Zina: Je voudrais mettre en garde contre une substance que l’on trouve sur internet c’est le cannabis de synthèse. Je l’ai testé moi-même, je me suis dit « ho c’est du cannabis, c’est pareil », mais ce n’est pas du tout pareil. En testant j’ai constaté perte d’équilibre, bégaiements, perte de mémoire puis j’ai lu sur internet qu’il y a plein de gamins qui se sont retrouvés aux urgences. Je voudrais vraiment mettre en garde car ce n’est pas rien. Ce n’est pas du cannabis, les effets sont similaires mais les dangers sont bien plus grands. Je trouve regrettable qu’il suffise d’un clic et d’un numéro de carte bleue pour recevoir cela dans sa boite aux lettres.
Eric Hispard: Bien sur, on pourrait se demander pourquoi vous avez essayé?
Zina: Il m’arrive de fumer encore du cannabis. Pas régulièrement mais effectivement ça m’arrive. Effectivement je me suis dit « Ha bon cannabis de synthèse c’est comme le cannabis ».
Eric Hispard: Les dealers sont partout, la question d’internet c’est le super dealer. Donc il est évident qu’il faut alerter tout le monde. Ce qui est intéressant c’est de se dire en terme de bénéfices risques de ce que l’on fait de notre vie, vous disiez tout à l’heure que la personne qui dit qu’elle s’arrêtera pour un homme. Vous disiez aussi que vous vous êtes un petit peu arrêté pour votre enfant. Il y a toujours un prétexte vous voyez ce que je veux dire. Pour le valider le prétexte il est évident qu’il faut le vivre. Je voudrais vraiment que le message de votre stabilisation merveilleuse, de ce que dit Yann, de ce que disent mes à peu près 9000 patients que j’ai vus dans ma petite carrière. C’est à la fois énorme et dérisoire. L’histoire d’un sujet c’est toujours une aventure. L’important c’est de ne pas obliger les personnes mais d’imaginer qu’elles sont de toute façon dans une impasse.
Zina: Je tiens à préciser que c’est mon fils qui m’a aidé à arrêter. J’ai plus arrêté pour lui que pour moi mais par la suite j’ai compris que c’était pour moi avant tout qu’il fallait que j’arrête.
Eric Hispard: Je dis simplement à tous ceux qui sont au fond de leur lieu de vie et qui se sentent coupable, qui se sentent culpabilisés, qui pourraient se dire « je suis donc une mauvaise mère ou un mauvais père, ou un mauvais frère ou un mauvais fils ou un mauvais compagnon » il faut leur dire: c’est simplement normal qu’actuellement vous ne soyez pas en capacité. Allez vers des équipes de soins je vous assure que nous sommes là pour vous accompagner. Quels que soient les parcours des uns et des autres. Ce qui est terrible c’est qu’on est souvent dans le trop tard. Car je pense que la communauté médicale ou médicaux sociale ne fait pas assez le boulot. C’est comme cela, ni bien ni mal. Mais la valeur de la personne n’est pas au niveau où elle pourrait être.
Zina:Qu’est-ce que vous entendez par trop tard?
Eric Hispard: Vous avez réussi mais je connais des personnes que je vois dans les services de médecine et qui sont au-delà d’un soin possible. Je veux parler de la mémoire, et des fonctions exécutives quand il y a quelqu’un qui est comme une personne très âgée. Quand il y a des crackers qui sont totalement éteints. Au bout de trois semaines d’hospitalisation ils commencent à émerger. L’insertion, la vie active sociale et amoureuse ne sont pas possibles. Alors lorsque l’on en est à deux ans d’accompagnement, peut-être, mais souvent la réponse médicale ne va pas être de les encadrer pendant deux ans si facilement.
Yann: Et on ne parle même pas de tous les débats que cela cause sur le comportement, le cerveau, la mémoire, le rapport aux autres.
Eric Hispard: Il y a des personnes, ne serait-ce qu’au niveau de l’alcool, qui sont dans une intoxication majeure au point d’être comme en plongée, à deux années-lumière de nous. On ne sait pas quoi faire de ces personnes en terme de dispositif. Il y a une équipe qui vient de démarrer avec un collègue qui s’appelle Philipe Michaud, l’équivalent d’une masse, car il y a des personnes dont on ne sait pas comment pouvoir les accompagner. Celles qui sont assises sur une chaise et qui n’ont plus du tout de mémorisation de ce qui est possible. Toutes les équipes ont des personnes comme cela. Qu’est-ce que l’on fait de ces personnes ? Je veux dire qu’elles ne vont pas mourir heureusement, mais elles vont être définitivement des personnes hors jeu. Et ces personnes-là, 5 ans avant, 10 ans avant, étaient peut-être soignables. Et quand je vois juste pour arrêter que l’on fait un travail à Fernand Widal comme j’espère dans d’autres circuits. Il y a deux choses qui en alcoologie se disaient depuis que je fais le métier: « Il n’y a pas d’urgence, il faut laisser venir la demande ». Malheureusement il y a des gens qui sont venus aux urgences et que l’on à pas gardés, et la demande, vous savez, si on n’écoute pas votre émission il est évident que l’on ne sait pas ce qu’il va se s’y dire. Donc la question de l’avance, de la demande, d’avoir des témoignages comme vous le faites, dans les écoles, un peu partout. Et puis souvent on diabolise les jeunes, désolé mais il n’y a pas que les jeunes qui sont concernés. On a bien vu par exemple, concernant le VIH, que la communauté gay s’est tout de suite bien mise en place alors que les hétéros se disaient « ce n’est pas pour nous ». On voit que c’est toujours comme ça, la question c’est toujours qui est l’autre et surtout pas qui nous sommes. Plus nous pourrons ouvrir la demande possible plus le soin est possible
Sandra: Merci Eric Hispard d’avoir partagé votre expérience, merci à Yann et à Zina aussi. La discussion continue sur le site comitedesfamilles.net.
Transcription : Lucas Vitau
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