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11.06.2014

Yves Welker : «L’essai Ipergay n’aurait pas dû débuter»

Yves Welker : Je me présente, je m’appelle Yves Welker, je suis médecin hospitalier, spécialiste en maladies infectieuses et tropicales et je travaille à l’hôpital de Poissy/Saint-Germain-en-Laye.

Sandra : Pour rappel, l’essai Ipergay c’est la PrEP, prophylaxie pré-exposition. La question que les chercheurs se posent c’est est-ce qu’une personne séronégative peut se protéger d’une contamination en prenant lui-même les antirétroviraux. À ce jour on ne sait pas si ça marche, encore moins avec quelle efficacité, ni dans quelles conditions. L’essai Ipergay ne teste pas l’observance. Proposer aux séronégatifs de prendre des médicaments tous les jours ça ne marche pas, on l’a vu avec l’essai I-Prex. Avec l’essai Ipergay les chercheurs proposent aux participants de prendre un comprimé juste avant et juste après une activité sexuelle dont les investigateurs présument qu’elle se restreint aux week-ends. Yves Welker, pourquoi voulez-vous qu’on arrête l’essai Ipergay ?

Yves Welker : J’aurai aimé qu’on ne le commence pas. Si on veut être d’accord avec la prévention, on ne peut être que d’accord, je pense que ce qui est démontré par les différents essais thérapeutiques, ce n’est pas qu’une bithérapie soit efficace dans le cadre de la prévention. Ce qui est démontré dans les essais, c’est que dans des couples sérodiscordants quand un patient, et donc un patient séropositif l’autre est séronégatif, si on traite efficacement le patient séropositif, que sa charge virale est indétectable, la probabilité de transmettre le VIH est tout à fait minime et aux alentours de 2, 4%, ça veut dire qu’il y a une prévention très importante qui est de l’ordre de 96%. Pour rappel, les préservatifs, la prévention, c’est aux alentours de 85%, pour des tas de raisons, préservatif qui glisse, etc. Le traitement antirétroviral est efficace dans le cadre de la prévention de la transmission. Des traitements parfaitement conduits, des traitements efficaces. La bithérapie par le Truvada par elle-même, n’est pas un traitement que l’on donnerait à quelqu’un qui est séropositif et qui globalement serait un traitement efficace dans le cadre de cette maladie. On a fait une mixité entre différents essais thérapeutiques, vous avez cité I-Prex. Il y a d’autres essais thérapeutiques. Globalement qu’est-ce qu’ils ont montré avec le Truvada ? C’est que globalement le Truvada, notamment c’était essentiellement des couples hétérosexuels et ce qu’on a remarqué c’est qu’il y a un niveau de protection qui est aux alentours de 40% avec ce type de traitement. Est-ce que l’on peut donner à des personnes qui sont très actives sexuellement, comme les patients homosexuels, un traitement qui ne prévient que 40% d’une infection comme le VIH ? La réponse est claire, c’est non. Quand vous donnez un traitement où potentiellement vous pouvez prévenir 96% de transmission, la réponse serait plutôt oui. Donc ce serait un traitement optimisé. Mais là, donner ce traitement par Truvada dans une population alors qu’on a simplement démontré qu’on avait un niveau de protection de 40% dans les différents essais thérapeutiques en terme de prévention de la transmission par ce traitement, il est clair que le niveau de protection conféré est largement insuffisant et que cet essai n’aurait pas dû débuter car en mon sens, ce traitement va montrer son inefficacité.

Ce qu’il faut savoir c’est que dans l’essai Ipergay, les patients reçoivent ce qu’on appelle un counselling. Globalement on leur dit il faut utiliser le préservatif, etc. Les patients qui vont être dans l’essai Ipergay, pour eux, l’essai Ipergay c’est de prendre un traitement et inch’Allah, il n’y aura plus de préservatif. Il y aura une diminution drastique de la consommation de préservatif par ces patients qui sont sexuellement actifs et vous allez avoir ce que l’on sait déjà, une augmentation du nombre d’infection autre, gonococcie, syphilis, chlamydia, toutes ces infections sexuellement transmissibles étant des facteurs de risque de transmission du VIH. Ce que l’on pouvait prévenir par le Truvada, l’infection VIH, va être compensé par l’augmentation des IST, des infections sexuellement transmissibles qui va faire que globalement, que grosso modo, vous allez finir par ne rien prévenir du tout. On se retrouve dans une situation un peu particulière qui fait que d’un côté, vous donnez un traitement qui sera insuffisant pour la prévention et de l’autre côté, les attitudes, les comportements, vont eux, entrainer des infections qui augmentent le risque de transmission du VIH. On va voir très probablement apparaître dans les mois qui viennent, dans cette population-là, un nombre de primo-infection VIH qui sera probablement plus important que ceux que globalement qu’on pensait avoir s’il n’y avait pas eu cet essai Ipergay dans cette population donnée.

