Sandra : Avez-vous entendu parler de l’étude ICCARRE menée par Jacques Leibowitch ?
Anaenza Maresca : Tout à fait !
Sandra : Qu’est-ce que c’est cette étude ? Je vais demander à quelqu’un de l’équipe radio, de rappeler ce que c’est l’étude ICCARRE ?
Yann : ICCARRE c’est le professeur Leibowitch avec d’autres médecins qui avaient proposé de faire, suite à la demande de beaucoup de patients, de faire l’arrêt un peu comme les vacances thérapeutiques comme on faisait il y a quelques années, quand l’observance était difficile. Faut savoir que dans un cursus un peu long de prise de médicaments il y a parfois des patients qui en ont ras-le-bol et qui vont voir leur médecin et peut-être trouver un moyen de faire un break. Ca a existé pendant 3 mois, 4 mois et de continuer surtout à contrôler la charge virale et les CD4. Leibowitch lui, met en place depuis un an je crois avec 200 patients…
Sandra : 90 patients.
Yann : D’accord. Une réduction du traitement, c’est-à-dire que certains en prennent 5 jours par semaine, avec un suivi régulier et puis apparemment les études dont il nous a parlé montre que si on est suivi…
Sandra : Voilà, la charge virale reste indétectable et puis le taux de CD4 reste…
Yann : Oui, le but c’est que tout aille bien. Et moi j’y crois, peut-être parce que j’ai envie d’y croire, je me dis que moi-même en prenant un traitement, si je peux éviter d’en prendre le samedi – dimanche, jour du Seigneur, c’est pas mal (rires).
Sandra : Vous, qu’est-ce que vous pensez de cette étude ?
Anaenza Maresca : Je crois que, d’autant plus qu’on est dans le même COREVIH, je respecte beaucoup toutes les initiatives de Jacques et son équipe. Je travaille beaucoup avec Dominique Matez, la virologue de cette étude, Pierre De Truchis. Donc moi je pense qu’elle a toute sa place, d’autant plus que Jacques propose ça avec une expérience, avec des personnes qui ont ce profil qui montre le succès de la démarche et que pour certaines personnes, encore une fois, avec des profils définis parce que lui, les critères d’inclusion sont très précis. Si on les suit pourquoi ne pas proposer ça aux gens puisque c’est sûr et certain qu’on ne va pas s’amuser à faire des dosages. Mais avec l’évolution des molécules, on peut avoir des niveaux plasmatiques qui dépassent largement les 24h et donc on peut songer à diminuer. D’ailleurs les vacances thérapeutiques on s’était rendu compte que ce n’était pas bénéfique pour les personnes mais il y a certaines molécules où on peut songer à réduire la dose de la moitié. Je ne vais pas citer les molécules parce qu’on n’est pas là pour ça, mais ça existe. C’est un fait.
Yann : Il y avait cet exemple qui était donné d’une femme de 40 kilos qui prend le même traitement qu’un bonhomme de 80 kilos.
Anaenza Maresca : En effet, il y a des gens qui ont des métabolismes différents et des études génétiques le montrent. Donc à quand le traitement à la carte ? Je pense que ICCARRE à toute sa place et je suis persuadée que Jacques va réussir à faire inclure dans son protocole même s’il a déjà une expérience professionnelle avec ses patients assez importante, ce qui a permis qu’il présente ce projet. Et il y en a qui cherchent à se faire inclure.
Yann : Mais là malheureusement Jacques nous disait qu’il ne prenait plus personne.
Sandra : Il est à la retraite.
Anaenza Maresca : Mais il y a d’autres personnes qui vont prendre le flambeau. J’ai cru comprendre que vous voyez Pierre de Truchis bientôt. N’hésitez pas à lui demander parce que Pierre est aussi un peu le référent pour cela.
Tina : En fait c’est l’ANRS maintenant qui s’est saisi de cette étude.
Anaenza Maresca : Ce n’était pas sans peine. On connait tous, ce n’est pas la peine qu’on perdre notre temps pour en parler mais c’était une longue bagarre et je ne peux que féliciter notre collègue si emblématique, qui est la retraite maintenant, pour sa ténacité. Qui d’ailleurs est légendaire depuis 1980, que je suis arrivée dans ce pays. J’ai vu cet homme-là parler, je devais avoir pas un mois de France et il m’a déjà impressionné. Je le respecte beaucoup.
Yann : Énormément de charisme.
Sandra : Si vous voulez plus d’informations sur cette étude ICCARRE, vous pouvez écouter l’émission du mardi 17 septembre, puisque nous l’avions reçu ici à l’émission Vivre avec le VIH. Et aussi il y a le site iccarre.org où tout est bien expliqué. Il y a même une pétition que les patients ont faite. Et vous parliez du traitement des femmes parce qu’effectivement dans le rapport Morlat s’est dit que plusieurs études font état des effets indésirables des ARV plus fréquemment chez les femmes. Donc vous, est-ce que vous prescrivez des traitements VIH particuliers pour les femmes ou vous appliquez les mêmes traitements pour les hommes et les femmes ?
Anaenza Maresca : Pas spécialement mais par exemple je pense à une personne qui vient d’enfanter il n’y a pas très longtemps, qui depuis le départ, comme on n’avait pas beaucoup de choix, il fallait qu’on utilise un inhibiteur de protéase. On a fait des dosages, elle a toujours pris des demi-doses et elle va très bien et son bébé aussi. Donc oui, on adapte.
Ali : Vous, comment vous réagiriez si vous avez un patient, si une personne présente des examens, une charge virale détectable mais pas très élevée, un taux de CD4 avec 300, 400… donc la question elle est claire c’est vous en tant qu’infectiologue, si quelqu’un se présente à vous avec une charge virale relativement basse et des CD4 et des défenses immunitaires suffisantes, est-ce que vous faites comme la plupart des infectiologues, c’est-à-dire mise sous traitement immédiate. On est arrivé au tout traitement depuis quelques années ou est-ce que vous attendez un petit peu que la personne soit suivie, fasse des examens plutôt tous les 6 mois, tous les ans, tous les 3 mois et qu’ensuite… je voudrais savoir si on est passé dans le tout traitement. Moi je prends un traitement que depuis un an sur 30 ans de co-infection…
Anaenza Maresca : Je vous aurais proposé bien plus tôt parce que vous êtes co-infecté du fait que le VIH par exemple peut impacter dans l’évolution du VHC. Ça, on le sait depuis fort longtemps. Donc, peu importe votre niveau de charge virale, je vous aurai sous traitement si vous étiez bien d’accord pour le prendre mais en attendant, si vous me dites je n’ai pas envie de le prendre, un coup je vais le prendre et l’arrêter, ça, voilà. C’est à chaque fois au cas par cas. S’il y a des comorbidités, si la personne a plus de 50 ans, si elle a une co-infection, tout cela va être mis en compte pour ne pas attendre une prochaine fois. Si la personne me dit je ne suis pas prête, on va se dire pas dans 6 mois peut-être mais quand est-ce qu’on peut en reparler ? On revoit la personne plus fréquemment pour avoir des éléments de discussion. On ne peut pas oublier, et vous le dites très bien, l’idéal c’est de mettre la majorité des personnes sous traitement.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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