Sandra : Question pour l’équipe radio. Avez-vous peur d’aller chez le dentiste ?
Yann : Oui !
Sandra : Pourquoi ?
Yann : Ça fait mal ! (rires)
Sandra : Tu peux raconter ta dernière expérience chez le dentiste ? C’est douloureux, je sais, mais je vais te demander de t’en souvenir s’il te plait.
Yann : Moi, j’y vais une fois par an. Toujours chez le même dentiste, dans un centre médical. Mais autrement pour les gros travaux, je suis parti en Thaïlande.
Sandra : Pourquoi ?
Yann : Parce que c’est beaucoup moins cher, surtout à l’époque où je suis parti en 1998. J’en suis toujours très ravi parce que j’ai un bridge qui tient très bien la route et ça fait donc maintenant presque 10 ans que je l’ai, et je le fais vérifier régulièrement. Je suis très content de ces travaux. Effectivement, j’ai été en Thaïlande chez les dentistes où les Thaïlandais les plus riches vont se faire soigner. Il faut savoir que là-bas il y a 3 types de soins. Le soin dans la rue, l’intermédiaire et puis le cabinet qui sent le clou de girofle.
Sandra : Et tu dis que tu as eu un bridge, c’est quoi ?
Yann : C’est 3 dents qui sont placées au milieu des autres.
Sandra : Ok, je ne connaissais pas. Je connaissais le jeu. Et toi Tina, le dentiste tu as peur ou pas ?
Tina : Non ça va, je n’ai apparemment aucune dent de sagesse qui n’a jamais pointé son nez. Apparemment ça n’existe pas chez moi.
Yann : Et on sait pourquoi ! (rires).
Tina : Pour l’instant, je n’ai jamais eu trop d’intervention douloureuse chez le dentiste. Je ne suis pas hyper fidèle, je change souvent de dentiste. Soit c’est plus pratique géographiquement mais c’est aussi parce que je suis assez déçu et c’est vrai que j’ai du mal à trouver un dentiste où je suis bien satisfait de tout ce qu’il fait.
Sandra : Pourquoi tu es déçue ?
Tina : Parfois, je trouve que certaines choses ne sont pas très bien faites. Des caries ou des… j’ai une dent qui est un peu cassée. J’ai cherché désespérément un dentiste qui pouvait la réparer sans que le petit morceau tombe dès que je mange même une pomme. J’ai mis beaucoup de temps. Là, j’en ai trouvé une, le morceau il tient (rires).
Sandra : Ok, j’espère que ça va tenir et qu’on ne va pas retrouver un bout de dent dans un plat quand on mangera ensemble (rires). Je vous propose d’écouter Zina, elle a discuté avec Lucas Vitau qui travaille avec moi sur l’émission de radio et malheureusement, elle a vécu quelques mésaventures avec des dentistes, on l’écoute tout de suite.
Début de l’enregistrement.
Lucas : Bonjour Zina, est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs ?
Zina : Bonjour, je m’appelle Zina, j’ai 45 ans et je suis séropositive depuis, ça va faire 23 ans bientôt. J’ai deux enfants de 18, même 19 on va dire et 14 ans. Et eux vont très bien.
Lucas : Tu as eu quelques mésaventures avec des dentistes, est-ce que tu peux nous en parler ?
