Sandra : Avez-vous des patients non traités qui ne prennent pas encore de traitement pour leur VIH ?
Anaenza Maresca : J’en ai. Ce n’est pas la majorité, j’en ai. C’est vrai qu’avec les dernières recommandations contenu de leur particularité, c’est toujours à discuter mais bon, généraliser c’est plutôt très bien, au niveau préventif c’est important, au niveau survie c’est important après, faut vérifier si c’est une personne qui est contaminée depuis 20 ans, qui a toujours des charges virales contrôlées parce que ça existe, qui ont des charges virales très basse, des CD4 bien supérieurs à 500 qui ont de toutes les chances de ne pas être observants, je ne vois pas pourquoi on va penser à induire éventuellement une résistance au traitement qui pourra par la suite être transmissible. Mais bon ce sont des exceptions, j’insiste. Je suis beaucoup de personnes qui sont concernées par le sexe tarifé pour ne pas dire le travail sexuel, l’intérêt du traitement est majeur mais encore une fois on va vérifier au cas par cas que la personne va adhérer à tout ce que ça veut dire prendre à vie un traitement.
Sandra : Vous avez parlé du traitement comme un outil de prévention. Donc c’est-à-dire que si une personne séropositive prend son traitement correctement, qu’elle a une charge virale indétectable depuis plus de 6 mois et qu’elle n’a pas d’autre IST, pas d’IST dans le couple, du coup le risque de contamination est quasi nul. On en parle souvent la chronique prévention positive. Est-ce que ce genre d’information vous le dites ?
Anaenza Maresca : Je pense que c’est un discours très important qui depuis juillet 2011 si je ne dis pas de bêtise, l’étude HPTN052, qui a pu rassurer les couples sérodifférents. Je pense que ça, ça change même le profil du ressenti de portage de ce virus. C’est très important. Dans 97% des cas, si c’est la charge virale plasmatique est inférieure au seuil de détection, la transmission n’a pas lieu. Donc au niveau procréation, projet. Tout s’ouvre d’une façon extraordinaire. Après pour les rapports annaux, pour la présence d’IST, il faut mettre toujours disons des restrictions, on les spécifie mais on essaye aussi de rassurer ces personnes même s’il y a des charge virales qui peuvent être positives dans le liquide séminal, mais ça reste encore une fois des cas exceptionnels. Je crois que HPTN052 a changé la vie de ceux qui vivent avec et ceux qui travaillent avec.
Yann : La vie et les mentalités aussi.
Anaenza Maresca : Complètement et tant mieux ! J’ai eu la chance d’assister à un colloque à Rome et je veux vivre pour voir la guérison. Si j’ai la chance de voir ça, ce serait une vie pas pour rien.
Yann : On n’a pas que des horreurs à annoncer aux séropositifs.
Anaenza Maresca : Non et depuis longtemps je crois.
Tina : Mais est-ce qu’au Brésil on en parle aussi de cette manière ?
Anaenza Maresca : Le Brésil a une grande caractéristique, depuis longtemps, les pays d’Amérique latine sont très forts dans le message de prévention et ça depuis le début de l’épidémie.
Yann : Peut-être parce que le rapport au corps est différent.
Anaenza Maresca : Peut-être. Je ne saurai pas dire actuellement mais je sais que les indices sont plutôt très bons. Le traitement est universel aussi, donc on le distribue gratuitement. Déjà après il y a des problèmes de stocks. Il y a certaines régions qui sont mieux dotées que d’autres. Mais ce discours existe. D’ailleurs j’ai pu échanger avec un psychologue qui travaille dans le centre de référence VIH IST de Sao Paulo, c’est vrai qu’ils sont avant-gardistes.
Ali : Comme dans pas mal de pays où la religion a une grande importance, en l’occurrence au Brésil alors vous parliez de l’Italie, c’est encore autre chose mais le Brésil qui est vraiment immense, à la fois c’est des gens qui sont vachement ouverts sur le monde et d’un autre côté il y a la religion qui prend un rôle très important.
Anaenza Maresca : Le problème c’est ce manque de… je ne peux pas accuser les gens mais bon, cette regrettable déclaration de ne pas conseiller d’emblée le préservatif. C’est là tout le problème. Mais je crois que les campagnes… il y a même parfois des discussions assez musclées…
Ali : Le dernier pape a l’air un peu moins…
Anaenza Maresca : Oui, il faut espérer qu’à un moment donné, il soit assez clair pour ça. Mais bon, je pense que tout l’arsenal de communication qu’on a nous permet de plus en plus de sensibiliser les gens. Faut espérer. Hélas on a encore une incidence assez importante et c’est sûr et certain qu’on a du travail à faire.
Sandra : Selon vous, vous devez aborder la santé sexuelle avec vos patients ?
Anaenza Maresca : Je pense que c’est inconcevable qu’un infectiologue ne le fasse pas. J’ai des collègues qui me trouvent très trash quand je vais ce type de commentaires mais pour moi c’est inimaginable que ce soit autrement. Je n’ai jamais imaginé qu’on avait besoin de trouver ce nom, santé sexuelle pour parler de la sexualité.
Sandra : Parce que dans le rapport Morlat, ils incitent vraiment les infectiologues à parler de la santé sexuelle. Mais vous, vous n’avez pas eu besoin de cette recommandation pour le faire apparemment.
Anaenza Maresca : Non. Je vais même plus loin. Comme j’ai des personnes qui sont pas mal concernées par des pratiques à risque avec leur travail, je suis bien obligée de prescrire des dépistages beaucoup plus fréquemment. Je suis là pour ça. Et même pour une personne mariée ayant des enfants et tout ça, ne pas parler de sexualité, je ne comprends pas que ce ne soit pas le ressort d’un infectiologue. Mais ça c’est moi.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
Vous avez une question par rapport à cet article ?
Elle a peut-être déjà été traitée dans notre section FAQ
Vous ne trouvez pas votre réponse ou vous avez une remarque particulière ?
Posez-nous votre question ici :