Sandra : Les investigateurs parlent de prévention combinée. Pour moi, ce que j’avais compris, c’est préservatif + Truvada. Ils pensent que dans la pratique, les gens vont utiliser le préservatif et le Truvada, c’est ça ?

Yves Welker : Oui, c’est soit se mettre un masque sur les yeux, soit ne pas vouloir connaître entre guillemets le comportement de la population homosexuelle. Dès l’instant où on donne un traitement potentiellement qui peut prévenir, quel est le sens de mettre le préservatif alors que le préservatif jusqu’à maintenant, par le seul fait d’en mettre, vous protégeait ? On vous donne un traitement, ce sont des molécules quand même qui ont une activité et qui ont aussi des effets secondaires, il ne faut pas l’oublier, alors qu’avec le préservatif vous alliez parfaitement bien. Je pense que dans cette population, le fait d’avoir cette prévention combinée ne va, en fin de compte, en pratique ne pas être combinée. Ce sera le Truvada et pas le préservatif. La prévention a largement diminué dans le milieu homosexuel. Les jeunes homosexuels sont ceux qui globalement représentent le gros des primo-infection dans la population homosexuelle. Les jeunes qui ont leur premier rapport homosexuel. Preuve en est que cette population qui est la plus jeune, la plus fragile, les messages de prévention manifestement envers cette population ne sont pas bien passés ou en tout cas ne passent plus. Et que le préservatif était déjà en perte de vitesse. Quel message peut-on avoir quand on induit le fait de dire vous avez préservatif + Truvada ? On induit quoi ? On induit immanquablement la possibilité pour des personnes de penser que le seul traitement antirétroviral est le facteur protecteur.

Quand on sait la difficulté à prendre ses traitements de façon extrêmement régulière, surtout quand il s’agit d’avoir un rapport sexuel. Ce n’est pas comme si on devait se traiter quelque chose. On fait un traitement pré rapport sexuel. Psychologiquement, c’est quelque chose d’assez particulier. Donc je crains que l’observance ne soit que médiocre même si dans un premier temps on a l’impression que les choses se passent bien, dans un deuxième temps, immanquablement, il y a une baisse d’observance. On ne prévoit pas forcément ses rapports sexuels quand on sort, même si en effet c’est plus facile dans le milieu homosexuel où la sexualité est un peu plus libertine. Mais n’empêche que globalement, je pense qu’il y a des soirs où on ne va pas avoir de rapport sexuel. Des soirs où on a prévu d’en avoir. Et là, globalement il n’y a peut-être pas le cachet Truvada pour potentiellement se protéger. Je rappelle que cette protection est tout à fait limitée.

Aujourd’hui on a une population homosexuelle qui vivait sa vie et tout allait bien. Aujourd’hui, on a ces phénomènes qui sont les phénomènes de société, qui ont débuté en Allemagne et qu’on retrouve un petit peu dans les grandes capitales et qui sont que, ce sont des personnes qui ont accès très facilement aux drogues festives. Certains sont devenus des réels toxicomanes, prennent du GHB, de la cocaïne, de l’extasy, etc. Et donc on sait que ces drogues modifient complètement le comportement. Et entre prendre ces drogues dites festives et prendre le Truvada, je pense que le choix est assez vite fait. Et quand on est sous l’effet de ces drogues festives, on n’est plus tout à fait le même. Et là, sur le plan sexuel on est tout à fait gaillard et potentiellement on peut avoir des multiples rapports.

