Sandra : Est-ce qu’autour de la table tout le monde a compris l’étude ICCARRE [[Intermittents En Cycles Courts Les Anti Retroviraux Restent Efficaces]] ?
Bruno : Je veux bien réagir. Déjà juste, je voudrais revenir sur le début. C’est vrai que comme tu l’as dit, c’est vrai que le Comité des familles, on a eu l’opportunité d’inviter Bernard Hirschel pour pouvoir relayer l’information. C’est vrai que pour nous, ça a été une grande nouvelle pour nous. Sur le dossier ICCARRE, moi en fait je vis en couple sérodifférent depuis les années 90.
Jacques Leibowitch : C’est vous le différent ou c’est l’autre ?
Bruno : C’est moi qui suis séronégatif. C’est vrai que j’ai changé de partenaire entre-temps mais, depuis 20 ans j’ai été avec des personnes séropositives. Au niveau du livre, par mon expérience, je me suis rendu compte que c’est vrai que la personne n’est pas forcément indétectable sur tout le long.
Jacques Leibowitch : C’est ça, il y a des arrêts.
Bruno : C’est savoir au niveau du livre, la référence, si c’est vraiment juste sur un seul échantillon de personnes que vous avez…
Jacques Leibowitch : ICCARRE Intermittent cycle court les antirétroviraux restent efficaces c’est mes patients à moi. Moi j’ai une cohorte de 100 patients. C’est tout petit. C’est une observation que j’ai faite de prescription. Les patients prenaient 4 jours. Mes patients ont pris 7 jours par semaine, puis pendant un temps 5, puis après 4 et après 3 et après 2 puis 12 patients ont fait le saut avec moi à un jour par semaine. J’ai remonté au bout d’un an à 2 jours par semaine sauf pour 3 qui n’ont pas voulu. Ils ont continué à prendre 1 jour par semaine. Ça fait 3 ans que 3 patients sont à un jour de traitement par semaine avec un virus qui ne revient pas. Alors, voilà s’il ne revient pas, il ne revient pas. Je n’y peux rien, ce n’est pas de ma faute s’il ne peut pas remonter. Sous 7 jours par semaine c’est pareil, il ne remonte pas. Sauf si vous ne les prenez pas. Si vous êtes intermittent de l’intermittence, ça ne marche pas. C’est ça que ça veut dire. Vous ne pouvez pas être intermittent de l’intermittence. Vous ne pouvez pas être intermittent. Ce n’est pas un spectacle, ce n’est pas un jeu. HIV c’est un crétin. Il fait exactement toujours la même chose. Il attend son heure et il est là pour repartir puisqu’on n’a pas guéri les gens. On ne va pas les guérir avant 10, 20 ans ou plus. Donc on est condamné entre guillemets, c’est ça le mot qui est terrible, on est condamné non, on est dans l’obligation de choisir ou bien je me soumets aux antirétroviraux et à la médecine mais je me débrouille avec ICCARRE pour être quand même moins indigne de ce qu’ils ont voulu me faire. Je suis moins soumis que ça et c’est HIV qui a l’air d’un crétin quand je prends 2 pilules par jour, 2 jours par semaine et qui ne m’empêche pas de vivre, là d’un seul coup je sens le rapport de force, la dignité, la responsabilité, la liberté que ça donne. Vous voyez ce que je veux dire, le côté révolutionnaire et pacifiant de ICCARRE c’est ça. C’est que ça donne la possibilité de choisir en connaissance de cause et en responsabilité. C’est vrai que les patients aussi sont intermittents de temps en temps. Et je n’arrête pas de leur crier après, de leur courir après. ICCARRE ce n’est pas la fin du sida sauf si les médecins y vont à fond et que les patients jouent le jeu et qu’ils sont convaincus que c’est un bénéfice pour eux de les prendre. Mais même quand ils sont convaincus, ils sont intermittents de temps en temps. Donc c’est toute l’histoire. Comment voulez-vous qu’on arrête ça ? Bon. Il faudrait que le virus disparaisse. Il ne disparait pas. Bon, bah alors s’ils ne sont pas réguliers, ça ne va pas marcher. Il faut être régulier.
Yann : Mais comme chaque patient est assez différent face au VIH, comment ça se calcule la dose ?
Jacques Leibowitch : Ah non, ne croyez pas ça. Les doses sont plutôt maximalisées. Par exemple Sustiva et Efavirens, on le sait depuis presque 15 ans. L’Efavirens on sait que c’est surdosé puisqu’ils ont montré les courbes. Quand ils ont présenté les premiers résultats expérimentaux à 400 milligrammes c’est aussi efficace qu’à 600. Ils ont choisi 600. D’accord. Ils ont choisi du coup 50% de gens qui ont des effets psychiatriques, psychiques et des effets neuropsychiques du Sustiva. Ils ont la tête dans le gaz pendant quelques semaines minimum. Et puis après ils font des cauchemars. S’il faut qu’ils les prennent le soir c’est très bien. Et puis dans la nuit ils font des drôles de trucs et puis le matin ça peut aller. Donc surdosage. Probablement pas vrai pour les autres. C’est vrai pour les antiprotéases par exemple, pour le Kaletra c’est 800 qui est recommandé. Mais à 400 milligrammes ça fait exactement pareil. Pourquoi on donne 800 ? Pour être tranquille entre guillemets disent les médecins et les labos disent pour être tranquille aussi. Et en même temps que vous en vendez 2 fois plus, ça ne fait pas de mal. Ca fait de mal qu’aux gens qui les prennent.
Yann : Ça me rappelle un exemple comme il y a 4, 5 ans où on donnait beaucoup plus de quantités de médicaments que le patient en avait besoin par mois.
Jacques Leibowitch : Par exemple. Autrefois quand on a fait le traitement de la tuberculose dans les années 50, c’est exactement pareil. C’est normal que la médecine quand elle est dans une position d’impuissance, se confronte à un obstacle ou c’est la bébête qui domine, c’est lui le maitre.
Yann : Faut absolument le tuer.
Jacques Leibowitch : HIV c’est le maitre. La tuberculose c’est le beca qui est le maitre alors on a filé 1200 milligrammes et puis après au fil des années on a fait quadrithérapies mais des quadrithérapies qui duraient que 6 mois et maintenant moins peut-être je crois, et avec des doses qui sont ramenées. Donc le dosage ce n’est pas un truc individuel. Sauf que vous n’avez pas tort de dire que pour les femmes par exemple qui font en moyenne 57 kilos plutôt que 75, c’est hallucinatoire qu’on leur demande de prendre les mêmes doses. Hallucinatoire. Je le dis. Je ne comprends même pas que ce soit certifié par toutes les académies.
Yann : Oui c’est comme si on donnait une dose d’adulte aux nourrissons.
Jacques Leibowitch : Par exemple. D’ailleurs moi j’ai appris les réductions de doses par mes patientes. Sur le Kaletra, elles disaient à moi j’en prends que le moitié. J’avais envie de les tuer parce qu’on me disait qu’il fallait absolument puis je voyais les résultats et ça marche. Il y a une erreur dans le texte. Pourquoi ça prend autant de temps de changer la règle. Mais parce que la règle, je ne suis pas sociologue mais c’est connu, la règle, c’est la règle. Une fois qu’elle est constituée, elle est de façon consensuelle avec les groupes d’expert. Avant que vous les déplaciez il faut changer le rapport de force de désirabilité, de visibilité, de l’autre possibilité. C’est là où vous exister que parce que l’institution elle est raide et elle n’est pas là pour être flexible quoi en gros. C’est vraiment ça.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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