Zina : Oui, j’ai cherché désespérément un dentiste. J’avais que des refus. À chaque fois soit je le disais au téléphone avant de prendre le rendez-vous et ils trouvaient toujours des prétextes pour ne pas me prendre en précisant bien sûr : « ce n’est pas parce que vous êtes séropositive ». Comme j’ai un autre problème de santé qui demande qu’à chaque intervention chez un dentiste, je dois prendre des antibiotiques avant, pendant et après. Donc ils jouent plus là-dessus, en me disant oui, qu’ils ont peur par rapport à ce problème de santé, s’il m’arrive un problème sur leur fauteuil alors qu’il n’y a pas de risque que j’ai un problème sur le fauteuil ou un risque sur un million. Donc c’est bien un prétexte parce que souvent ils mettent bien en avant et ils répètent plusieurs fois, ce n’est pas parce que vous êtes séropositives, c’est bien pour votre problème de coeur. Sinon, il m’est arrivé de le dire pas au moment de la prise du rendez-vous mais en arrivant à mon rendez-vous. Une fois, lui en revanche il a été franc, il m’a dit qu’il refusait de me soigner parce qu’il avait peur par rapport au VIH. Qu’un de ses collègues avait eu un accident en soignant un patient atteint du VIH. Il m’a quand même fait un détartrage mais c’était un détartrage vraiment à la va-vite.
Donc du coup, j’ai laissé mes dents s’abîmer pendant longtemps, j’ai même cru que j’allais toutes les perdre. Et puis cette fois j’ai enfin trouvé une dentiste très sympa qui, j’avais pensé ne pas lui dire et puis je me suis dit, en fait c’est plus fort que moi, il faut que je le dise. Problème de conscience. Et ça s’est très bien passé, elle a été très sympa. Elle m’a dit non, non, il n’y a pas de problème, qu’elle ne comprenait pas justement que ses collègues refusent de soigner les personnes séropositives.
Lucas : Quel est ton ressentiment lorsque tu essuies un refus d’un dentiste ?
Zina : Ça dépend. En général, soit c’est de la colère, soit si c’est dans une période où je ne suis pas spécialement bien moralement, ça me casse quoi. Ça appuie sur le fait que je suis une pestiférée. Je sais qu’une fois j’ai, quand je suis partie de chez le dentiste, je m’étais tellement sentie humiliée que j’avais envie de pleurer, j’ai retenu mes larmes et j’avais envie de pleurer en sortant de chez le dentiste. Il m’avait traité un peu comme si j’étais plus ou moins une merde.
Lucas : Est-ce que tu comprends les dentistes qui refusent de prendre des patients atteints du VIH ?
Zina : Je ne comprends pas du tout. Déjà, il y a plein de gens qui sont séropositifs qui ne le savent pas. Il y a ceux qui le savent et qui ne le disent pas. Donc de toute façon, normalement un dentiste quand il reçoit un patient, il doit toujours le considérer comme étant éventuellement séropositif et traiter tous les patients comme s’ils étaient séropositifs au niveau de l’hygiène, du matériel. Ceux qui m’ont refusée au tout début de ma séropositivité, c’était il y a plus d’une vingtaine d’années, là, à la rigueur, je peux comprendre parce qu’à l’époque on n’avait pas tellement de connaissances par rapport au VIH. C’est vrai que ça pouvait faire peur vu tout ce qu’on disait. Mais là actuellement je ne comprends pas parce qu’il suffit de prendre ses précautions et il n’y a pas de souci. Il faut vraiment, faute à pas de chance, pour que le médecin soit contaminé. Je veux dire s’il met des gants… j’ai eu un dentiste, il me faisait des extractions et il ne mettait pas de gant. Et quand je lui ai dit : « Vous ne mettez pas de gant ? ». Il me dit : « Mais non, je n’ai pas de coupure, il n’y a pas de risque ».
Ma dernière dentiste que j’ai trouvée, qui est très sympathique, m’a dit que ce n’est vraiment pas juste parce que justement on a plus besoin quand on est séropositif d’avoir une bonne hygiène dentaire et que, comme il faut limiter les risques d’infection, il faut limiter plein de choses quand on est séropositif. Donc ça peut aggraver notre santé. Elle me disait qu’elle ne comprenait pas ce comportement. Ils sont censés quand même connaître les risques, ils sont censés être informés. On est quand même beaucoup maintenant à être séropositif. Donc ils sont amenés à en voir quand même souvent. Donc à partir du moment où on travaille dans le domaine de la santé tel qu’il soit, on se doit de s’informer de tout, pas que du VIH mais aussi du VIH.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Zina au micro de l’émission de radio Vivre avec le VIH. Zina qui est correspondante du Comité des familles à Chamonix. On lui fait un petit coucou. Que pensez-vous des propos de Zina, est-ce que ça vous ai déjà arrivé Yann et Tina d’avoir un refus de la part d’un dentiste parce que vous avez annoncé que vous êtes atteint du VIH ?
