Sandra : Discussion avec l’infectiologue Anaenza Maresca sur le suivi de l’adulte infecté par le VIH, prévention et prise en charge des commorbidités. Donc c’est parti, on va discuter sur un des chapitres du rapport Morlat. Sans doute qu’on n’aura pas le temps de le voir du début jusqu’à la fin mais quand même on aura le temps de détailler quelques… de faire ressortir les points forts de ce chapitre. Tout d’abord, depuis combien de temps vous vous occupez de personnes séropositives.
Anaenza Maresca : On va dire depuis que j’ai commencé mon internat en 1985. Ca ne me rajeunit pas (rires).
Sandra : Et combien de patients vous suivez ?
Anaenza Maresca : J’ose imaginer 200.
Sandra : Combien d’hommes, combien de femmes ?
Anaenza Maresca : Les hommes biologiques sont la majorité contenu du profil de personnes qui par des biais d’origine me sont destinés. Je suis aussi des femmes de tout origine avec des désirs d’enfants, qui ont enfanté etc. Mais on va dire que c’est 20%.
Sandra : La tranche d’âge à peu près de vos patients ?
Anaenza Maresca : Mes patients ont 30-45 ans. Quelques-uns de plus de 50, de plus en plus parce qu’on vieillit tous avec le virus. Il y aussi beaucoup de jeunes personnes récemment dépistées d’origine de mon continent. Donc c’est un peu des biais.
Yann : Vous avez aussi un public en recherche d’identité sexuelle.
Anaenza Maresca : J’ai un public concerné par la transidentité assez importante dans les 200 patients qui sont suivis dans le service. On va parler de la file active, ça doit faire 120, environ 70% me reviennent et ils sont originaires majoritairement de l’Amérique latine pour ne pas dire presque moitié péruviens, moitié brésiliens.
Sandra : Vous vous êtes déjà retrouvée à annoncer une séropositivité à un patient ?
Anaenza Maresca : Ah oui ! Et combien de fois dans ma vie ma belle ! Et cela depuis que j’avais moins de 25 ans.
Sandra : Et donc comment ça se passe ? Pouvez-vous raconter ? Comment vous vous y prenez pour annoncer une séropositivité à un patient ? Quels sont les mots que vous dites ?
Yann : Surtout avant les trithérapies, il y a un vrai changement aussi.
Anaenza Maresca : Avant les trithérapies c’était toute une autre histoire, surtout au Brésil. Il y avait toute une équipe pluridisciplinaire parce que parfois les réactions pouvaient être très violentes. Il est clair que de nos jours, ça n’enlève en rien les stigmatisations, le fait de savoir que c’est quelque chose de chronique, à vie. De nos jours, c’est un plaisir depuis 1996 et de plus en plus on peut dire qu’à partir du moment qu’on a plus de 500 CD4 et qu’on est contrôlé, on peut songer à avoir la survie comme n’importe quel autre, tout ça je pense que dès qu’on annonce on peut essayer de mettre en avant et on peut dire qu’à partir du moment on sait qu’on a une sérologie positive, ce qui ne veut pas dire qu’on est infirme et qu’on va faire un long chemin ensemble. On commence par un bilan pour vérifier les caractéristiques de virus de l’infection à ce moment-là, suivre ensemble un chemin, continuer des projets de vie de famille, travail, procréation et tout le reste.
Ali : J’avais une question. J’ai entendu une femme chercheuse brésilienne, alors je vous explique, qui avait découvert l’équivalent des traitements qui sont distribués en occident. Il semblerait qu’elle n’est pas pu du moins breveter, je ne sais pas comment on dit ça, et c’était grosso modo un combat entre les laboratoires occidentaux qui voulaient avoir le monopole et bon, je ne sais pas ce qu’il est advenu après mais cette dame qui pouvait faire en sorte que des patients qui n’en avaient pas les moyens, puissent être traités. Avez-vous entendu parlé de ça ?
Anaenza Maresca : Je n’ai pas le souvenir. Peut-être s’il y a longtemps…
Ali : Ah oui presqu’une dizaine d’années.