Je pense que la prévention a largement baissé dans tous les milieux, que ce soit homosexuel, hétérosexuel. Les campagnes de prévention sont tout à fait limitées. Je crois que quand il faut faire des préventions dans des sites sexuels, que ce soit homo ou hétéro, faut être présent et peut-être ne pas avoir une sensibilité qui fait que vous êtes plus proche de la population que vous étudiez. Si vous êtes homosexuel et que vous êtes dans une backroom et que vous voyez des tas de copains arriver et dans l’optique d’avoir des rapports et se faire du plaisir, est-ce qu’à un moment donné, vous n’allez pas être incité globalement à oublier votre message de prévention ? Et à faire la même chose ? Pareil dans le milieu hétérosexuel.

En France, la particularité c’est que les traitements qui sont donnés, que ce soit en terme de prévention ou en terme de traitement efficace, on doit toujours se poser des questions du potentiel remboursement de ces molécules. Le Truvada c’est aux alentours de 500 euros par mois en France. Il y a des pays où c’est moins cher. Mais donc vous avez un traitement qui a un certain coût pour lequel il va falloir se poser la question du remboursement. À partir de là, autre question, c’est vraiment une question publique c’est est-ce que la société doit rembourser ou doit payer un traitement qui potentiellement peut prévenir l’infection VIH mais surtout un traitement qui est donné pour des personnes qui prennent, qui ont un comportement dit à risque sur le plan sexuel. À ce moment-là se pose la question pourquoi les seuls homosexuels ? Et les prostitués ? Et les hétérosexuels ? Et toute la population qui a des rapports sexuels ? Je ne pense pas que les Français seront d’accord pour faire en sorte qu’une certaine frange de la population qui est tout à fait minime puisse avoir des rapports sexuels et que ce soit eux qui potentiellement par le biais de leur cotisation rembourse pou leurs rapports sexuels.

Sandra : Mais ça, est-ce que c’est le travail des chercheurs de penser à ça ?

Yves Welker : Non, ce n’est pas le travail des chercheurs mais on est en France et c’est pour ça qu’il faut se dire est-ce que sur le plan philosophique la PrEP est une bonne chose dans ce cadre-là ? Est-ce que sur le plan éthique, est-ce sur le plan sociologique, c’est une bonne chose ? Vous pouvez dire alors si on prévient une infection par le VIH, c’est quand même un traitement qui n’est pas donné toute une vie à un patient, etc. Mais je crois que globalement c’est avant tout, plutôt que de mettre cet argent dans cette thérapeutique, thérapeutique couteuse, c’est de mettre cet argent dans d’autres structures de prévention et faire une prévention très active.

Fin de l’enregistrement.

Sandra : Yves Welker au micro de l’émission de radio Vivre avec le VIH. Le ton est donné. Il a donné son avis sur l’essai Ipergay et je vois qu’Hugues Fisher, pendant l’entretien vous n’étiez pas tout à fait d’accord avec ses propos. Je vais vous donner la parole et puis ensuite je demanderai à Yann et à Christophe de réagir.

Hugues Fischer : Il est bien mais ce médecin résume vraiment tous les clichés et tous les a priori et tous les préjugés qu’on peut avoir quand on ne connait pas du tout ce terrain-là. Mais vraiment, c’est extraordinaire à quel point c’en est caricatural. Les essais de PrEP ont commencé au début des années 2000. Et ce n’est pas comme si on venait juste de commencer à se lancer dans ce genre de recherche. Les fondements de la PrEP c’est des recherches qui datent de 1995. L’essai Ipergay c’est vraiment le dernier maillon de la chaîne après de nombreux autres essais qui ont montré des tas de choses et qui sont tous sauf limités à ce que ce brave docteur explique.

Sandra : Cet essai, il a commencé quand ?

Hugues Fischer : Cet essai a commencé il y a deux ans.

Sandra : Et maintenant on en est où ?

Hugues Fischer : À la moitié.

Sandra : Donc pour l’instant il n’y a pas encore de résultat ?

Hugues Fischer : Il va avoir un résultat intermédiaire publié dans pas longtemps.

Sandra : Qu’est-ce que ces résultats vont montrer ? Vous êtes au courant j’imagine.

