les fois où tu as été témoigné devant des collégiens ou lycéens ?
Zina : Ça s’est très bien passé. C’est vrai qu’en fait on avait constaté que les jeunes étaient plus à l’écoute quand c’était expliqué, quand la prévention est faite par des gens qui savent de quoi ils parlent, qui sont contaminés eux-mêmes. C’est vrai qu’ils entendent mieux en fait que si c’est une infirmière qui dit voilà, il faut mettre les préservatifs, attention Sida. Là, ça rentre souvent par une oreille et ça ressort de l’autre. Tandis que quand il y a des gens qui sont en face d’eux, qui sont vraiment directement concernés, c’est sûr que là les jeunes sont beaucoup plus interpellés et vont entendre parce qu’on raconte nos vraies histoires. On y va à plusieurs et on essaye de faire qu’il y ait une mixité au niveau des origines pour que les jeunes se reconnaissent dans l’un ou dans l’autre. Une mixité au niveau du mode de contamination, il y en a qui ont été contaminés sexuellement, d’autres mère à enfant, d’autres par tous les modes qu’on connait de transmission et c’est vrai que du coup, c’est bien quoi. C’est positif. On a eu des bons retours des écoles par rapport à nos témoignages.
Sandra : Catherine, qu’est-ce que vous en pensez. Si jamais des membres du Comité des familles venaient dans l’école où vous travaillez pour témoigner de leur vie avec le VIH, est-ce que vous pensez que ça pourrait se faire ou pas ?
Catherine : Je ne sais pas dans cette école particulièrement mais je pense que le témoignage d’une personne qui sait de quoi elle parle, qui expérimente malheureusement cette affaire dans sa chaire est certainement beaucoup plus fort. Moi, je n’ai fait qu’éveiller la conscience des enfants parce que j’y ai mis toute mon énergie, leur donner l’impression qu’ils n’étaient pas préservés de cette affaire-là parce que papa et maman n’avaient pas le Sida ou des choses de ce genre, ou le VIH. Je n’ai fait que leur dire mais non, bien sûr que ça peut vous arriver et la jeune fille ou le jeune homme charmant que vous connaissez peut être porteur du virus, peut ne pas le savoir. En tout cas, il ne faut pas prendre le risque. Mais c’est certain qu’avoir des gens qui viennent et qui parlent de ce qu’ils expérimentent chaque jour c’est très important. Maintenant il faut avoir avec les écoles et je pense qu’effectivement toutes les écoles ne sont pas prêtes à accepter ce genre de choses parce qu’on a peur de choquer les enfants.
Sandra : Oui, c’est ça. Je me rappelle, il y avait Jennyfer qui est correspondante à Annecy, enfin maintenant qui a déménagé dans l’Oise mais, elle voulait faire ce projet dans sa commune, dans sa région et un des collègues lui a dit que non, les enfants sont trop jeunes. Trop jeunes pour parler de sexualité.
Catherine : Moi, j’ai enseigné à Neuilly pendant très longtemps et quand il s’agissait de mettre des préservatifs dans le lycée. C’était à la fois lycée et collège. Les parents d’élève on dit pas question, on ne va pas faire ça, nos petites filles vont être choquées, ça va être horrible, etc. Et puis de toute façon ils n’en ont pas besoin, les filles et les garçons ne sont là que pour travailler. Des histoires idiotes de ce genre et il a fallu se battre pour vraiment obtenir que le préservatif soit placé à l’intérieur de l’établissement.
Sandra : Vous enseignez à des élèves de quel âge à peu près ?
Catherine : J’enseigne à Lucas.
Sandra : Lucas a 24, 25 ans.
Catherine : Voilà c’est ça.
Lucas : Ça dépend des années (rires).
Catherine : Ils ont les miens en ce moment entre 20 et 30.
Sandra : Yann, tu serais partant pour aller témoigner devant des élèves de 20 jusqu’à 30 ans ?
Yann : Tu sais, moi j’ai dû faire 7 ou 8 témoignages chez des collégiens, des lycéens. Moi, je rêve qu’on puisse, même en entreprise, chez les gros financiers, histoire de leur rappeler la réalité, qu’il n’y a pas que le pognon dans la vie.
Sandra : Tout à fait. Merci pour vos témoignages. N’hésitez pas à réagir sur le site comitedesfamilles.net
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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