Sandra : Suivi de l’adulte vivant avec le VIH, entretien avec Xavier Lescure.
Début de l’enregistrement.
Xavier Lescure : Je suis médecin hospitalier à l’hôpital Bichat Claude Bernard Paris en service de maladies infectieuses et tropicales. Je suis des patients qui sont porteurs du VIH, des hépatites virales et je vois aussi beaucoup de patients en hospitalisation qui ont de sida, soit inauguraux soit au décours de l’infection sur un suivi plus compliqué, moins efficace et puis beaucoup d’infections bactériennes graves paludisme, etc.
Je suis passionné et c’est un truc qui vous prend les tripes et le cerveau. On continue. C’est vrai un défi et c’est une pandémie et les infectiologues s’attachent beaucoup aux histoires pandémiques.
Je suis à Bichat depuis quelques mois et je fais un peu moins de VIH qu’avant. Avant j’avais à peu près 250 personnes en suivi et là j’en ai une centaine. Je ne saurai pas dire le genre mais en revanche ce qui est sûr c’est que j’ai beaucoup de patients d’origine subsaharienne.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Xavier Lescure au micro de Vivre avec le VIH. Maintenant Tina et Bruno c’est vous qui allez faire un peu l’émission. Eh oui ! Devant vous, vous avez une feuille avec les sujets que j’ai abordés avec lui. J’ai rencontré Xavier Lescure sur son lieu de travail puisqu’il ne pouvait malheureusement pas venir à l’émission et du coup il m’a proposé que je vienne et qu’on puisse discuter tranquillement sur ces sujets suivants :
Ma spécialité dans mon boulot
Moi et ma relation avec les associations
Fellation et cunnilingus, quels risques ?
Allègement du traitement pour ou contre ?
Mes premiers mots à l’annonce d’une séropositivité
SMART
Traitements fashion
Quand débuter un traitement ?
Trash et cash
Des super séropositifs
ETP
Quand le VIH et les traitements font boum boum au coeur
Vous allez me dire, quels sujets vous voulez entendre. Sachant qu’il nous reste 20 minutes d’émission, donc peut-être que nous n’aurons pas l’occasion de tout entendre aujourd’hui. À vous de choisir ce qui vous intéresse le plus. Qui commence ?
Tina : Je dirai que dans l’ordre des choses il faudrait d’abord commencer par mes premiers mots à l’annonce d’une séropositivité comme ça on commence au début.
Sandra : Ok, c’est parti. Je vais lancer ce son.
Début de l’enregistrement.
Sandra : Quels sont vos premiers mots quand vous annoncez une séropositivité à un patient ou quand vous recevez pour la première fois un patient, qu’est-ce que vous lui dites ?
Xavier Lescure : On essaye toujours de dédramatiser même si c’est vrai qu’il y a des patients pour lesquels on se dit qu’il aurait fallu dédramatiser un peu plus avant. Il y a certaines personnes qui j’ai l’impression sont dans le déni de la gravité de la maladie même si on a dit que c’était moins grave et qu’on survivait aussi bien. C’est quand même une maladie chronique, contraignante avec des médicaments qui peuvent rendre malade etc. Si on peut éviter c’est mieux. Quand j’ai une annonce à faire, d’abord je profite toujours du fait qu’il faille la confirmer pour préparer les gens, gagner du temps entre guillemets pour essayer de préparer psychologiquement les gens. Quand la confirmation est faite, déjà je compare ça à une maladie chronique type diabète ou hypertension artérielle. En gros c’est, dans les pays où l’accès au traitement est facile, gratuit etc, ce n’est pas du tout la même musique ailleurs, mais ici je compare ça à une hypertension artérielle ou un diabète. C’est une maladie qui n’est pas une grippe, c’est une maladie grave mais c’est une maladie chronique dont la prise en charge optimale et le traitement conduit, amènent à une absence de complication. Si on prend mal les traitements on fait des complications et la petite différence par rapport à l’HTA et au diabète par exemple, ce n’est pas des petites différences. La première c’est qu’on est en face d’un truc qui est vivant, qui interagit et qui donc va développer des résistances si on prend mal les médicaments. Et la deuxième chose c’est que ça a un impact direct avec l’intimité, les relations sexuelles, l’image de la maladie qui n’est pas du tout la même de celle d’une hypertension artérielle. C’est là-dessus que je travaille après pour le suivi parce qu’en dehors du côté pandémique de l’histoire, c’est qu’il y a un truc qui est, pour un soignant et pour la relation patient, enfin personne vivant avec la maladie et le docteur c’est qu’on rentre dans l’intimité. Ça peut être intrusif mais sinon, si on s’y prend bien, ça crée une relation très forte. Du coup on travaille là-dessus pour que les gens se sentent à l’aise, pas stigmatisé, que le traitement soit bien accepté et que ça se passe bien et que les médicaments ne rendent pas malade ce qui est le premier objectif pour moi quand je prescris un médicament. C’est qu’il soit non seulement efficace mais d’abord qu’il soit bien toléré et ne rende pas du tout malade.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Rentrer dans l’intimité, c’est le choix de Xavier Lescure qui vient de parler. Est-ce que toi Tina, ton infectiologue avec toi s’intéresse aussi à ta vie en général et à ton intimité comme il dit ?