Yann : Non, je n’ai pas eu d’expérience comme ça. Mais c’est vrai que j’ai eu beaucoup d’amis qui ont eu des mauvaises surprises. Notamment la semaine dernière au centre Atlas pour ne pas le nommer, un ami qui a été simplement pour une carie et quand il a annoncé sa séropositivité, le médecin a eu une espèce de pas en arrière et il a dit : « De toute façon, on va commencer par faire un panoramique dentaire ». Histoire de l’envoyer sur un autre service. Alors que s’il met des lunettes, des gants comme disait Zina, je ne vois pas où est le souci.
Tina : Je n’ai pas eu de refus. Très franchement, je ne le dis pas à chaque fois. C’est un peu effectivement embêtant déjà, c’est la secrétaire qui nous reçoit. On ne sait pas trop si elle gardera bien le secret. Et après cette idée de se dire, à chaque patient ils doivent prendre leurs précautions. Donc s’ils les prennent uniquement quand ils savent que la personne est séropositive, c’est un peu inquiétant. J’avais souvent un contrôle à faire, je ne savais si j’allais rester chez ce dentiste. Donc aussi parce que c’est déjà embêtant de trouver un dentiste si après on se dit avec le VIH, il va me refuser, ce sera du temps perdu. Donc, je ne l’ai pas dit souvent. C’est pour ça, je n’ai eu de souci.
Sylvie Epelboin : Moi, il me semble qu’il y a un problème d’absence de formation, d’absence de compétence, dont on sait que ça a généré tous ces comportements de frayeur inconsidérés. Je dirai que là, les situations où les dentistes pourraient se trouver en danger, avec des guillemets, c’est avec des gens qui ne diraient pas leur séropositivité éventuellement non traitée…
Sandra : Mais il y en a, parce qu’il y en a qui ne le savent pas, qui sont séropositifs et…
Sylvie Epelboin : Bien sûr. Mais que des comportements de ce genre puissent générer le fait que des personnes séropositives prennent en charge leur séropositivité ne le disent pas pour ne pas se faire refuser, ça me semble extrêmement dangereux. Donc le message me semble être : continuer à le dire et puis il faut continuer à faire la formation des dentistes et d’autres professionnels qui auraient des réactions de rejet complètement inconsidérées.
Yann : Moyenâgeuse oui. Parce qu’à l’époque on pouvait comprendre, à la naissance du VIH, du Sida mais…
Sandra : Je vous propose maintenant d’écouter une dentiste qui a souhaité rester anonyme, je l’ai rencontrée et je lui ai demandé si elle reçoit des personnes séropositives, si ça lui pose problème ou pas ? Voici sa réponse :
Début de l’enregistrement.
La dentiste : Oui, je n’ai pas particulièrement de… je ne dis jamais non. Après, ce n’est pas écrit sur le front du patient donc on ne peut pas dire non toute manière. On est obligé d’accepter quoiqu’il arrive. Avant de toucher le patient, on a toujours un interrogatoire en fait, donc on pose toujours les mêmes questions, s’il y a des soucis de santé, s’il y a des allergies. Donc en général, avant que le patient passe sur le fauteuil, on nous met au courant directement. Donc il y a déjà, avant de toucher, un dialogue avec le patient sur les maladies qu’il peut avoir, cardiovasculaires, sanguines, allergies aux médicaments, voilà de manière générale. Donc c’est à ce moment-là en général on nous dit, si le patient est sous trithérapie, s’il est pris en charge, depuis combien d’années, s’il y a d’autres maladies associées.
Sandra : Qu’est-ce que ça change que la personne vous dise qu’elle soit séropositive ou pas ?