Anaenza Maresca : C’est vrai que le Brésil avec d’autres pays a cette tradition d’avoir à casser les royalties donc il y a eu beaucoup de génériques qui ont été produits dans ce pays. C’est déjà une avancée immense. Mais après…
Ali : Une grande chercheuse qui souhaitait développer ça et pour le Brésil, et pour l’Afrique, pour les pays essentiellement qui ne pouvaient pas.
Sandra : Dans le rapport Morlat, il est recommandé de proposer une éducation thérapeutique au patient en cas de maladies chronique diagnostiquées. Est-ce que vous le faites ?
Anaenza Maresca : Je le fais assez fréquemment contenu du profil des personnes que je suis. On a la chance depuis quelques années d’avoir une infirmière qui fait cela. Non seulement dans le cadre de comorbidités chronique au niveau cardiovasculaire, des problèmes des épidémies et de troubles métabolique mais aussi pour tout ce qui concerne les IST. Donc on le fait assez souvent. Dès l’annonce on se rend compte que la personne a besoin de beaucoup parler. Donc suggérer un rendez-vous avec l’infirmière qui le fait, suggérer un rendez-vous avec la psychologue. Le jour de l’annonce, même parfois on fait ça à l’improviste pour que cette personne puisse se sentir épaulée avec différents intervenants. Une infirmière d’éducation thérapeutique peut-être là tous les jours. On le fait assez souvent et ça se coordonne plutôt bien depuis quelques années et on a la chance qu’elle soit hispanophone, elle parle espagnol et portugais pour les patients qu’on suit c’est plutôt très bien.
Sandra : Et ça existe depuis combien de temps l’éducation thérapeutique dans votre service ?
Anaenza Maresca : 4-5 ans. Au départ c’était plutôt de la débrouille, et là elle a fait une formation, ça lui tenait beaucoup à coeur. C’est quelqu’un d’incroyablement investie, qui est même capable de nous appeler sur notre portable pour dire madame un tel je ne sais pas d’où elle a besoin de vous voir. C’est plutôt très bien.
Sandra : Elle vous aide dans votre travail.
Anaenza Maresca : Ah oui, je pense que c’est primordial la pluridisciplinarité. Sans oublier le milieu associatif référent qui pourrait être aussi d’une grande aide. Ce n’est pas toujours qu’on a envie de se rendre à l’hôpital.
Tina : En fait cette infirmière, le nom m’échappe mais en fait elle m’a proposé qu’on développe le projet de faire de l’éducation thérapeutique au Comité et comme je suis dans le COREVIH Ouest, dans le même COREVIH, elle nous a proposé son aide. Par téléphone on s’est entretenue plusieurs fois. Justement c’est ce qu’elle dit, pour elle c’est très important que dans les associations aussi il y ait de l’ETP et qu’elle puisse par moment pour certains patients les orienter vers les associations.
Anaenza Maresca : Ces relais et ces collaborations qui se rajoutent sont très importants. Elle s’appelle Elsa Doscentos. Elle a participé aussi à un groupe de parole avec la psychologue référente de service proposé aux personnes concernées.
Daniel : Est-ce que vous le proposez systématiquement à chaque patient ?
Anaenza Maresca : Je suggère mais il y a des personnes qui ne le souhaitent pas spécialement donc je ne fais pas le forcing. Proposer, suggérer et dire que cela existe. Il y a certaines personnes qui expriment d’emblée qu’elles n’en ont pas besoin. Mais à chaque fois trouver un petit moment pour suggérer.
Sandra : Daniel, je sais que tu avais une question sur les perdus de vue.
Daniel : J’ai participé au congrès à Poitier de la SFLS et on a parlé des perdus de vue. Et du coup, est-ce que dans votre hôpital vous prévoyez de faire quelque chose. Essayer de remettre la main sur ces patients qui disparaissent du circuit, qui ne se présente pas en consultation par exemple.
Anaenza Maresca : Il y a un groupe qui réfléchit sur cela. Je crois que c’est au niveau du COREVIH. On sait que en ce qui concerne la file active, je ne suis pas tout le monde hein, mais j’en ai beaucoup qui disparaissent et qui reviennent. En tout cas, on essaye si ces personnes ont vraiment des adresses personnelles, ce qui n’est pas le cas toujours, d’envoyer des lettres de relance. Style, vous vous ne êtes pas présenté à la consultation depuis X temps…
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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