Tina : Disons qu’à l’annonce, je n’ai pas du tout eu à faire à un infectiologue, c’était un médecin généraliste qui sans doute ne connaissait pas grand-chose au VIH et donc qui n’a pas pu dire grand-chose, qui a effectivement dit qu’il faut le confirmer mais qui n’a pas du tout essayé de dédramatiser la chose puisque quand on apprend forcément on a des images très négatives de cette maladie. Je ne sais pas si les infectiologues ont souvent la situation d’annonce puisque l’annonce se fait plutôt dans les centres de dépistage. J’imagine que quand les personnes viennent vers l’infectiologue, la personne est déjà au courant d’après ce que j’imagine.
Sandra : Oui, c’est ça. Mais lui il a bien dit qu’il se retrouvait dans des situations d’annonce et puis qu’il profite du fait que… il dit au patient qu’il faut refaire un test pour confirmer et comme ça, ça permet de préparer le patient en fait à l’éventualité qu’il se soit séropositif. Mais oui, je pense comme toi.
Tina : Après, sur moi ça n’avait pas tellement marché ce truc de dire… le médecin m’avait dit… forcément on se met à pleurer et tout, on est vraiment catastrophé. Elle a plutôt utilisé ce truc de dire il faut d’abord confirmer pour dire là, ça ne sert à rien de pleurer, faut attendre d’abord. Au final quand le résultat c’est confirmé, je me suis dit c’était un petit peu un bleuf. Et j’ai entendu que de toute façon dans plus de 99% des cas, ça se confirme. J’ai plus vu ça comme une échappatoire du médecin. Ce qui ne veut pas dire que c’est le cas, c’était dans ce cas précis ou de toute façon par la suite je n’avais plus à faire à ce médecin donc je me suis dit elle s’est bien défilée pour qu’ensuite le travail soit fait par d’autres professionnels. L’infectiologue, j’ai vu un infectiologue au bout de 8 ans parce que comme je n’avais pas besoin de traitement j’étais suivie par un généraliste qui a un peu l’habitude quand même des personnes séropositives mais je ne savais même pas que ça existait l’infectiologue. C’est en fréquentant l’association que j’ai compris qu’au final, il faut aller à l’hôpital, enfin, à un moment donné peut-être que c’est mieux d’aller à l’hôpital une fois que je commence le traitement pour avoir un suivi plus complet. Quand je suis venue vers l’infectiologue, je connaissais déjà énormément de choses sur la vie avec le VIH. Je l’ai connue à l’association donc c’est une relation un peu de proximité quoi. On est très à l’aise. Elle me parle de tout, je lui parle de tout et je pense que c’est un soutien énorme de pouvoir être très libre et de parler ouvertement avec son médecin. Je l’ai choisi aussi pour ça.
Sandra : Bruno, j’ai vu que tu voulais réagir ?