La dentiste : Moi, personnellement, je préfère. Parce que d’emblée je le sais. Après pour moi, tout patient est susceptible d’avoir une maladie transmissible par le sang. Mais c’est vrai que quand on le sait, on ne prend pas plus de précautions, mais on est plus attentionné, on va moins vite, on fait plus attention que quelqu’un qui n’a pas ce problème sanguin. Donc c’est vrai que je préfère que… bah on le sait quoi donc on fait plus attention à ce qu’on fait, on n’est pas plus minutieux mais voilà, on prend plus le temps. Parfois au cabinet il y a beaucoup de stress, on va vite…
Sandra : Il faut faire attention à quoi ?
La dentiste : Bah à la contamination par le sang. Les projections de sang dans les yeux. Moi, je porte toujours un masque avec une visière quoiqu’il arrive mais par exemple il ne faut pas se piquer avec les aiguilles, s’il y a des extractions il y a un risque sanguin qui est assez élevé pour… un détartrage, il peut avoir des projections de sang dans les muqueuses, voilà quoi. Donc c’est surtout les yeux qu’il faut protéger et faire attention aux aiguilles et à tous les éléments tranchants. Prévenir aussi les assistantes, parce qu’en général on met dans des bacs à côté pour décontaminer. Il y a une désinfection qui est totalement passée aussi autre, qui est dans d’autres bacs. Quand on le sait quoi. Après, quand on ne le sait pas, on fait le traitement de stérilisation normal mais quand on le sait moi je préfère. Ça me rassure. Après aussi on soigne le patient au point de vue dentaire, il n’y a pas forcément les mêmes problèmes. Il peut avoir par exemple des gingivites nécrotiques, qui sont liées au VIH. Il peut avoir la trithérapie donc il faut faire attention aussi avec les médicaments qu’on donne. Il y a toute une prise en charge qui est différente quoi.
Sandra : Vous avez parlé de nécrotique, qu’est-ce que c’est en fait ?
La dentiste : Une gingivite nécrotique ça arrive souvent chez les patients qui ont le HIV. C’est une inflammation énorme des gencives avec une nécrose, une mort des gencives en fait, qui se nécrose. Donc les gencives saignent énormément. Donc c’est un cas qu’on peut retrouver dans les patients séropositifs. Donc ça peut être un signe précurseur quand on diagnostic ça. Ca met déjà arrivé de demander un bilan et s’avérer que le patient était avec cette maladie alors qu’il n’était pas au courant. Mais bon, ce n’est pas dans tous les cas mais ça peut être souvent un signe associé. Donc dans ces cas-là, le détartrage saigne énormément, il y a beaucoup de sang. Donc nous, on est quand même le nez dans le patient, la bouche dans le patient donc faut faire attention quoi.
Sandra : On dit qu’en France, il y a à peu près 30 000 personnes qui s’ignorent séropositives. Du coup, il y a des personnes qui ne le savent pas. Donc elles, elles ne peuvent pas vous prévenir. Je me dis normalement un dentiste doit prendre les mêmes précautions avec tous ses patients du coup.
La dentiste : Ah je prends strictement les mêmes précautions, même au point de vue stérilisation après mais c’est psychologique. C’est juste, je le sais. C’est vrai, c’est psychologique. Le patient qu’on a, on a un risque de contamination, ça ne va pas nous sauter à la figure mais il y a un risque quoi. Donc psychologiquement on le sait. Moi, je suis plus sereine. C’est juste psychologique en fait.
Sandra : Donc, si elle vous le dit après, vous n’allez pas être en colère, vous fâcher ?
La dentiste : Moi, je pars du principe que je suis assez transparente avec mes patients. Tous ceux qui viennent, je fais vraiment le bilan au départ. Puis d’un côté je trouve que c’est par respect vis-à-vis du médecin aussi. Il y a un risque de contamination quand même parce qu’on touche le sang. On a un risque d’être contaminé aussi s’il y a un problème, si on se pique avec une seringue. Donc par respect je trouve que c’est bien de nous prévenir.