Hugues Fischer : Oui, mais je ne peux pas vous le dire (rires). Aller, je vous dirai juste que c’est encourageant. En fait, on va prendre les choses de manière simple. Effectivement, je pense qu’on peut attendre beaucoup plus de la PrEP que le résultat principal à l’heure actuelle qui est celui de l’essai I-Prex, qui effectivement a montré 44% d’efficacité. Mais il ne faut pas oublier que c’était un essai en vraie grandeur c’est-à-dire que ça tenait compte absolument de tout ce qui était les conditions de vie des gens dans cet essai. Et c’est bien le problème, c’est que précisément il a mis une chose en évidence. C’est que ça ne marche que quand on le prend ce traitement. Ça ne marche pas quand on ne le prend pas.

Sandra : I-Prex, si je me souviens bien, c’était prendre un traitement en continue. Donc du coup, l’observance n’a pas fonctionné en fait. C’était des personnes séronégatives qui devaient prendre un traitement et ça, ça n’a pas marché.

Hugues Fischer : Le gros problème c’est surtout qu’effectivement il faut bien se rendre compte que quad on fait de la prévention, on essaye d’agir sur le comportement des gens. Et ce n’est pas parce qu’on n’utilise un comprimé plutôt qu’un préservatif par exemple, que ça change grand-chose. Ça dépend quand même du comportement des gens parce que si les gens ne font pas ce qui est prévu, il est normal qu’il n’y ait pas de résultat. Et effectivement c’est un peu ce qu’à montré I-Prex, c’est qu’il n’y a que chez les gens qui ont réellement utilisé le Truvada en prévention que les choses ont fonctionné. Et le résultat global, celui de 44% c’est effectivement un résultat qui tient compte de ça. On a quand même un résultat qui est intéressant on va dire, qui est significatif en tout cas mais effectivement la faiblesse de ce résultat est essentiellement dû au fait que beaucoup de gens ne l’ont pas utilisé correctement. Ou pas utilisé du tout.

Sandra : Il y a combien de participants dans l’essai Ipergay ?

Hugues Fischer : On vise 900 participants.

Sandra : Et là, ça en est à combien ?

Hugues Fischer : On est arrivé au bout de la phase pilote. La phase pilote devait inclure 300 participants. En fait, on est au-delà.

Sandra : Yves Welker trouvait ça un peu utopique que des personnes avant un rapport et après un rapport puissent prendre un traitement alors qu’elles ne sont pas séropositives. C’est un médicament, ils ne sont pas malades on leur demande quand même de prendre un traitement VIH. Est-ce que quand vous avez présenté cet essai, vous avez… ressenti cette question-là auprès du public concerné ?

Hugues Fischer : Oui, je fais également partie du groupe inter-associatif TRT5 qui s’intéresse justement à la recherche, tout ce qui est recherche sur le VIH entre autres et ce qu’on avait organisé en 2010, avant que l’essai démarre, on avait organisé en France ce qu’on appelait une consultation communautaire, c’est-à-dire qu’on s’est baladé dans 12 villes de France pour aller à la rencontre des gens et leur demander leur avis et puis recueillir un peu tout ce qu’ils pouvaient avoir. C’est pour ça qu’effectivement tous les griefs qu’on vient d’entendre contre cet essai, je les ai entendus en 2010. Et on les a discuté et on a mis des réponses en face parce que le protocole tel qu’il est construit effectivement, apporte des réponses à toutes ces situations. Il faut bien comprendre une chose, c’est déjà on recrute dans cet essai des gays, ce n’est pas pour rien, c’est parce qu’on sait très bien que globalement le risque chez les gays par rapport aux hétérosexuels est environ 200 fois plus élevé et donc du coup quand on recrute des gays, ce n’est pas pour tester le truc chez les gays spécifiquement. C’est simplement parce qu’on arrive à un résultat plus probant, plus facilement parce que le risque est plus élevé.

Sandra : Bah si, c’est quand même testé pour les gays puisque…

Hugues Fischer : C’est une façon de voir les choses mais la façon scientifique de le voir n’est pas celle-là ?

Sandra : Oui mais par exemple pour les hétérosexuels, j’avais posé la question à Jean-Michel Molina, qui est infectiologue à l’hôpital Saint-Louis et en gros sa réponse c’était chez les hétérosexuels il y a déjà le TasP. Mais donc là, ce n’est pas de la PrEP…

Hugues Fischer : Mais chez les gays aussi il y a le TasP, ça marche très bien aussi.