Bruno : C’est vrai que moi je ne suis pas professionnel de la médecine mais c’est vrai que pour moi l’annonce, c’est important d’entendre… ce que j’entends au niveau de l’association, je pense que c’est important d’entendre que l’espérance de vie peut être égale, est égale maintenant à des personnes séronégatives. Et puis entendre parler de la prévalence. Moi dans l’annonce c’est vrai que ces deux messages-là… après, je ne suis pas professionnel. Les professionnels ont leurs procédures mais je trouve que, je ne suis pas séropositif, mais je trouve que c’est important d’entendre que l’espérance de vie est la même malgré cette maladie et puis la prévalence, de savoir où on en est et puis voilà.
Tina : De ce que j’ai entendu dans ce que disait le docteur Lescure, c’est exactement ce qu’il fait, de rassurer. Moi je pense, l’ayant entendu, je me dis que si lui m’avait annoncé, ça se serait certainement passé très bien. C’est rassurant de l’entendre parce qu’on se dit, pas tous les médecins ont cette capacité à se mettre presqu’à la place et à avoir vraiment de l’empathie. Franchement ça fait plaisir d’entendre qu’il y a des médecins qui sont humainement… enfin ce n’est pas le seul, mais en tout cas il en fait certainement partie, ça s’entend.
Sandra : Bruno tu parlais de la vieillesse, c’est un thème que j’ai abordé avec Xavier Lescure. Du coup, je te propose de l’écouter puisque tu as envie d’entendre quelque chose dans ce sens-là. C’est ce que j’avais intitulé des super séropositifs.
Début de l’enregistrement.
Sandra : Quel âge a votre patient le plus âgé ?
Xavier Lescure : Alors c’est marrant parce que mercredi dernier, à ma consultation j’ai vu trois patients de plus de 70 ans avec des pathologies dans tous les sens. Et en fait, je me rends compte que le VIH ce n’est pas ça qui pose le plus de problèmes en fait. Le plus âgé, il a 83 ans. Par rapport à l’espérance de vie, il y a des données très récentes qui montrent qu’on vit une fois, à condition d’avoir un virus indétectable et d’avoir une immunité restaurée au moins au niveau quantitatif sur les CD4, l’espérance de vie, elle a été recalculée récemment et elle est quasiment équivalente à celle des séronégatifs. Il y a même des sous-groupes où le suivi régulier des personnes qui ont une maladie chronique, spécifiquement sur le VIH pour l’étude dont je parle, il y a des sous-groupes qui auraient une tendance vers une survie améliorée. C’est à dire que l’impact du VIH quand il est bien géré, il influe de moins en moins mais en revanche, le patient bénéficie du suivi régulier avec un docteur de tout le dépistage qui a lieu tout autour de la prise en charge, de la prévention des autres maladies, du dépistage du cancer du rectum, du frottis régulier chez la femme, des vaccinations à jour, etc.
Sandra : Donc un meilleur un suivi qu’une personne lambda en fait.
Xavier Lescure : Exactement. Et ça c’est très important pour aujourd’hui. Ce n’est pas plus une maladie qui fait mourir. C’est un suivi chronique et une observance optimale mais en revanche on peut aussi bénéficier des effets collatéraux qui ne sont pas que négatifs.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Alors ça c’est une bonne nouvelle. Ça veut dire donc que les personnes séropositives sont en meilleure santé que les personnes séronégatives quand elles vont régulièrement à l’hôpital, quand elles sont sérieuses dans leur suivi médical en fait.
Bruno : Oui, il faut prendre aussi le traitement tous les jours quand même.
Sandra : Bien sûr, mais oui c’est ça ! Mais c’est une bonne nouvelle.
Tina : Oui, en fait on bénéficie d’être dépisté beaucoup plus fréquemment. On sait bien que dans la population générale, les gens ne vont pas régulièrement chez le médecin donc il y a plus de situations peut-être où des cancers ou autre peuvent être dépistés tardivement alors que c’est vrai que si on est, si on a la chance d’avoir un médecin qui est très rigoureux et un infectiologue qui fait bien tout ce qu’il faut comme examen, oui effectivement… je l’avais déjà un peu entendu mais l’entendre comme ça clairement ça me semble effectivement logique de me dire que oui, du coup toutes les autres maladies sont plus rapidement écartées et comme le VIH n’a plus trop d’influence négative on peut être en meilleure santé.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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