Sandra : Comme il y a beaucoup de personnes séropositives qui ont été rejetées par les dentistes, du coup maintenant elles ont tendance à ne pas le dire parce qu’elles en ont en marre à chaque fois de se prendre des remarques donc du coup…
La dentiste : C’est vrai que ça c’est un problème mais bon, moi je préfère qu’on me prévienne quoi, personnellement.
Sandra : Auriez-vous des choses à dire à ces dentistes qui refusent catégoriquement des personnes séropositives, leur expliquer qu’il n’y a pas de risque majeur à ce qu’ils attrapent le VIH dans leur profession ?
La dentiste : Euh… ouais mais ça après c’est une démarche, c’est un peu que, c’est une maladie qui fait peur quoi. Quoi qu’on dise, même si c’est soigné maintenant, c’est quand même quelque chose qui reste assez traumatisant pour beaucoup de monde parce que c’est encore récent quand même. C’est quelque chose qu’on n’arrive pas à soigner. Moi je prends, bon je ne vais pas dire que j’aime ça aussi quoi, c’est toujours stressant quoi. Je le fais, comme je dis, ça ne saute pas à la figure, on prend les précautions et voilà quoi. Mais c’est vrai que quand il y a des grosses chirurgies à faire, ce n’est pas très agréable quoi. Mais bon, après on prend les précautions. Désinfecter, nettoyer et puis voilà, il y a des patients on ne le sait pas quoi. Donc à partir de là, on traite tout le monde pareil.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Voilà, donc une dentiste au micro de l’émission de radio Vivre avec le VIH. Je la remercie d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Que pensez-vous ? Est-ce qu’elle est bien formée ou pas cette dentiste ? Qui parle en premier ? Oh, vous êtes choqués par rapport à tout ce qu’elle a dit… (rires).
Yann : Non mais comme elle a beaucoup de problèmes psychologiques, je lui conseille de voir un psy quoi, pour en parler. Il doit même avoir des groupes de parole qui doivent exister pour les dentistes, pour s’enlever des peurs comme ça. Et puis de toute façon, moi d’après son discours, elle ne prend pas les mêmes précautions avec quelqu’un qui est séropositif, qu’avec quelqu’un qui ne l’est pas. On entend même dans son témoignage que le traitement ensuite des appareils qui ont été utilisés, n’est pas le même en stérilisation que pour quelqu’un de séronégatif. Donc je t’avoue que, je suis un peu dans le n’importe quoi là.
Tina : Oui, je trouve que beaucoup de choses se contredisent dans ce qu’elle dit parce qu’elle commence par dire que quand on le sait, on ne fait pas pareil mais après elle dit mais si on fait justement pareil mais on préfère quand même savoir comme ça on est plus tranquille, mais ça stresse quand même. Très franchement, c’est justement ce genre de comportement ou d’attitude qui font que finalement on se dit, bon je ne lui dis pas puisqu’elle ne va pas rien comprendre et bien sûr, pour elle c’est un manque de respect puisqu’elle dit que c’est par respect pour le médecin qu’il faut le dire mais si on ne le dit pas, ce n’est pas dans l’intérêt ni du patient ni du médecin, je suis bien d’accord, mais ce n’est pas par manque de respect mais c’est vraiment parce qu’on sait qu’en face la personne n’est pas capable de recevoir le message et de le traiter de manière professionnelle. Moi, franchement, cette réaction, si c’est une personne qui n’est pas du monde médical, je me dis ok, ce n’est pas son domaine, faut l’informer. Mais quand ça vient d’un professionnel du soin, j’ai quand même beaucoup de mal parce qu’on a beau essayer ensuite en tant que patient d’expliquer les choses, c’est eux les médecins, on n’est pas censé leur expliquer les choses et de ne pas avoir, qu’au final une personne qui se sait séropositif, qui le dit au médecin et qui explique qu’elle est bien traitée, en vérité c’est beaucoup moins un risque que tous les patients dont un certain pourcentage ne le savent pas et qui ont une charge virale explosive. C’est là les situations où l’hygiène doit être au maximum. Donc je suis un peu vraiment surprise d’entendre comme ça clairement un médecin dire vraiment ce qui se passe dans sa tête. C’est bien ce qu’on pense en tant que patient quand on vient, ce qu’on ressent et on entend comme ça clairement, ça fait un effet.