Sandra : Oui mais donc la PrEP c’est vraiment visé pour les homosexuels.

Hugues Fischer : Oui mais il faut bien être clair. Pourquoi l’essai I-Prex a été mené chez les gays ? Il y a des tas de choses à dire là-dessus. Parce que c’est une population chez qui les risques sont les plus importants, en gros 200 fois plus élevés…

Sandra : Oui, je comprends, ce n’était pas un reproche mais juste pour dire les choses quoi. C’est vraiment un essai pour les gays quand même.

Hugues Fischer : Oui mais il faut être objectif. Si on veut aller mener le même essai avec une population à infiniment moins de risque, on n’arrivera pas à le faire parce qu’il faudra 12 000 personnes et qu’on n’aura jamais les moyens de le faire. Il faut aussi tenir compte de ça. Mais même on a été au-delà de ça, les gays que l’on recrute dans l’essai Ipergay sont des gays qui prennent particulièrement des risques. Ce n’est même pas le gay lambda si je puis dire. Et pourquoi ça ? Parce qu’effectivement, parce qu’on sait qu’en faisant cette sélection, alors il y a deux aspects des choses. La première c’est parce qu’en faisant cette sélection, on va obtenir un résultat dans l’essai en notant relativement raisonnable et avec un nombre de gens relativement raisonnable. Mais il y a aussi le fait que bien entendu on vise du coup une population chez qui il est intéressant et urgent et important de faire de la prévention. Or, il faut bien voir une chose, c’est que quand on monte un essai de prévention et ce depuis des discussions sur l’éthique dans les essais en prévention qui ont eu lieu au milieu des années 2000, on considère qu’on ne peut monter un essai de prévention qu’à partir du moment où on a un accompagnement maximal des gens en terme de prévention. C’est-à-dire avec les moyens connus et efficaces que tout le monde connait. Or, ce qui se passe, c’est que dans cet essai justement on a monté ça mais vraiment, on a monté cet essai avec vraiment le maximum d’accompagnement, counselling, dépistage des IST, prise en charge des IST, accès au traitement post exposition. Tout ce qu’on pouvait proposer aux gens a été mis en place dans l’essai et ce qu’il faut quand même voir c’est que du coup ça met les participants à cet essai dans des conditions de suivi en matière de santé sexuelle qui sont infiniment supérieures à ceux dont bénéficient en général les gens dans la population.

Sandra : Alors, déjà désolée pour les problèmes techniques, j’entends que le son ne passe pas bien. Yann, j’aimerai bien connaître ton avis sur cet essai. Est-ce que tu connaissais déjà avant qu’on en parle à l’émission ?

Yann : Oui, j’en avais plus ou moins entendu parler mais c’est vrai que c’était un petit peu confiné dans ce milieu. Je ne suis pas plus au courant de ça. Première réaction comme ça, c’est vrai que j’aurai tendance à me dire oui si ça protège d’après ce que j’ai entendu 44%, je me dis il y aura peut-être un risque d’autres infections plus facile, en se disant je me protège du VIH mais du coup, j’ai peut-être plus de risque à attraper d’autres saloperies que si je mettais ma capote.

Sandra : Le préservatif protège de toutes les infections alors que c’est vrai que…

Yann : C’est une porte ouverte.

Sandra : Voilà, si la personne se dit, je prends le Truvada, je suis protégé du VIH mais bon, et les autres IST alors ? Qui sont favorisent en plus la transmission du VIH.
Yann : Il peut avoir facilement oubli quoi. En pensant que c’est un peu comme l’histoire…

Sandra : Puisqu’on est bien d’accord que les personnes là, ne vont pas mettre de préservatif quand elles vont prendre le médicament, c’est ça l’idée ?

Hugues Fischer : Ce n’est pas l’idée. On prend des gens, on ne leur impose rien de spécial en matière de comportement mais simplement on les met dans un univers de prévention renforcé et on sait par les essais en prévention précédents qui ont été menés en général, quand on fait ça en général, on divise par deux l’incidence dans l’essai. Une population donnée qui rentre dans cet essai, qui a été sélectionné parce que ce sont des gens qui prennent spécialement plus de risque que les autres, on sait qu’on va réduire considérablement le risque quand ils seront dans l’essai, simplement par l’accompagnement qu’il y a dedans. Et là je ne parle même pas de ce que peut apporter le Truvada.