Sandra : Sylvie Epelboin, que pensez-vous des propos de cette dentiste ?
Sylvie Epelboin : Moi, je suis d’accord avec tout ce qui vient d’être dit et en même temps, je ne pense pas que ce soit un réflexe corporatiste, gynéco/dentiste mais j’aurai tendance à être plus indulgente. Je trouve que le témoignage de cette femme est extrêmement sympathique dans ses contradictions que vous avez parfaitement relevées y compris dans leur invraisemblance. C’est-à-dire que, intellectuellement, affectivement elle dit, les gens qui sont séropositifs sont comme les autres, je les soigne bien évidemment. Et puis quand elle développe, elle montre qu’elle ne fait pas la même chose…
Yann : Qu’elle a une trouille…
Sylvie Epelboin : Qu’elle a la trouille. Mais je trouve cette contradiction sympathique parce que tout ce qu’elle dit c’est je ne veux pas faire de différence et après elle nous démontre qu’elle va avoir un moyen de stérilisation différent alors qu’on sait que les recommandations sont de faire extrêmement attention pour tout le monde parce qu’il y a une transmission infectieuse pour beaucoup de choses. Donc, je dirai qu’on est quand même en plein dans le vécu d’un individu, entre la peur ancestrale que peut représenter, parce qu’on dit séropositif, séropositif, le Sida. Avec la façon dont ça a explosé comme une bombe avec la mort, la contamination, les orphelins, voilà, tout ce qu’on a comme représentation dans la tête et puis la réalité de la séropositivité aujourd’hui qui n’est pas ça mais visiblement entre les deux il y a eu une absence de lien avec des professionnels un peu seuls dans leur cabinet, avec ma représentation personnelle de ce que c’est d’être dentiste, les yeux dans les yeux, la bouche contre la bouche, le nez contre le nez, je ne sais pas comment on peut…
Sandra : Oui enfin bon, il y a un masque quand même, une visière…
Sylvie Epelboin : Non mais, il n’y pas tellement d’autres professions où on est si proche. Si proche de l’haleine. Je pense que dans plein d’autres circonstances, il doit avoir des représentations de la transmission. Imaginez-vous au temps d’une épidémie où ça passerait par la bouche, on a beau avoir un masque… je trouve qu’on est très près. Mais je vous dis, c’est mes représentations personnelles. En tout cas, je trouve ce témoignage d’une contradiction avec une ouverture d’esprit en même temps qui est tout à fait frappante et je pense assez partagée par des gens qui sont encore sous l’influence des représentations parce que c’est récent comme disait, je ne sais plus, l’un d’entre vous ou elle d’ailleurs.
Sandra : C’est elle qui disait que c’était encore récent…
Yann : Il y a un côté comme ça presque puéril dans ses dires qui font qu’elle reconnaît qu’elle est elle-même prise d’une peur par moment. Donc ça c’est sûr, c’est humain. Vu son statut et ses informations, je suis quand même franchement très étonné.
Tina : Oui, c’est très sincère et on peut la remercier. En même temps, faut dire que c’est anonyme donc c’est plus facile aussi bien sûr de dire tout ce qu’on pense. Mais ça n’empêche que pour le patient, chacun voit les choses de son point de vue un peu, en tant que patient on a envie d’être rassuré.Imaginer qu’on fait peur au soignant alors qu’il va faire des actes ça décourage. Soit on change de médecin ou c’est qu’on n’a vraiment pas d’autre solution mais se trouver en face d’un médecin stressé qui doit faire un soin délicat, minutieux. Personnellement ça ne me dit pas trop.
Sandra : Pour terminer, je vous proposer d’écouter Lucas Vitau, c’est une sorte de bêtisier des réponses des dentistes. Le meilleur du pire des dentistes, avec quand même quelques bonnes réponses qui réconfortent. On s’écoute ça.
Début de l’enregistrement.
Lucas : Les dentistes sont-ils les pires ennemis des séropositifs ? C’est la question que nous nous sommes posée. Nous avons appelé plus d’une centaine de dentistes afin de comprendre pourquoi ils refusent de prendre certains patients séropositifs. On a constaté à travers cette enquête que de nombreux dentistes restent mal à l’aise avec le VIH. En fonction de l’emplacement géographique, les soins dentaires ne sont pas les mêmes pour tous. Par exemple en Bretagne ou en Corse où les dentistes ont pour la plupart refusé de prendre des patients séropositifs. Alors que dans les grandes villes comme Paris ou Bordeaux, la séropositivité n’empêche pas les soins. Même lorsqu’un patient séropositif est accepté dans un cabinet, il doit faire face à un traitement différent qu’un patient sain. Un dentiste nous a avoué utiliser une double paire de gants. Plus grave encore un docteur en Champagne Ardenne réserve des ustensiles uniquement pour ses patients séropositifs. Certaines réponses nous ont fait sourire. En Corse, une dentiste ne pouvait pas prendre de séropositif car son cabinet était en étage et qu’il fallait monter des escaliers. Heureusement, nous sommes aussi tombés sur de bons élèves, un praticien nous a dit qu’on était tous séropositifs et qu’il fallait prendre les mêmes règles d’hygiène pour tout le monde. Un autre a déclaré qu’aucune maladie, pas même le VIH, ne l’obligera à travailler avec un scaphandre. Si les dentistes ont encore des problèmes avec les séropositifs, c’est le plus souvent parce qu’ils ne connaissent pas bien les maladies. La peur d’être contaminé malgré les règles sanitaires en vigueur n’est pourtant pas justifiée. Finalement c’est tout de même 30% des dentistes qui refusent de prendre les personnes séropositives et pas loin de 80% de ceux qui acceptent les patients atteints du VIH les soignent dans des conditions sanitaires différentes que pour les autres patients.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Lucas Vitau au micro de l’émission de radio Vivre avec le VIH. Je voudrai rajouter aussi qu’il y avait certains dentistes qui acceptent de recevoir des personnes séropositives mais à certaines heures, en fin de journée, comme ça les instruments on les nettoie tous, encore mieux, pour ne pas mélanger. Donc de la méconnaissance comme vous l’avez dit. J’espère que les choses vont changer. On remarque des disparités entre régions. Et ça, ce n’est pas la première fois qu’on remarque ça. On a un réseau de correspondant à l’émission. Par exemple en Bretagne, je pense à Loane qui est là-bas. Déjà qu’il n’y a pas du tout d’association pour les séropositifs là-bas, c’est vraiment un combat. Et du coup ce n’est pas vraiment étonnant qu’en Bretagne par exemple les dentistes n’acceptent pas de personnes séropositives. Et d’autres dentistes disent aussi que les séropositifs doivent directement aller à l’hôpital, ce n’est pas possible de prendre une personne séropositive au cabinet, c’est directement à l’hôpital parce que, s’il y a des chirurgies, tout ça, voilà.
Yann : Et puis quand on est un petit peu dans les clichés, je suis très étonné de savoir qu’il y avait des escaliers en Corse parce que sachant les Corses molo, molo, voilà quoi (rires).
Sandra : N’importe quoi Yann. Attention, il faut arriver là les Corses, arrête (rires). Non, j’arrête avec les clichés (rires). En tout cas, on attend vos réactions sur le site comitedesfamilles.net et puis vous pouvez aussi nous appeler au 01 40 40 90 25.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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