Sandra : Christophe, ton avis sur cet essai Ipergay ? Est-ce que tu es favorable ou pas ?

Christophe : Cet essai me pose plusieurs questions. Notamment celle de la responsabilité personnelle lorsqu’on a un acte sexuel qu’on soit hétérosexuel ou qu’on soit homosexuel, protégé ou pas, quand on est séropositif ou pas. Donc moi je constate que dans les endroits de rencontre il n’y a plus de préservatif. Alors les essais, c’est vrai que c’est la communauté homosexuelle dès l’apparition du VIH/Sida sur laquelle on a pu faire des essais parce qu’en effet il y a des activités sexuelles plus importantes multipartenaires, je sais de quoi je parle. Lorsqu’on est séropositif, on prend ses responsabilités. Il y a des actes qu’on ne fait pas ou on met un préservatif. Ça m’appelle ce genre de question. Est-ce que, lorsque je vois des jeunes de 18-20 ans, dans des endroits, avoir des rapports à la chaîne, sans préservatif, je me dis qu’est-ce qui se passe dans leur tête ? Moi, je suis contaminé depuis plus de 20 ans, sous trithérapie… Yann, tu voulais dire quelque chose ?

Yann : Justement je pense que du fait de prendre ce Truvada peut faire oublier toutes les autres IST et Dieu sait si elles sont nombreuses.

Christophe : Moi, je suis toujours pour les essais parce que ça peut apporter aussi dans d’autres contrées que notre Europe ou notre occident, des solutions à des problèmes graves pour une maladie qui est toujours mortelle. Il faut le dire. Mais est-ce qu’au niveau européen ou français, puisque nous sommes ici en France, ce n’est pas une certaine déresponsabilisation des personnes contaminées ou pas ?

Yann : Mais c’est vrai que si on est pour tous les essais pour faire avancer ne serait-ce que la réflexion et la science et la santé, j’avoue que moi ça me paraît encore un petit peu… je ne sais pas si c’est une bonne formule pour faire prendre conscience aux gens. C’est ça qui m’inquiète le plus. J’ai peur qu’on aille sur un chemin où la communication passe mal, on fait un amalgame de tout en se disant, parce que ça va vite quand tu es excité et en besoin de sexe, tu vas peut-être prendre ton Truvada et te dire bon bah ça y est, j’ai mon truc donc je peux y aller quoi. Du coup faire oublier toute cette prévention, la réalité comme tu dis…

Christophe : C’est ce que je voulais dire, tu l’exprimes mieux que moi Yann.

Yann : Il ne faut pas oublier que c’est la réalité, c’est ce que tu dis. C’est que maintenant, dans la plupart des endroits gays ou hétéros je ne sais pas parce qu’il y en a peut-être moins pour aller rencontrer quelqu’un comme ça mais tu me disais qu’il y avait de moins en moins de protection et tout ça, alors que moi de mon côté j’avais plutôt l’impression que le milieu gay justement avait pris une réelle conscience du fait que quand on est traité, on n’est pas contaminant, qu’il y avait tout ça. Mais ça, c’est intéressant que vous en parliez aussi quoi.

Hugues Fischer : Malgré tout dans les statistiques, même si effectivement on voit une baisse de protection chez les gays de manière général. Il faut quand même se rendre compte d’une chose c’est que, on a encore de la marge de manoeuvre parce que simplement les gays sont ceux qui malgré tout se protège le plus dans la population, que malgré tout les gays sont ceux qui se dépistent le plus dans la population et alors même effectivement si on est toujours confronté aux problèmes des gens qui ne se dépistent pas etc, les gays en la matière sont quand même a priori les plus exemplaires. Le problème qui se pose c’est simplement comme je le disais tout à l’heure que le risque chez les gays est 200 fois plus élevé dans la population générale. Et donc effectivement ce n’est pas le fait d’être plutôt exemplaire d’une manière générale qui permet de rattraper les choses par rapport aux autres résultats. C’est une des raisons pour lesquelles en fin de compte on essaye de trouver des outils supplémentaires pour élargir la palette de possibilité de prévention de manière à trouver des solutions pour tout le monde.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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